Otages en Syrie en 2013 : Mehdi Nemmouche et 4 autres jihadistes jugés en France
Les magistrats antiterroristes français ont ordonné que ces cinq hommes comparaissent pour leurs rôles au sein de l'EI dans l'enlèvement et la séquestration de sept personnes
Un procès devant une cour d’assises spéciale a été ordonné mercredi par la justice française contre cinq hommes, dont le terroriste du musée juif de Bruxelles Mehdi Nemmouche, pour la séquestration, aggravée par des sévices, de sept Occidentaux dont quatre journalistes français en Syrie entre 2013 et 2014.
Les magistrats antiterroristes français ont ordonné que ces cinq hommes, dont deux sont présumés morts, comparaissent pour leurs rôles au sein de l’organisation État islamique (EI) dans l’enlèvement et la séquestration de sept personnes, selon une source judiciaire.
Ils devront notamment comparaître pour séquestration, actes de tortures et de barbarie, en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que pour complicité de ces actes pour certains d’entre eux.
Trois sont en détention provisoire : Mehdi Nemmouche, 38 ans, surnommé Abou Omar et condamné en Belgique à la perpétuité pour l’attentat contre le musée juif à Bruxelles en 2014 ; le Français Abdelmalek Tanem, 34 ans et condamné pour avoir rejoint la Syrie en 2012, ainsi que le Syrien Kais Al-Abdallah, 40 ans.
Tous les trois sont soupçonnés d’avoir été des geôliers des otages. Abdelmalek Tanem et Kais Al-Abdallah ont contesté les faits.
« Il n’y a pas de surprise. Nous attendons le procès pour exercer les droits de la défense », a déclaré à l’AFP l’avocat de Mehdi Nemmouche, Me Francis Vuillemin.
Deux autres suspects auraient été tués en Syrie en 2017 : Salim Benghalem, considéré comme le chef de détention, et le Belge Oussama Atar, chargé de la gestion des otages et condamné par défaut en juin 2022 à la perpétuité pour avoir commandité les attentats du 13 novembre 2015 en région parisienne.
Pourtant, « sans preuve formelle » de leur décès, les magistrats ont également décidé de les renvoyer devant la justice, décernant un mandat d’arrêt à leur encontre.
Les journalistes français Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres avaient été enlevés en juin 2013.
Ils ont partagé leur détention avec deux humanitaires de l’ONG Acted, l’Italien Federico Motka et le Britannique David Haines, ainsi que le journaliste espagnol Marcos Marginedas Izquierdo, enlevés également en 2013.
Tous ont été libérés courant 2014, sauf David Haines qui a été exécuté le 13 septembre 2014.
« Procès historique »
Les anciens otages ont raconté au cours de l’enquête les coups, sévices, privations, pressions psychologiques constantes et simulacres d’exécutions infligés par leurs geôliers.
Leurs témoignages ont été décisifs pour identifier les suspects. Ainsi, les victimes avaient indiqué avoir reconnu Mehdi Nemmouche dès son arrestation après l’attaque de Bruxelles. Le jihadiste s’était vanté d’être « un ancien délinquant reconverti dans le nettoyage ethnique islamique », selon Nicolas Hénin qui l’a décrit comme « sadique, ludique et narcissique ».
Les juges ont souligné que les sévices « systématiques et indifférenciés » exercés sur les otages avaient « provoqué une souffrance aiguë chez les victimes », rapporte une source proche du dossier.
D’autres personnes ont été mises en cause, ajoute cette source. Comme les quatre jihadistes anglophones surnommés « les Beatles », dont deux ont été condamnés aux États-Unis. Des investigations se poursuivent mais à l’étranger, comme au Maroc ou encore aux Pays-Bas.
L’ordonnance de mise en accusation « va permettre la tenue d’un procès inédit extrêmement attendu par les victimes », ont commenté les avocats de Nicolas Hénin, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth.
Un procès « qui s’annonce historique », ont renchéri Mes Jean Tamalet et Aurélie Chazottes, qui défendent Didier François et ont salué « un travail d’une qualité remarquable » de la justice.
Pour Pascal Garbarini, avocat d’Edouard Elias, l’audience offrira à son client « la possibilité d’avoir face à lui ceux qui l’ont séquestré, humilié et torturé pendant 14 mois de détention alors qu’il ne faisait que son métier de photoreporter ».
« La décision qui tombe aujourd’hui a en plus un écho avec les drames que connaissent les journalistes reporters de guerre, et qui meurent en Ukraine en faisant leur métier », a-t-il souligné.