Meirav Cohen : « ce n’est pas juste une intuition, les droits des femmes sont déjà attaqués »
Universitaires et certains législateurs s’unissent pour dénoncer les politiques gouvernementales qui contribuent à la dévalorisation des femmes
L’une des principales différences entre la coalition radicale du Premier ministre Benjamin Netanyahu et la précédente, qui comprenait un large éventail de partis politiques, est la question de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Que ce soit la faible représentation féminine dans ses rangs ou ses programmes religieux qui empiètent sur l’égalité des genres, le gouvernement de Netanyahu est critiqué par les organisations de la société civile soucieuses du respect de la parité des genres et du statut des femmes.
« Les profondes inquiétudes concernant la violation des droits des femmes au sein de la société civile sont devenues tangibles dès la lecture des accords de coalition qui constituent la base de ce gouvernement », a déclaré Anat Thon Ashkenazy, spécialiste de l’égalité des sexes à l’Institut israélien de la démocratie. Elle a ajouté que ces inquiétudes avaient été exacerbées par le projet de la coalition visant à priver le pouvoir judiciaire de ses pouvoirs, puisque celui-ci est un acteur essentiel en matière de protection de ces droits civils.
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« Toutes [les mesures prises actuellement par la coalition] prouvent que non seulement ces inquiétudes étaient fondées, mais qu’elles sont devenues réalité », a-t-elle déclaré au Times of Israel.
Meirav Cohen, qui a été ministre de l’Égalité en 2021 et 2022 avant de retourner dans les rangs de l’opposition avec son parti Yesh Atid en décembre, a également confirmé que ces inquiétudes étaient justifiées.
« Ce n’est pas juste une intuition, c’est une réalité très concrète », a déclaré Cohen au Times of Israel lors d’une interview mardi.
Les partis d’extrême droite de la coalition, HaTzionout HaDatit, Otzma Yehudit et Noam comportent des éléments messianiques dans leur judaïsme et convergent, à des degrés divers, avec leurs partenaires ultra-orthodoxes de la coalition, Yahadout HaTorah et Shas, sur le soutien au renforcement de l’influence rabbinique sur le système judiciaire, ainsi que dans la poursuite d’une politique visant à renforcer l’influence de la Torah et de son étude.
Ni Yahadout HaTorah, ni Shas n’admettent de femmes dans leurs rangs.
En formant un gouvernement avec ces partenaires religieux et d’extrême droite, Netanyahu et son parti laïque, le Likud, a mis en place un cabinet qui ne compte que six femmes ministres, dont trois ont été ajoutées après la prestation de serment du gouvernement, en décembre. Le gouvernement précédent en comptait neuf.
« Tous ces éléments se reflètent dans les politiques », a déclaré Cohen, qui est très critique à l’égard du gouvernement.
Limiter l’indépendance de l’autorité israélienne responsable de la réglementation en matière d’égalité entre les sexes
L’un des changements les plus symboliques que le gouvernement est en train d’opérer concerne la structure et l’indépendance professionnelle de l’organisme public de régulation des questions de genre, l’Autorité pour la promotion des femmes.
Selon Thon Ashkenazy, cette autorité est la seule institution gouvernementale chargée des droits des femmes.
Ce bureau unique relevait de la compétence de Cohen au sein du ministère de l’Égalité, mais la coalition est en train de présenter un projet de loi visant à transférer ce bureau au ministère nouvellement créé de l’Avancement de la condition des femmes. Ce nouveau ministère, sous l’autorité de May Golan (Likud), est largement considéré comme résultant de la nécessité de confier à May Golan un portefeuille ministériel plutôt que d’une politique ciblée visant à vraiment promouvoir les intérêts des femmes.
En juin, Golan a limogé la directrice générale de l’autorité, pour la remplacer par une personne nommée à des fins politiques. En changeant la nature du poste, censé être occupé par un professionnel pour un mandat de quatre ans, en un poste politique, la coalition « politisera tous ses actes, au lieu de la laisser servir les intérêts des femmes « , a déclaré Cohen.
De même, le comité consultatif de la nouvelle autorité sera composé de personnes nommées par les ministres du gouvernement, au lieu d’être composé de professionnels.
Cohen a ajouté que le projet de loi de la coalition visant à réorganiser l’autorité l’avait également « vidée de son contenu » en assouplissant les exigences en matière d’application de la loi et en lésinant sur les initiatives éducatives.
En réponse aux critiques, Golan a déclaré qu’elle avait l’intention d’allouer des fonds aux questions relatives aux femmes dans le cadre du budget de son ministère, mais Cohen a déclaré qu’elle doutait que l’argent soit « réellement utilisé pour la promotion les femmes ».
Suivi électronique des auteurs de violences domestiques
Le ministère de la promotion du statut des femmes a célébré dimanche sa première participation au financement d’une loi, a souligné Golan. Cette loi instaure une politique très controversée de suivi électronique des auteurs de violences domestiques, dans le but d’enrayer l’augmentation endémique du nombre de féminicides.
La version finale adoptée a été parrainée par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui a rejeté en mars des projets de loi similaires parrainés par l’ancienne coalition, en raison de ce qu’il a déclaré être un désir d' »équilibrer le besoin vital de lutter contre la violence domestique et de prévenir la violence en prenant en compte notre devoir de protéger contre les plaintes et les accusations mensongères (portées contre les hommes) et de préserver la liberté des innocents ».
La loi adoptée permet aux tribunaux d’ordonner le port de bracelets de surveillance électronique pour traquer les agresseurs présumés et condamnés et veiller à ce qu’ils respectent leurs injonctions d’éloignement, et d’avertir les femmes en cas de violation de ces dernières. Elle a toutefois imposé des conditions plus strictes pour l’obtention de cette ordonnance que les projets de loi précédents, et a transféré la surveillance à l’administration pénitentiaire israélienne plutôt qu’à une société indépendante, entre autres changements.
« Je ne pense pas que ce soit une loi parfaite, mais c’est un premier pas et j’ai voté en sa faveur », a affirmé Cohen. « En fin de compte, c’est mieux que rien. »
Autres initiatives de la coalition
Cohen a déclaré que grâce à une longue liste de changements que le gouvernement de Netanyahu a effectués, est en train d’effectuer ou a signalé son intention d’effectuer, les droits des femmes ne sont « déjà plus les mêmes, et ce n’est que le début du processus ».
Selon le Times of Israel, une vingtaine de révisions politiques proposées auraient un impact négatif sur la position des femmes. Les plus citées dans le débat public sont : le retrait de la signature de la Convention d’Istanbul, un accord international visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes ; la promesse de la coalition d’autoriser la discrimination fondée sur le sexe dans les espaces publics et lors d’événements financés par des fonds publics ; et une autre promesse de la coalition d’exempter la discrimination justifiée par des considérations religieuses de l’actuelle loi anti-discrimination.
La députée Efrat Rayten (Avoda), qui présidait auparavant la commission des Affaires sociales de la Knesset, a également dénoncé un récent projet de loi de la coalition sur les pensions alimentaires, craignant que cette mesure ne nous fasse « régresser de dix ans » dans le domaine des droits de la femme.
Rayten a confié au Times of Israel que la halakha, la loi juive sur laquelle s’appuient les tribunaux rabbiniques, « place toujours la position d’une femme en dessous de celle d’un homme ». Accorder plus de droits à un tribunal rabbinique, c’est réduire les droits des femmes ».
Parmi les autres mesures proposées par la coalition figurent le financement de cours non mixtes dans l’enseignement supérieur, l’allocation de fonds pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes à 20 millions de shekels en dessous des niveaux recommandés en 2023, et l’assouplissement des conditions de détention d’armes à feu par les particuliers, présenté comme une mesure antiterroriste mais susceptible d’augmenter le nombre d’armes entre les mains des auteurs de violences conjugales.
« Nous savons que cela risque de nuire aux femmes », a déclaré Rayten en parlant du projet relatif aux armes de poing.
Selon Thon Ashkenazy, spécialiste des questions de genre, les droits des femmes ne sont « actuellement pas suffisamment protégés » en Israël et, avec la réforme judiciaire de la coalition, ils risquent de régresser encore davantage.
« Chaque projet de loi [de refonte] pris isolément et tous les projets de loi dans leur ensemble compromettront la protection des droits des femmes dans divers groupes de la population, et surtout pour les femmes issues de groupes marginalisés », a-t-elle écrit en février à la commission de la Knesset sur la condition de la femme et l’égalité des sexes.
Régression des politiques en matière de droits de la femme
Le ministère de l’Égalité de Cohen a lancé plusieurs initiatives visant à augmenter la représentation politique des femmes, ainsi qu’à réduire la violence domestique. Beaucoup d’entre elles ont été annulées ou ne sont pas activement promues.
Son bureau avait parrainé une campagne de soutien pour les candidates aux prochaines élections municipales d’octobre, dans le cadre d’une tentative visant à renforcer la représentation des femmes dans les mairies, mais cette campagne a été annulée par Golan.
Dans le cadre de l’élaboration de leur politique législative, les gouvernements précédents avaient chargé un conseiller juridique en matière d’égalité entre femmes et hommes d’examiner l’impact des projets de loi sur les femmes avant que la commission des Lois ne prenne une décision à ce sujet. « Ils ont annulé cela », a poursuivi Cohen.
Le dernier gouvernement avait convenu d’accorder une représentation équitable aux femmes dans les instances d’urgence et de sécurité, y compris au sein du sous-ensemble de ministres chargés de prendre les mesures d’urgence liées à la pandémie de coronavirus.
« La présence de femmes dans ces secteurs devrait être un facteur structurel », a déclaré Cohen, citant l’exemple du cabinet chargé de la lutte contre le coronavirus. Ainsi, lorsque le gouvernement a décidé de rouvrir les lieux de travail tout en maintenant les écoles fermées, « le problème qu’une telle mesure pose a été immédiatement perçu par les femmes », a déclaré Cohen.
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