Le Nord en état de siège : Écoles et plages fermées, interventions chirurgicales reportées
"La plupart des gens sont stressés et inquiets", dit une habitante de Safed, sur le pied de guerre comme d'autres villes. "J'ai un pic de tension à chaque alerte"
Dimanche matin, la circulation était bloquée dans la rue bordée d’arbres qui dessert l’hôpital Elisha de Haïfa. Cet embouteillage était dû, non au trop grand nombre de patients désireux d’entrer à l’hôpital, mais à ceux qui tentaient d’en sortir.
En effet, toutes les interventions chirurgicales non urgentes et prestations ambulatoires de l’établissement ont été annulées à cause des tirs de roquettes venus du Liban, les hôpitaux du nord d’Israël ayant reçu l’ordre de transférer leurs activités vers des établissements susceptibles de procurer des conditions de sécurité adaptées à ce contexte d’attaques.
« Je venais pour une consultation avec l’anesthésiste en vue de mon opération de la hanche lorsqu’il m’a dit que mon opération était annulée », explique Simon Hadi, venu avec sa femme de la ville arabe de Rameh, à 50 kilomètres de là.
Ce sont en effet pas moins de 150 projectiles qui ont été tirés depuis le Liban par le Hezbollah sur la région de Haïfa, dans le nord d’Israël, ce dimanche, après une vingtaine de tirs nocturnes sur la vallée de Jezréel. Ce sont les tirs de roquettes les plus profonds que l’organisation terroriste ait effectué en direction d’Israël depuis le début de la guerre à Gaza en octobre dernier.
Un adolescent de 17 ans a été tué au volant lorsque les sirènes d’alerte ont retenti ce matin, aux premières heures de la journée, et trois personnes au moins ont été blessées par ces tirs de roquettes.
Hadi explique que sa femme et lui ont été tenus éveillés une grande partie de la nuit par les sirènes d’alerte aux roquettes.
« Evidemment que nous avons tous peur », confie Hadi. « Le Hezbollah frappe sans discernement. »
Les attaques ont provoqué des annulations dans d’autres établissements hospitaliers, comme par exemple à Rambam et Carmel, à Haïfa, à l’hôpital Ziv de Safed, à l’hôpital de Galilée de Nahariya, à l’hôpital HaEmek d’Afula, à l’hôpital Tzafon dans les environs de Tibériade sans oublier les hôpitaux italiens et anglais de Nazareth.
À l’école David Yelin de Haïfa, les panneaux de bienvenue destinés aux élèves de première année, qui ont fait leur rentrée il y a de cela trois semaines, sont toujours là, mais l’école a fermé ses portes, dimanche et lundi, sur ordre du commandement du Front intérieur, à l’instar de tous les autres établissements d’enseignement de la région.
« Si c’est une fois de temps à temps, ce n’est pas très grave », relativise Roza Mayer, dont les deux enfants fréquentent l’école primaire Regba, près de Nahariya. « Mais j’ai raté une journée de travail pour les garder, ce que je ne pourrai pas faire tout le temps. »
Depuis le 8 octobre, les forces dirigées par le Hezbollah attaquent les communautés israéliennes et postes militaires situés le long de la frontière, officiellement en signe de soutien à Gaza en proie à la guerre contre le Hamas.
Jusqu’à présent, les escarmouches ont fait 26 morts côté civils israéliens, auxquels s’ajoutent 22 soldats et réservistes des Forces armées israéliennes. Par ailleurs, plusieurs attaques ont été menées depuis la Syrie, sans toutefois faire de blessés.
Le commandement du Front intérieur de Tsahal a imposé des restrictions aux activités publiques dans le nord d’Israël, samedi soir, en prévision d’attaques du Hezbollah, et a annoncé dimanche matin que les écoles resteraient fermées sur le plateau du Golan, en Galilée, dans la région de la baie de Haïfa et dans les vallées du nord.
Ces tirs font suite à l’explosion, la semaine dernière au Liban, de pagers et talkies-walkies qui a fait plus de 30 morts au sein de l’organisation terroriste et des milliers de blessés. L’attaque a été attribuée à Israël, qui n’a pas réagi.
Ils font également suite à l’assassinat par Israël, vendredi, des commandants du Hezbollah Ibrahim Aqil et Ahmed Wahbi, ainsi que d’autres membres importants de l’organisation, lors d’une frappe aérienne sur un immeuble d’habitation de Beyrouth à l’intérieur duquel les dirigeants de l’organisation terroriste s’étaient rassemblés pour les besoins d’une réunion, dans une salle souterraine.
« Cela fait 11 mois que nous vivons ainsi », explique Tova Shababo, une habitante de Safed venue à l’hôpital de Haïfa avec deux de ses fils.
Avec un de ses garçons, elle est passée chercher son autre fils à Kiryat Bialik peu de temps avant qu’une roquette ne s’écrase à proximité en occasionnant d’importants dégâts. L’hôpital avait demandé si son fils souhaitait annuler l’intervention prévue, ce qu’il avait refusé.
À Safed, ajoute-t-elle, « les magasins sont vides, il n’y a pas de touristes, pas de commerces, pas d’événements ».
Le Hezbollah, poursuit-elle, a détruit des centaines d’arbres dans la forêt de Birya, dans les environs de Safed, donc « personne n’y va ».
« La plupart des gens sont stressés et inquiets », ajoute Shababo. « J’ai un pic de tension à chaque alerte ».
Elle se souvient que, pendant la deuxième guerre du Liban, en 2006, la maison de son fils à Safed avait été touchée par une roquette Katioucha du Hezbollah.
« S’il n’avait pas été dans son abri anti-bombes, il serait mort. »
Jointe par téléphone à Boston, où elle se trouve pour des raisons professionnelles, la Dre Dinah Kagan, PDG de l’Association des Amis de l’Hôpital Tzafon, explique au Times of Israel que l’établissement s’était préparé à cette « probabilité » dès les premiers jours de la guerre, en octobre.
« Nous avons rénové nos installations souterraines de façon à être prêts », précise Kagan. « Nous avons continué à faire comme d’habitude, tout en sachant que tôt ou tard, la situation s’aggraverait. »
Elle ignore à ce stade s’il s’agit de dispositions temporaires ou si l’hôpital va rester en mode urgence sur le long terme.
Sur la plage de Shavei Zion, près de Nahariya, les sauveteurs sont là, mais la plage est officiellement fermée, comme toutes les plages situées au nord de Haïfa.
« J’espère que les combats sont finis pour un moment », confie un sauveteur qui a préfère garder l’anonymat.
Shababo, pour sa part, ne pense pas que les violences soient bientôt terminées.
« Tant que les habitants ne pourront pas rentrer chez eux dans le nord, ce ne sera pas vraiment terminé », explique-t-elle.
Le Hezbollah « ne peut pas faire ce qu’il veut. Il faut tout faire pour l’arrêter maintenant, définitivement. »