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Les groupes juifs avaient poussé Meta à réprimer la haine – aujourd’hui, la firme fait volte-face

L'entreprise va assouplir ses restrictions et ses algorithmes de détection des contenus problématiques alors qu'elle s'adapte à une ère politique façonnée par Trump et le Parti républicain

Le fondateur et PDG de Meta, Mark Zuckerberg, à gauche, et Joel Kaplan, nommé en janvier 2025 président des affaires mondiales de Meta, quittent une réunion avec un sénateur républicain à Washington, le 19 septembre 2019. (Crédit : Samuel Corum/Getty Images/AFP )
Le fondateur et PDG de Meta, Mark Zuckerberg, à gauche, et Joel Kaplan, nommé en janvier 2025 président des affaires mondiales de Meta, quittent une réunion avec un sénateur républicain à Washington, le 19 septembre 2019. (Crédit : Samuel Corum/Getty Images/AFP )

JTA — Il y a six mois, les groupes juifs avaient salué une victoire politique lorsque Meta avait interdit l’utilisation du mot « sioniste » en tant qu’injure employée, sous forme de code, à l’encontre des Juifs et d’Israël. Aujourd’hui, les mêmes organisations condamnent l’entreprise pour l’assouplissement considérable de ses restrictions placées sur les discours de haine – un assouplissement qui concernera toutes ses plateformes de réseaux sociaux.

« Cela dépasse l’entendement de constater comment l’une des firmes les plus rentables du monde, une firme qui travaille avec des technologies d’une telle sophistication, est amenée à reculer de manière aussi importante s’agissant de lutter contre l’antisémitisme, contre les haines, contre la désinformation, se détournant de la protection nécessaire des groupes vulnérables ou marginalisés sur internet », a commenté dans un communiqué Jonathan Greenblatt, le directeur de l’Anti-Defamation League (ADL).

Une réponse qui a été faite par Greenblatt alors que Mark Zuckerberg, le directeur-général de Meta, avait annoncé que la compagnie allait renoncer à son programme de fact-checking et qu’elle allait élargir le spectre des discours autorisés à la fois sur Facebook et sur Instagram. Meta, avait ajouté Zuckerberg, cessera également d’utiliser des moyens automatisés pour détecter et pour supprimer les discours de haine sur ses plateformes – limitant l’utilisation de ces outils à la lutte contre le terrorisme, à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et à la lutte contre d’autres délits.

« C’est un compromis », avait expliqué Mark Zuckerberg dans un message filmé. « Ce qui signifie que nous allons sanctionner moins de choses mais que nous allons également réduire le nombre de posts et de comptes d’usagers innocents que nous avons pu supprimer par erreur ».

Zuckerberg, qui est Juif, a affirmé que ces initiatives venaient répondre à « un point de bascule culturel » survenu dans le sillage des élections présidentielles aux États-Unis. Les conservateurs prétendent depuis longtemps que Meta supprime les discours de droite, et les conseillers de Zuckerberg – comme ses détracteurs – ont expliqué que cette démarche s’apparentait à un tournant stratégique qui vise à répondre aux exigences d’une ère politique qui est façonnée, de façon croissante, par Donald Trump et par le parti républicain.

En remplacement de son programme de fact-checking, Meta a expliqué que des « notes communautaires » seraient introduites – reprenant un modèle d’ores et déjà exploité sur X, le réseau social propriété d’Elon Musk, allié de Trump, qui a préféré permettre aux usagers de démentir les publications qu’ils considèrent comme problématiques à la suppression pure et simple des contenus.

Le candidat républicain à l’élection présidentielle, l’ancien président Donald Trump, écoute Elon Musk parler lors d’un meeting de campagne au Butler Farm Show, le 5 octobre 2024, à Butler, en Pennsylvanie. (Crédit : AP/Julia Demaree Nikhinson)

« Nous voulons mettre fin à la dérive de notre mission initiale, une dérive qui a rendu nos règles trop restrictives ; elles sont trop susceptibles d’être appliquées de manière excessive », a déclaré Meta dans son annonce. « Nous allons abandonner un certain nombre de restrictions sur des sujets tels que l’immigration, l’identité sexuelle et le genre, des sujets qui font fréquemment l’objet d’un discours et d’un débat politiques. Il n’est pas normal que certaines choses puissent être dites sur les chaînes de télévision ou au Congrès, mais qu’elles ne puissent pas être dites sur nos plateformes. »

Les changements pourraient avoir un effet considérable sur ce que les utilisateurs sont amenés à voir sur les réseaux sociaux. L’année dernière, les systèmes automatisés de Meta avaient détecté environ 95 % de violations des règles régissant les discours de haine sur Facebook et 98 % sur Instagram, selon les données communiquées par l’entreprise. Des millions de messages avaient ainsi été supprimés.

Ce qui avait été un signe positif pour ceux qui combattaient l’antisémitisme et les autres discours de haine qui se répandent en ligne. Les groupes juifs – comme l’ADL, le Congrès juif mondial et une organisation à but non-lucratif spécialisée dans la traque de l’antisémitisme sur internet appelée CyberWell – avaient fait pression pendant de longues années dans l’espoir de freiner la propagation de la haine antijuive sur la Toile.

Aujourd’hui, ces groupes s’opposent à la décision qui a été prise par le géant des médias sociaux de ne plus contrôler le contenu de ses plateformes. Une décision qui a été annoncée après un réexamen post-électoral de la politique de Meta, un travail qui aurait été mené pendant six semaines par Zuckerberg et par quelques-uns de ses collaborateurs les plus proches.

Le Congrès juif mondial, par exemple, a critiqué la nouvelle dépendance de Meta à l’égard des « notes communautaires » écrites par les utilisateurs dans la lutte contre la désinformation, notant que la responsabilité de la lutte contre les discours de haine serait dorénavant assumée par les groupes marginalisés de la société.

« Dans un environnement en ligne qui est d’ores et déjà marqué par l’hostilité, la diminution des protections et l’absence de lignes directrices claires ouvriront la porte à des contenus qui alimenteront des menaces bien réelles, avec notamment des actes violents prenant pour cible les communautés juives », estime Yfat Barak-Cheney, directrice de l’Institut de la technologie et des droits de l’Homme au sein de l’organisation.

Des personnes discutant près d’un panneau Meta à l’extérieur du siège de la société, à Menlo Park, en Californie, le 7 mars 2023. (Crédit : Jeff Chiu/AP)

Le débat sur la manière de contrôler au mieux la désinformation est une question extrêmement importante pour les groupes juifs, des études ayant révélé l’existence d’un lien étroit entre propagation des théories du complot et attitudes antisémites.

« Ce changement ne démontre qu’une seule chose, c’est qu’il s’inscrit dans la tendance que nous avons observée sur X depuis que Musk a acquis Twitter, à la fois en termes de qualité et de quantité – il y a davantage de discours de haine, davantage de contenus politisés, davantage de cloisonnement, avec des réponses moins efficaces de la part des plateformes », explique Tal-Or Cohen Montemayor, à la tête de l’organisation CyberWell dont le siège est en Israël, dans un communiqué.

« Ce changement nuit tout particulièrement à la sécurité de toutes les communautés marginalisées – notamment à la sécurité de la communauté juive qui subit actuellement l’une des pires attaques en matière de haine généralisée à son encontre, à la fois sur internet et dans la vie réelle », continue Montemayor.

Peu après l’annonce par Meta de ce changement de politique – une annonce qui a d’abord été faite dans le cadre d’un Réel publié par Zuckerberg sur Instagram, puis à l’occasion d’une apparition au cours de l’émission « Fox & Friends de Joel Kaplan », un républicain qui travaille depuis longtemps pour Meta et qui a été récemment été nommé président des affaires globales – des documents qui ont fuité ont permis d’avoir des exemples concrets des contenus autrefois interdits qui seront dorénavant autorisés sur les réseaux sociaux de la firme.

Ces documents, qui ont été obtenus par l’organisation d’information de gauche The Intercept – Meta n’a pas contesté leur existence – comprennent des exemples d’antisémitisme sur internet, comme « les Juifs sont simplement beaucoup plus cupides que les chrétiens ». D’autres discours de haine qui seront autorisés visent d’autres groupes, avec des écrits affirmant que « Les gays sont des monstres ! » ou que « Les immigrés sont des saloperies de merde ».

Certains propos haineux à l’égard des Juifs restent interdits. Par exemple, les modérateurs de contenu seront tenus de supprimer les posts disant, par exemple, que « Les Juives sont des salopes », dans le cadre des lignes directrices relatives aux « insultes liées à la débauche sexuelle ». De même, les règles de Meta continueront d’interdire l’utilisation de certaines injures proférées à l’encontre de groupes protégés. Par exemple, une phrase telle que « Oh, ces putains de Juifs sont encore à l’œuvre » serait supprimée des réseaux sociaux de Meta.

A l’heure de la rédaction de cet article, Meta n’avait pas répondu à une demande de commentaire – en particulier sur ce que deviendra l’interdiction d’utiliser le terme « sioniste » pour désigner les juifs et Israël dans les discours de haine.

L’entreprise n’a pas non plus signalé s’il y aurait des changements dans son rejet du négationnisme de la Shoah – et les documents dont le contenu a été révélé n’ont pas non plus abordé cette question. Zuckerberg avait annoncé cette interdiction en 2020 sous la pression des groupes juifs, revenant ainsi sur une décision antérieure. Certains groupes d’éducation et de défense des droits de l’Homme ont affirmé que la détection automatique des contenus de haine avait entravé leurs efforts d’élaboration de contenus éducatifs sur la Shoah. Avec cette nouvelle approche de Meta, la quasi-totalité des « abus algorithmiques » de cette nature pourrait bien dorénavant appartenir au passé.

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