Netanyahu favorable à un accord otages contre trêve partielle, mais jure de poursuivre la guerre
Le Premier ministre affirme que "c'est le Hamas qui s'oppose à l'accord, pas Israël" ; les familles d'otages l'accusent de "reculer" lors de sa première interview avec un média israélien depuis le 7 octobre
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué dimanche qu’Israël était prêt à faire une pause dans les combats, dans la bande de Gaza, dans le cadre d’un accord partiel qui permettrait à un certain nombre d’otages détenus par le Hamas de recouvrer la liberté – insistant toutefois sur le fait que la guerre ne se terminera pas avant la destruction totale du groupe terroriste du Hamas.
Au cours de cette toute première interview accordée à un média israélien depuis le massacre commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, Netanyahu a aussi expliqué que la phase de combats intenses, dans la bande de Gaza, était en train de se réduire progressivement alors que l’armée israélienne se prépare à une potentielle escalade avec le groupe terroriste du Hezbollah, au Liban, qui ne cesse de renforcer ses attaques transfrontalières, dans le nord du pays.
Interrogé sur sa disposition à finaliser un accord avec le Hamas une fois la phase la plus intense du conflit achevée, Netanyahu a répondu : « Non. Je ne suis pas prêt à mettre un terme à la guerre, ce qui autoriserait le Hamas à rester en place. Je suis prêt, en revanche, à conclure un accord partiel – ce n’est pas un secret – qui permettrait à certains, parmi les otages, de revenir auprès de nous ».
« Mais nous serons dans l’obligation de continuer les combats après une éventuelle pause et ce dans le but d’atteindre notre objectif de destruction du Hamas », a-t-il ajouté, s’exprimant dans le cadre de l’émission « Les Patriotes », sur la Quatorzième chaîne. « Je ne suis pas prêt à céder d’un pouce là-dessus ».
Des sources impliquées dans les négociations consacrées à l’accord actuellement en discussion ont critiqué les propos tenus par le Premier ministre, confiant au quotidien Haaretz que « Netanyahu a établi clairement qu’il n’est pas intéressé par la remise en liberté de tous les otages – la demande que lui-même soumet au Hamas – et qu’il n’est pas prêt à fournir ce que le Hamas réclame ».
« Dans une telle situation, [le chef du Hamas à Gaza, Yahya] Sinwar ne sera aucunement motivé s’agissant de conclure un accord », aurait déploré l’une de ces sources.
Même point de vue du côté d’un responsable israélien dont les propos ont été repris par le site d’information Walla – et qui a estimé que « les paroles qui ont été prononcées ce soit par Netanyahu ont porté gravement atteinte aux éventuelles chances de conclure un accord ».
Le Hamas avait kidnappé 251 personnes, le 7 octobre, quand des milliers d’hommes armés du groupe terroriste avaient envahi le sud d’Israël et qu’ils avaient massacré près de 1200 personnes, déclenchant la guerre à Gaza. Il resterait 116 otages dans la bande – mais au moins 41 ne seraient plus en vie.
Les propos de Netanyahu ont aussi été dénoncés par le Forum des Familles d’otages et des disparus, qui a accusé le Premier ministre de retirer son soutien à une proposition d’accord soumise par Israël et qui est soutenue par les États-Unies – la proposition qui est actuellement au cœur des négociations en cours entre les deux parties.
« Nous condamnons avec force les déclarations faites par le Premier ministre, des déclarations où ce dernier a clairement pris ses distances avec la proposition israélienne. Ce qui signifie qu’il abandonne à leur sort 120 otages qui se trouvent encore à Gaza, portant atteinte au devoir moral qui est celui de l’État d’Israël à l’égard de ses citoyens », a noté le Forum dans un communiqué.
Le bureau de Netanyahu a ensuite lui-même diffusé un communiqué, dimanche dans la soirée, disant que c’était le Hamas qui refusait l’offre qui lui était faite, et non Israël.
« C’est le Hamas qui s’oppose à l’accord, ce n’est pas Israël », a indiqué le Bureau du Premier ministre. « Netanyahu a établi clairement que nous ne quitterons pas Gaza avant d’avoir obtenu la remise en liberté des 120 otages, les morts comme les survivants ».
Le groupe terroriste au pouvoir au sein de l’enclave côtière, pour sa part, a estimé que Netanyahu, dans son entretien, avait rejeté la proposition dont le contenu avait été dévoilé par le président américain Joe Biden à la fin du mois de mai. Il a répété sa demande que tout accord comporte des dispositions prévoyant à la fois le retrait total des troupes israéliennes de la bande et une cessation totale du conflit qui avait éclaté suite au massacre du 7 octobre.
Netanyahu a toutefois établi clairement, devant les caméras de la Quatorzième chaîne, que les combats se poursuivraient jusqu’à ce que le Hamas ne soit plus au pouvoir à Gaza, en notant que l’intensité des opérations israéliennes au sein de la bande se réduirait bientôt progressivement.
Une fois que cette phase d’offensive aigüe sera finie, à fait remarquer Netanyahu, l’État juif sera alors en mesure de déployer plus de soldats sur le front nord.
« La phase intense des combats contre le Hamas est sur le point de s’achever », a-t-il déclaré. « Ce qui ne signifie pas que la guerre est aussi sur le point de se terminer mais que la phase de forte intensité va bientôt se conclure à Rafah ».
« Après la fin de cette phase intense », a ajouté le Premier ministre, Israël « va redéployer des forces dans le nord… avant tout à des fins défensives ».
Évoquant la possibilité d’une guerre ouverte avec le Hezbollah, le Premier ministre a dit espérer qu’une solution diplomatique permettrait d’apaiser la situation mais qu’il se préparait toutefois à l’éventualité d’un échec des pourparlers.
« Nous relèverons ce défi également. Nous pouvons nous battre sur plusieurs fronts ; nous sommes prêts à cela », a-t-il établi.
Netanyahu a juré qu’Israël mettra en vigueur tout accord conclu avec le Hezbollah qui garantira que ses forces « ne se maintiendront pas sur la frontière », disant : « Il ne s’agira pas d’un accord uniquement sur le papier ».
« Un tel accord comprendra un éloignement physique du Hezbollah de la frontière et nous devrons veiller à le faire appliquer… Nous sommes déterminés à permettre aux résidents du nord du pays de retourner chez eux. »
Selon Netanyahu, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et le conseiller à la sécurité nationale Tzachi Hanegbi lui ont affirmé qu’ils avaient bon espoir de trouver une solution diplomatique après leur voyage à Washington, la semaine dernière.
Netanyahu a également été interrogé sur la capacité du réseau électrique israélien à résister à d’éventuelles frappes – un responsable du secteur avait averti, la semaine dernière, que le système n’était pas prêt à faire face à un conflit à grande échelle contre le Hezbollah. « Il n’y aura pas de catastrophe », a promis le Premier ministre.
« Nous œuvrons à le protéger avec des protections uniques dont je ne peux pas donner le détail », a-t-il continué.
Israël tente « un autre plan » de gouvernance locale à Gaza
Évoquant l’après-guerre à Gaza, Netanyahu a déclaré qu’il était « évident » qu’Israël conservera « le contrôle militaire dans un avenir proche ».
« Nous voulons aussi mettre en place une administration civile avec, si possible, des Palestiniens locaux », avec le soutien des pays de la région « qui gèreront les affaires humanitaires et, plus tard, les affaires civiles dans la bande », a continué Netanyahu.
Le Premier ministre a refusé de dire qui gouvernerait le Hamas après la guerre, déclarant qu’il y a cinq mois, l’armée lui avait présenté l’idée de hisser au pouvoir des clans locaux.
« Ils m’ont soumis depuis un autre plan que nous examinons », a poursuivi Netanyahu, qui s’oppose au retour de l’Autorité palestinienne à Gaza. « Je ne vais pas entrer dans les détails ».
Netanyahu a exclu tout rétablissement des implantations à Gaza – ce que demandent à hauts cris ses partenaires d’extrême-droite.
« Le retour des implantations à Gaza est irréaliste et il ne figure pas dans les objectifs de guerre », a-t-il estimé.
Critique de ses rivaux, il prône « l’unité »
Devant les caméras de la Quatorzième chaîne, Netanyahu a fustigé ses adversaires politiques et notamment les leaders du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz et Gadi Eizenkot, qui ont quitté le gouvernement d’unité au début du mois. Les deux hommes s’en sont pris depuis avec beaucoup de vigueur aux dirigeants en charge de la poursuite de la guerre sur le terrain – un groupe dont ils faisaient eux-mêmes partie. « Il doit y avoir des limites également à l’opposition », a-t-il affirmé.
Il a ajouté que « personne ne devrait seulement envisager de précipiter la chute d’un gouvernement au beau milieu d’une guerre », insistant sur le fait qu’un éventuel renversement de la coalition amènerait au pouvoir une coalition de gauche qui aiderait à établir un état palestinien, une accusation qu’il lance depuis des années.
Alors qu’il lui était demandé si les appels lancés par les réservistes de l’armée à ne plus se présenter au service, pendant le mouvement de protestation qui avait été entraîné par le projet de refonte radicale du système judiciaire israélien, avaient en partie causé le massacre du 7 octobre, Netanyahu a rétorqué que les longs mois de manifestations dénonçant le gouvernement avaient été « une catastrophe » dont « la gauche a été à l’origine ».
« J’avais dit, à l’époque, que ces manifestations mettaient en péril Israël », a affirmé Netanyahu qui a déclaré que les appels à l’insurrection des réservistes avaient été « un facteur important » dans l’échec des services de sécurité à anticiper le massacre du 7 octobre. « Mais ce n’a pas été pas le facteur le plus important », a-t-il dit.
Netanyahu a dénoncé le mouvement de protestation actuel qui réunit les opposants au gouvernement, appelant les manifestants à « se ressaisir » en déclarant que « c’est le moment de l’unité ».
« Leur but, à chaque fois, est de renverser le gouvernement en avançant toujours une autre excuse », a-t-il estimé, faisant apparemment référence aux rassemblements qui ont eu lieu, ces dernières années, pour dénoncer le plan de refonte judiciaire et le procès pour corruption qui implique le Premier ministre. « Je ne pense pas que cela reflète la majorité de la nation. J’en appelle à la plus grande partie de la nation et je lui dis : c’est le moment de l’unité ».
Il a aussi refusé d’évoquer les semaines et les mois qui ont précédé l’attaque sanglante du 7 octobre – il n’a jamais, jusqu’à présent, voulu reconnaître une éventuelle responsabilité dans le catastrophe – tout en niant une nouvelle fois avec force qu’il avait adhéré à l’idée que le groupe terroriste avait été dissuadé de s’en prendre à l’État juif.
« Évoquer les jours qui ont précédé le massacre n’a aucun intérêt actuellement. Ce n’est pas le moment d’en débattre ; le moment d’en débattre viendra une fois que nous aurons terminé cette guerre », a dit Netanyahu.