Les États-Unis « rejettent catégoriquement » les mandats de la CPI et disent travailler avec Israël sur l’avenir
Biden parle de mesures "scandaleuses" et rejette toute équivalence entre Netanyahu et Gallant d'une part, et le Hamas de l'autre
La Maison-Blanche a déclaré jeudi « rejeter catégoriquement » la décision de la Cour pénale internationale d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la défense, Yoav Gallant, pour présomption de crimes de guerre à Gaza.
Certains législateurs, à commencer par l’homme choisi par le président élu, Donald Trump, au poste de conseiller à la sécurité nationale, de s’élever contre la décision de la CPI de La Haye et Israël serait en train de travailler avec l’administration entrante sur des mesures punitives envers la Cour. Un sénateur Républicain a suggéré d’envahir La Haye en représailles pour l’émission de ces mandats.
Joe Biden a jugé « scandaleux » les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale contre des dirigeants israéliens, dans un communiqué publié jeudi.
« Quoi que puisse sous-entendre la CPI, il n’y a pas d’équivalence, aucune, entre Israël et le Hamas », a commenté le président américain après que la juridiction internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, mais aussi le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
« Nous serons toujours aux côtés d’Israël face aux menaces contre sa sécurité », a encore écrit le président sortant.
« Nous restons profondément préoccupés par l’empressement du procureur à réclamer des mandats d’arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui a mené à cette décision », avait auparavant déclaré un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
Il avait répété que selon Washington « la CPI n’était pas compétente juridiquement dans cette affaire ».
Le porte-parole a assuré que Washington « s’entretenait des prochaines étapes avec (ses) partenaires, y compris Israël ».
La secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a déclaré que les États-Unis n’exécuteraient pas les mandats d’arrêt et a qualifié la décision de la CPI de « procédure indue ».
« Contrairement à la manière dont [le procureur en chef de la CPI, Karim Kahn] traite les autres, à commencer par [le président vénézuélien examiné] Nicolas Maduro et ses acolytes, le procureur n’a pas donné à Israël la chance de s’expliquer de manière constructive et d’examiner sérieusement ses procédures internes », a-t-elle déclaré. « Cela remet en question la crédibilité du procureur et de son enquête », a-t-elle ajouté.
En revanche, la représentante du Michigan, Rashida Tlaib — membre de l’aile ultra-progressiste au sein du parti démocrate et unique députée américano-palestinien au Congrès — a salué la décision de la CPI, dont elle a affirmé qu’elle était attendue depuis longtemps en disant et qu’elle était le signe « que les jours du gouvernement israélien d’apartheid agissant en toute impunité étaient révolus ».
Les mandats, empêchent théoriquement Netanyahu et Gallant d’entrer dans les 124 États membres de la CPI. Israël et les États-Unis, qui ne sont pas membres de la cour, ont rejeté la motion d’arrestation de Netanyahu et Gallant.
Le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, avait annoncé en mai dernier son intention d’arrêter Netanyahu et Gallant, ainsi que trois dirigeants du Hamas, tués depuis. À l’époque, l’administration américaine avait réagi en attaquant Khan et en affirmant qu’il n’avait pas donné à Israël la possibilité d’enquêter au sujet des accusations portées contre lui.
Toutefois, l’administration Biden a jusqu’à présent rejeté les appels des législateurs Républicains à sanctionner la cour, comme Trump l’avait fait lors de son premier mandat.
Jeudi, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a déclaré au Times of Israel que Washington était « profondément préoccupé par la précipitation avec laquelle le procureur avait demandé l’émission des mandats d’arrêt et les erreurs de procédures troublantes qui avaient mené à cette décision ».
« Les États-Unis ont clairement indiqué que la CPI n’a pas compétence sur cette question », a ajouté le porte-parole. « En coordination avec nos partenaires, Israël y compris, nous évoquons les prochaines étapes. »
La chaîne publique Kan a rapporté jeudi qu’Israël avait proposé une liste de sanctions que l’administration Trump pourrait imposer à la cour, certaines d’entre elles concernant des personnes en particulier.
En juin dernier, la Chambre des Représentants avait adopté un projet de loi pour révoquer les visas américains des fonctionnaires de la CPI, restreindre leur entrée dans le pays et imposer des restrictions financières à tous les fonctionnaires de la cour impliqués dans la détention ou la poursuite des alliés des États-Unis. Biden s’était dit « très opposé » à cette loi, adoptée avec une majorité de 247 voix contre 155, dont celles de 42 Démocrates.
Le Sénat américain n’a pas encore examiné la question, bien que le chef de la majorité, Chuck Schumer, Démocrate de New York, ait qualifié la demande de mandats d’arrêt de « condamnable ».
Donald Trump n’a pas réagi à ces mandats d’arrêt, mais son futur conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz a promis une « réponse forte » au « biais antisémite » de la CPI quand le président élu prêtera serment en janvier.
« La CPI n’a aucune crédibilité et ces allégations ont été réfutées par le gouvernement américain », a écrit Waltz en ajoutant qu’« Israël défend, en respectant le droit, son peuple [et] ses frontières contre les terroristes génocidaires ».
A ce stade, ni Trump ni les personnes pressenties pour l’entourer sur les questions de politique étrangère ne se sont prononcées sur la question, ni la représentante de New York, Elise Stefanik, pressentie pour devenir ambassadrice auprès de l’ONU ni le sénateur de Floride, Marco Rubio, choisi par Trump pour devenir secrétaire d’État.
En revanche, le sénateur républicain Tom Cotton, de l’Arkansas, que Trump aurait envisagé un temps pour prendre la tête du Secrétariat à la Défense, a laissé entendre que les États-Unis devaient envahir La Haye en guise de punition contre les mandats émis contre Netanyahu et Gallant.
« La CPI est un tribunal fantoche et Karim Khan, un fanatique et un fou. Malheur à lui et à quiconque tentera de mettre en œuvre ces mandats criminels », a écrit Cotton sur X. « Laissez-moi leur rappeler amicalement que la loi américaine sur la CPI porte le nom de The Hague Invasion Act [NDLT : Loi d’invasion de La Haye], et ce pour une raison. Pensez-y. »
Le sénateur Lindsey Graham, de la Caroline du Sud a fait allusion à l’inconduite sexuelle présumée de Khan en attaquant la CPI.
« Demander une enquête indépendante sur l’inconduite du procureur un jour et délivrer un mandat fondé sur son travail le lendemain est un affront à l’équité et à la primauté du droit », a écrit Graham sur X.
« La Cour pénale internationale a agi de la manière la plus absurde et la plus irresponsable qui soit », a critiqué Graham, proche de Donald Trump.
« Il est temps que le Sénat américain agisse et sanctionne cet organe irresponsable », a-t-il affirmé.
Le sénateur John Thune, du Dakota du Sud, nouveau chef des Républicains au Sénat, a critiqué la CPI en disant que ses actions « scandaleuses, illégales et dangereuses » « menaçaient Israël et, si on ne les contrôlait pas, les États-Unis à l’avenir ».
Il a demandé à son homologue Démocrate, Schumer, de présenter au Sénat un projet de loi pour sanctionner la CPI.
« S’il décide de ne rien faire, c’est la nouvelle majorité Républicaine au Sénat, l’année prochaine, qui le fera », a déclaré M. Thune, dont le parti a obtenu le contrôle du Sénat lors des élections du 5 novembre dernier.
Le sénateur Jim Risch, de l’Idaho, principal Républicain au sein du comité des relations étrangères du Sénat, a lui aussi critiqué la décision de la CPI, selon lui une « véritable hont », ajoutant qu’Israël ne se trouvait pas sous la juridiction de la Cour.
« Les États-Unis doivent effectivement prendre des sanctions contre cette organe malveillant », a écrit Risch sur X.
The ICC’s arrest warrant against Prime Minister Netanyahu and former Defense Minister Gallant is outrageous, unlawful, and dangerous. Leader Schumer should bring a bill to the floor sanctioning the ICC. If he chooses not to act, the new Senate Republican majority next year will. pic.twitter.com/kckPXPOoLD
— Senator John Thune (@SenJohnThune) November 21, 2024
Son homologue à la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, le représentant du Texas Michael McCaul, a également critiqué la « chasse aux sorcières anti-Israël qui est menée par la CPI et qui ignore ouvertement les faits réels de ce conflit ».
« Israël, qui tout comme les États-Unis, n’est pas membre de la CPI, a prouvé sa capacité d’enquêter et de juger ses propres ressortissants lorsque cela est nécessaire », a déclaré McCaul. « Le Sénat doit immédiatement prendre des mesures pour adopter un projet de loi et protéger les militaires et fonctionnaires américains, sans oublier nos alliés. »
Le représentant Ritchie Torres, démocrate résolument pro-Israël dont la circonscription de New York comprend l’importante communauté juive de Riverdale, dans le Bronx, s’est joint à l’appel en faveur de sanctions contre cette « cour de pacotille », rompant ainsi avec la ligne de l’administration Biden.
« Non seulement le Hamas a déclaré la guerre à Israël, en causant le plus grand nombre de victimes depuis la Shoah, mais il a aussi soigneusement préparé le champ de bataille de manière à maximiser les pertes civiles », a-t-il écrit. « Ce n’est pas parce qu’elle applique la loi que la CPI doit être sanctionnée, mais parce qu’elle l’a déformée au-delà de toute vraisemblance ».
Un autre démocrate pro-Israël, le sénateur John Fetterman, de Pennsylvanie, a critiqué la Cour, mais sans aller jusqu’à demander des sanctions.
Toujours à propos des mandats d’arrêt, Fetterman a écrit : « Aucun fondement, aucune pertinence, aucune perspective. Rien à foutre. »
La guerre à Gaza à éclaté lorsque, le 7 octobre 2023, 6 000 Gazaouis – parmi lesquels 3 800 terroristes du Hamas – ont attaqué des communautés du sud d’Israël, tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils, enlevé 251 otages de tous âges, et commis de nombreuses atrocités en utilisant la violence sexuelle comme une arme à grande échelle.
Israël a réagi en lançant une action militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, l’écarter du pouvoir à Gaza et libérer les otages, dont le nombre est estimé à 97, 34 d’entre eux plus en vie.
Le ministère de la santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, affirme que plus de 43 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Ce bilan, qui ne peut être vérifié et qui ne fait pas la distinction entre terroristes et civils, inclut les quelque 17 000 terroristes qu’Israël affirme avoir tués au combat et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
Israël affirme s’efforcer de minimiser les pertes civiles et souligne que le Hamas utilise les Gazaouis comme boucliers humains, en menant ses combats depuis des zones civiles, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles et des mosquées.
La CPI reproche à Netanyahu et Gallant — que le Premier ministre a limogé ce mois-ci — de s’en prendre aux civils et d’avoir utilisé la famine comme arme de guerre.
Le tribunal a également délivré un mandat, jeudi, à l’encontre du chef militaire du Hamas, Mohammed Deif, qui, selon Israël, a été tué par une frappe de Tsahal à Gaza en juillet.
Khan avait demandé des mandats d’arrêt à l’encontre de Deif et des dirigeants du Hamas tués depuis, Ismail Haniyeh et Yahya Sinwar, en raison des massacres commis par le groupe terroriste.