Le président du Salvador, nouvel allié de Trump, est un Palestinien pro-israélien
Celui qui se décrit comme "le dictateur le plus cool du monde" a des ancêtres palestiniens du côté de son père - et compare le Hamas au gang MS-13. Sa femme "a du sang juif", selon lui

JTA — Quand le président du Salvador s’est rendu à la Maison Blanche cette semaine, il a rejeté l’ordre de la Cour suprême des États-Unis qui l’avait sommé de « faciliter » le retour d’un homme enfermé dans l’une des tristement célèbres prisons de son pays.
« Comment aurais-je pu faire entrer clandestinement un terroriste aux États-Unis ? » s’était interrogé Nayib Bukele lors de sa rencontre avec le président américain, faisant écho au positionnement de la Maison-Blanche – un positionnement qui a amené un juge fédéral à déclarer l’administration Trump coupable d’un possible outrage au tribunal. « Nous n’aimons pas beaucoup relâcher des terroristes dans notre pays ».
Les accusations de terrorisme de Bukele ont été présentées sans preuve – l’administration Trump a admis devant le tribunal que l’individu concerné, Kilmar Armando Abrego Garcia, un résident du Maryland, avait été expulsé par erreur. Pourtant, lors de la réunion entre les deux chefs d’État, le conseiller de Trump Stephen Miller, qui est juif, et la procureur-générale Pam Bondi avaient tous deux affirmé qu’Abrego Garcia était membre du violent gang MS-13.
Pour les Juifs qui connaissent un peu Bukele, l’amalgame fait par ce dernier entre les activités des gangs criminels et le terrorisme est familier. Après le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – qui est lui-même palestinien – l’homme avait comparé le Hamas au MS-13.
« En tant que Salvadorien d’origine palestinienne, je suis certain que la meilleure chose qui puisse arriver au peuple palestinien est que le Hamas disparaisse complètement… Ceux qui soutiennent la cause palestinienne commettraient une grave erreur en se rangeant du côté de ces criminels », avait-il écrit sur les réseaux sociaux à ce moment-là.
« Ce serait comme si les Salvadoriens se rangeaient du côté des terroristes du MS-13, simplement parce que nous avons les mêmes ancêtres ou la même nationalité », avait-il ajouté.
Venant d’un chef d’État dont les grands-parents sont palestiniens, dont le pays compte environ 100 000 Palestiniens et dont l’Histoire est marquée par l’élection de Palestiniens à de hautes fonctions, ce positionnement peut paraître inhabituel.
Mais Bukele, 43 ans, qui a affirmé être le ‘dictateur le plus cool du monde’, qui a embrassé l’autoritarisme depuis son élection en 2019 et qui a été propulsé sur la scène médiatique américaine par les accords portant sur les expulsions qui ont été conclus avec Trump, est lui-même une personnalité inhabituelle, en particulier en ce qui concerne Israël et les questions juives.

Le jeune dirigeant salvadorien descend de chrétiens palestiniens du côté de son père. Son grand-père paternel est né à Jérusalem et sa grand-mère a vu le jour à Bethléem. Tous les deux ont émigré au Salvador lors d’une vague d’immigration palestinienne en Amérique latine. Son père, né au Salvador, s’est converti à l’islam à l’âge adulte et il est devenu un imam réputé : Nayib a affirmé qu’il entretenait des relations chaleureuses avec les Juifs et Israël.
Nayib lui-même, dont la mère est catholique romaine mais qui a été la cible de messages anti-islam pendant sa campagne, a déclaré qu’il n’était « pas quelqu’un qui croit beaucoup à la liturgie des religions ». Mais, a-t-il ajouté, « je crois en Dieu, je crois en Jésus-Christ. Je crois en sa parole, je crois en sa parole révélée dans la Sainte Bible. Et je sais que Dieu ne rejette personne à cause de ses origines ».
S’il a principalement construit son identité politique autour de la lutte contre la violence des gangs, il s’est montré ouvertement pro-israélien. Le magazine juif orthodoxe Mishpacha a décrit ses rafles brutales de membres présumés de gangs dans ses grandes prisons et il l’a qualifié de « cas d’étude de contrastes qui intriguent ».
Certains analystes pensent que l’électorat salvadorien, fortement évangélique, pourrait être réceptif aux messages pro-israéliens du chef d’État – et ce, malgré l’absence quasi-totale de Juifs dans le pays. Après le premier anniversaire du pogrom du 7 octobre, deux spécialistes de l’Amérique centrale, qui considèrent la guerre à Gaza comme un « génocide », ont émis l’hypothèse que le soutien de Bukele à Israël pourrait être influencé par la théologie chrétienne sioniste.

Le Salvador compte néanmoins une importante diaspora palestinienne, qui remonte à la fin du XIXe siècle – environ 100 000 personnes, selon certaines estimations, sur une population totale de 6,3 millions d’habitants. La communauté juive du pays, en revanche, est constituée d’environ 200 personnes.
« La communauté juive du Salvador est petite ; nous sommes extrêmement discrets et nous n’avons aucune relation avec le gouvernement ou avec les chefs politiques », a indiqué Juah Pablo Ossandon, le responsable de la Comunidad Israelita d’El Salvador, à la JTA dans un courriel. Il s’est refusé à tout autre commentaire sur les relations qui unissent la communauté à Bukele. En ligne, l’organisation-cadre de la communauté juive a plaidé en faveur de la libération des otages israéliens détenus à Gaza par le Hamas.
Selon Bukele, une personnalité salvadorienne très en vue pourrait également être juive : son épouse Gabriela Rodríguez de Bukele, la première dame du pays.
En 2018, lors d’une visite en Israël parrainée par l’État, le président avait déclaré au maire de Jérusalem de l’époque que Gabriela « a du sang juif sépharade » du côté de son grand-père (le couple a eu deux filles, Layla et Aminah.) La visite avait eu lieu alors que Bukele était maire de la capitale, San Salvador – il était venu dans la ville sainte dans le cadre d’une délégation de maires internationaux. Le voyage était parrainé par le gouvernement israélien et par l’American Jewish Committee (AJC).

Bukele avait été heureux de faire la promotion de ce déplacement dans son pays – postant une photo de lui sur Instagram le montrant en train de prier au mur Occidental et une vidéo de lui en train de visiter Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah. Il avait partagé à nouveau une image de lui au mur Occidental après sa victoire à la présidentielle, en 2019, et il avait également annoncé, cette année-là, faire un don de trois millions de dollars à la Fondation de Jérusalem, qui encourage le développement au sein de la capitale israélienne.
Alors que Bukele a favorisé les liens pro-israéliens, un nombre croissant d’Américains voient des échos gênants dans le programme d’expulsion de Trump. Les prisons de Bukele, connues pour des actes de torture présumés, ont accueilli, ces derniers temps, de nombreux migrants en provenance des États-Unis, expulsés sans avoir eu le droit à une procédure judiciaire réglementaire dans 90 % des cas – sans aucune preuve de l’existence d’un éventuel casier judiciaire. Ces derniers jours, Donald Trump a menacé d’envoyer des citoyens américains dans ces centres de détention.
« Il existe un mot pour désigner une prison qui fonctionne en dehors des règles du système judiciaire et où les prisonniers ne sont pas mis en examen ou condamnés pour un crime dans le cadre d’une procédure appropriée », a écrit Max Burns, un stratège démocrate, dans un article publié dans The Hill. « Selon le musée de commémoration de la Shoah américain, les mots qui définissent le mieux ce genre d’endroit sont ‘camp de concentration’, » a-t-il ajouté.
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