Liban : Un élu favorable à la normalisation avec Israël, l’idée débattue dans la presse libanaise
Si les autorités libanaises rejettent largement l’idée, la pression militaire d’Israël et celle, diplomatique, des États-Unis, pourraient faire évoluer la position officielle

Au Liban, après l’affaiblissement du Hezbollah, l’établissement de relations officielles, voire d’une normalisation et d’une paix avec Israël, commence à être discutée. Tandis que les autorités libanaises rejettent l’idée, la pression militaire d’Israël et celle, diplomatique, des États-Unis, pourraient faire évoluer la position officielle.
Alors que le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré le 3 avril qu’Israël souhaitait « normaliser ses relations avec le Liban », Morgan Ortagus, envoyée spéciale adjointe de Donald Trump pour le Moyen-Orient, était ce week-end au Liban, et devait promouvoir l’idée.
Il s’agit de la deuxième visite de Mme Ortagus au Liban depuis sa nomination par le président américain.
« Oui à la normalisation », a écrit le 2 avril sur X le député libanais Walid Baarini, Sunnite, considéré comme centriste et modéré, évoquant plusieurs conditions. « La normalisation ne peut pas être résolue par la surenchère et la bravade », a-t-il posté. « Oui à la normalisation si elle nous protège des agressions. Oui à la normalisation si elle permet de récupérer nos terres et garantit qu’elles ne soient pas occupées. Oui à la normalisation si elle apporte au Liban la paix et la prospérité qui nous manquent depuis des années. Oui à la normalisation et non à l’obstination vers les voies arabes, notamment celle menée par l’Arabie saoudite. »
Il y a peu, le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a néanmoins assuré : « Personne, au Liban, ne veut d’une normalisation des relations avec Israël, qui est d’ailleurs rejetée par tous les Libanais. » Une affirmation répétée par le ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, ce 4 avril, qui a, en réponse à Gideon Saar, réaffirmé qu’il était hors de question pour le Liban de normaliser ses relations avec Israël.
La question est tout de même largement débattue dans la presse libanaise, et la revue Courrier international a listé plusieurs articles de la presse du Moyen-Orient sur le sujet.
« Dans un monde idéal, il est évident qu’une normalisation avec Israël serait bienvenue », a ainsi écrit cette semaine une éditorialiste dans le journal libanais L’Orient-Le Jour. « Quel pays normalement constitué rejetterait un traité qui assurerait la paix à ses frontières ? Après de longues années de guerre où Israël est tantôt à l’arrière-plan, tantôt directement impliqué, bouderait-on pour le principe une réconciliation qui permettrait au Liban de vivre et prospérer en toute quiétude ? »
Avant de nuancer : « Ce serait se condamner soi-même à une interminable insécurité. Le problème est que les traités de paix, pour être honnêtes et durables, viennent en général consacrer un certain équilibre. Or, à l’évidence, la balance penche, et pas en notre faveur. »
Les Etats-Unis président un comité de suivi du cessez-le-feu, auquel participe la France. Cet accord a mis fin à plus d’un an d’hostilités, dont deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah.
Selon les termes de l’accord, le Hezbollah devait repositionner ses forces au nord du fleuve Litani, à quelque 30 kilomètres de la frontière israélienne, et démanteler ses infrastructures militaires restantes dans le sud.
Israël devait pour sa part achever son retrait du Liban d’ici le 18 février, mais l’armée israélienne maintient des positions dans cinq secteurs « stratégiques ».
L’armée libanaise poursuit elle son déploiement dans les zones évacuées.

Mme Ortagus et M. Salam ont évoqué le rôle de l’armée libanaise dans la mise en oeuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui avait mis fin à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah et sert de base au cessez-le-feu actuel.
Le texte précise que seules les forces libanaises et les Casques bleus doivent être présentes dans le sud du Liban et appelle au désarmement des groupes armés non étatiques.
Le président Aoun et Mme Ortagus ont également évoqué les réformes économiques et la lutte contre la corruption, au lendemain de l’entrée en fonctions du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid. Celui-ci s’est engagé à mettre en oeuvre des réformes exigées par les créanciers internationaux pour débloquer une aide financière, sur fond de grave crise économique.
Avec le Premier ministre, l’émissaire américaine a discuté de la nécessité de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).
Elle a par ailleurs rencontré le président du Parlement, Nabih Berri, un allié du Hezbollah, et le chef de l’armée libanaise.
Lors de sa première visite en février, elle avait suscité la colère des partisans du Hezbollah en déclarant « la fin du règne de terreur » du mouvement pro-iranien, fortement affaibli par le conflit.