L’Espagne anoblit une femme juive qui aide les Séfarades à obtenir la nationalité
Pour Doreen Alhadeff, première juive américaine à avoir obtenu la nationalité en vertu de la loi espagnole avant d’aider les autres, cet honneur est « très prometteur »
Doreen Alhadeff est la première juive américaine à avoir obtenu la nationalité espagnole, en vertu de la loi espagnole de 2015 de rapatriement des Juifs séfarades dispersés dans le monde entier.
Prochainement, elle va être anoblie par le roi d’Espagne pour l’aide apportée à d’autres personnes dans sa situation.
Alhadeff, agente immobilière âgée de 72 ans et originaire de Seattle, sera faite chevalier de l’ordre de la reine Isabelle la Catholique le mois prochain, a indiqué, lundi, le Seattle Times.
Depuis qu’elle a obtenu la nationalité espagnole en 2016, Alhadeff apporte son aide au monde entier, d’Athènes à Hong Kong, tout au long du processus de demande.
Avec la synagogue et la fédération de la communauté juive espagnole, ou FCJE, elle a ainsi aidé les membres de la congrégation Ezra Bessaroth de Seattle, congrégation séfarade orthodoxe « très attachée aux traditions de l’île de Rhodes », à certifier leurs recherches concernant leur ascendance.
« C’est incroyablement prometteur », a déclaré Alhadeff au Seattle Times à propos de la distinction qui va lui être remise.
L’ordre au titre duquel Alhadeff sera faite chevalier porte le nom de la reine Isabelle Ire de Castille – la même reine Isabelle qui, avec son mari, le roi Ferdinand II d’Aragon – a ordonné l’Inquisition et publié le décret de l’Alhambra, ordre d’expulsion des Juifs d’Espagne.
Alhadeff est depuis toujours profondément impliquée au sein de sa communauté séfarade.
Elle se souvient que ses grands-parents, tantes et oncles parlaient le ladino, langue judéo-espagnole, à la maison.
Elle a fondé le Réseau Séfarade de Seattle, en 2013, pour organiser des événements pour la communauté et aider les personnes désireuses d’obtenir la nationalité espagnole ou portugaise. Le mari d’Alhadeff, Joseph, siège d’ailleurs au conseil d’administration de son organisation.
« Je me sens chez moi en Espagne», assure Alhadeff au Seattle Times. En recevant ses papiers officiels, en 2016, elle confiait au Times of Israel : « C’est comme si je revenais sur les traces de ma grand-mère. »
Un quart seulement des demandeurs ont obtenu la nationalité espagnole en vertu de la loi de 2015, soit 36 000 personnes sur 153 000, selon des chiffres arrêtés en début d’année.
Le Portugal, qui dispose d’une loi similaire, a naturalisé 54 000 personnes, mais depuis que l’oligarque russe Roman Abramovich a obtenu la nationalité portugaise grâce à elle, suscitant la controverse sur le processus de naturalisation, les conditions d’éligibilité sont devenues plus strictes. Les demandeurs doivent désormais établir l’existence d’un « lien effectif avec le Portugal », tel que des séjours au Portugal ou des biens reçus en héritage.
Le processus de demande de nationalité espagnole est long et complexe : ceux qui postulent doivent prouver leur ascendance séfarade et passer des tests de langue, culture et valeurs espagnoles par l’intermédiaire de l’Institut Cervantes, qui ne compte que quatre délégations aux États-Unis. Les demandeurs doivent également recourir à des notaires en Espagne.
En 2021, l’Espagne a elle aussi suspendu, à titre temporaire, l’instruction des demandes par crainte de fraude. La loi requiert l’approbation du Parlement pour permettre la reprise du programme.
Seattle abrite environ 5 000 Juifs séfarades, ce qui constitue la troisième population séfarade des États-Unis, aujourd’hui composée de ressortissants du Maroc, d’Iran, d’ex-Union soviétique, d’Israël et du Mexique.
Mais dans les premières années du 20e siècle, les immigrants séfarades étaient essentiellement d’origine turque ou rhodésienne. La grand-mère d’Alhadeff, Dora Levy, est la première femme séfarade connue à s’être installée à Seattle, à l’issue d’un voyage qui l’a menée de Constantinople à Washington, en 1906.