Les Juifs pauvres sont sous-représentés dans la culture pop US – étude
Selon un groupe de lutte contre la pauvreté au sein de la communauté juive, les Juifs sont largement représentés à l'écran comme étant plus riches qu'ils ne le sont en réalité
JTA – Alors que la Writers Guild of America (WGA), le syndicat des scénaristes à Hollywood, reprend le travail après une grève de cinq mois, les auteurs d’une nouvelle étude portant sur la représentation des Juifs ont transmis un message : celui que le monde a besoin de plus de personnages juifs qui ne sont pas riches.
Les représentations de familles juives riches qui dépensent sans compter dans des affaires somptueuses – comme les personnages du dernier film d’Adam Sandler, « You Are So Not Invited to My Bat Mitzvah » (« Tu peux oublier ma bat mitsvah ! » ) – donnent une image déformée des Juifs américains et de leurs besoins financiers, selon l’étude qui a été publiée lundi par un partenaire du Jewish Funders Network (JFN) qui se concentre sur la pauvreté.
« Les gens sont encore très surpris d’entendre que 20 % de la communauté juive vit sous le seuil de pauvreté », déclare Rachel Sumekh, responsable du projet TEN du JFN – anciennement connu sous le nom de National Affinity Group on Jewish Poverty. « L’une des raisons expliquant cet effet de surprise, c’est Hollywood et les médias et les histoires juives qu’ils ont tendance à tolérer. »
L’analyse et ses recommandations viennent s’ajouter à un débat en plein essor sur la représentation juive – débat qui, jusqu’à présent, s’est largement concentré sur la question de savoir s’il est approprié que des acteurs non-juifs interprètent des personnages juifs, ainsi que sur la représentation des communautés orthodoxes. Le rapport du TEN se penche sur ces questions, mais affirme qu’une autre dimension de la représentation des Juifs mérite également l’attention.
Intitulée « The Case Of The Missing Narrative : Hollywood, The Media and Jewish Poverty » (Le cas de la narration manquante : Hollywood, les médias et la pauvreté juive), l’enquête révèle que les Juifs pauvres et issus de la classe ouvrière sont sous-représentés par rapport à leur prévalence dans la vie réelle. Elle affirme qu’une plus grande représentation de ces personnes pourrait conduire à une reconnaissance plus large des Juifs qui ont des difficultés financières.
L’analyse compile 85 films et 104 émissions de télévision sur des thèmes juifs, la plupart datant des 15 dernières années, et les classe en fonction de leur représentation de la richesse des personnages juifs. Une étude distincte s’est penchée sur la représentation des Juifs dans les médias d’information.
Le rapport sur la pauvreté et la richesse des Juifs à l’écran a été rédigé par Mik Moore, un stratège des médias qui était autrefois un cadre de l’organisation progressiste à but non lucratif Jewish Funds for Justice (JFJ).
Selon le rapport, alors que TEN estime qu’un ménage juif américain sur cinq gagne moins de 50 000 dollars par an, les Juifs pauvres ont dix fois moins de chances que les Juifs riches d’apparaître dans des films et des émissions de télévision. Moore s’est principalement concentré sur les œuvres réalisées depuis 2008 et il a conclu que seuls trois des 85 films réalisés au cours de cette période dépeignaient la pauvreté juive et que celle-ci était généralement représentée dans le contexte d’une mobilité ascendante de type « rêve américain ». L’étude conclut que certaines représentations de la richesse dans les communautés juives sont conformes aux stéréotypes antisémites.
Les données ne sont pas parfaites. Moore a également inclus une poignée de ce que les auteurs de l’étude considèrent comme « les histoires les plus influentes » datant de plusieurs décennies, notamment « Annie Hall » et « An American Tail ». (Ils n’ont pas inclus « Fiddler on the Roof », l’adaptation cinématographique de 1971 de la comédie musicale de Broadway sur les Juifs pauvres du shtetl qui aspirent à devenir riches, parce que, selon Sumekh, « elle ne se déroule pas en Amérique »).
Dans le même temps, l’analyse avait initialement inclus des personnages non-identifiés comme juifs parce qu’ils étaient joués par des acteurs juifs. Dans sa version révisée, l’équipe a supprimé tout personnage dont le judaïsme ne faisait pas partie intégrante de son portrait, y compris les portraits fictifs de Juifs réels tels que le dramaturge Jonathan Larson dans le film « Tick… Tick… BOOM ».
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Pourtant, le rapport final identifie encore certains personnages comme étant des Juifs alors qu’ils ne le sont pas, citant notamment la famille Bluth de « Arrested Development » comme un exemple de stéréotype nuisible de « Juifs riches qui ont tout perdu et qui travaillent (ou manigancent) pour remonter la pente ». (Alors que le patriarche de la famille, joué par l’acteur juif Jeffrey Tambor, embrasse le judaïsme en prison avant de se tourner vers le christianisme, l’identité religieuse des Bluth n’est pas précisée).
Selon Moore et Sumekh, ces erreurs ne doivent pas faire oublier les « tendances qui vont au-delà de l’ensemble des données », à savoir que les Juifs dans les films et à la télévision ont tendance à être représentés comme étant globalement plus riches que les Juifs dans la vie réelle, et qu’une telle représentation fait qu’il est plus difficile pour des groupes comme le leur de convaincre le public que de nombreux Juifs ont en fait besoin d’une aide financière.
« Il ne s’agit pas d’une situation mathématique », déclare Moore. « Nous faisons de notre mieux pour examiner les éléments dominants de la culture et des médias qui traitent de cette question. »
Sumekh cite deux comédies récentes de Netflix qui, selon elle, offrent des représentations particulièrement problématiques des Juifs riches : « You People », le film de Jonah Hill sur une relation interraciale, et « You Are So Not Invited To My Bat Mitzvah ». La représentation de la somptueuse et coûteuse bat mitzvah dans ce dernier film « implique que nous vivons tous d’une certaine manière », dit-elle.
« C’est dommageable car, en tant que juive, j’ai grandi avec de faibles revenus et j’ai partagé ma bat mitzvah avec ma sœur. Cela ne représente pas nécessairement mon expérience juive », ajoute-t-elle. « Il y a beaucoup, beaucoup de Juifs qui contractent des prêts importants pour payer leur bar mitzvah, leur mariage, leur maison et le bon code postal, parce qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir une autre option s’ils veulent faire partie de la communauté juive. »
L’analyse met également en lumière quelques points prometteurs. Seth Rogen, selon un résumé, est « l’acteur juif contemporain le plus sollicité s’agissant de l’interprétation de personnages juifs qui s’en sortent à peine financièrement », ce qui, selon l’étude, est lié à l’enfance de Rogen, qui a participé à un camp d’été socialiste juif.
Mais l’analyse se concentre davantage sur ce qu’il considère comme des occasions manquées, par exemple en attirant l’attention sur le personnage non-juif issu de la classe ouvrière joué par l’actrice juive Kat Dennings dans la sitcom de CBS « 2 Broke Girls ».
« Il n’y a aucune raison pour que son personnage n’ait pas été écrit en tant que juif », estime Moore.
Avec la reprise de l’écriture de scénarii, Sumekh et Moore visent à injecter de nouvelles idées dans les récits sur les Juifs – et leur analyse plaide en faveur d’un investissement accru dans les créateurs juifs qui souhaitent remettre en question les récits dominants sur leurs communautés.
« J’espère que cette étude encouragera au moins les scénaristes et les décideurs à résister à l’envie de renforcer les croyances préexistantes des gens sur qui pourrait incarner tel ou tel personnage », a déclaré Moore. « Et cela inclut la croyance dominante selon laquelle les Juifs sont aisés. »