Plus de 150 000 personnes participent à la 25e marche des fiertés de Tel Aviv

Plus de 150 000 personnes selon la municipalité ont défilé ce jeudi à Tel Aviv à l’occasion de la 25e marche annuelle des fiertés dans la ville. Ils ont ainsi donné le coup d’envoi d’un week-end de festivités – le plus grand événement du genre au Moyen-Orient.

Le défilé était festif, comme chaque année, malgré les craintes des homosexuels concernant leur sécurité, les discriminations qu’ils subissent, et l’atmosphère politique tendue dans le pays.

« Le week-end des fiertés a débuté avec un message clair : nous sommes tous égaux, nous sommes tous des humains et nous méritons tous d’aimer qui nous voulons sans crainte », a déclaré le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, au début du défilé.

Contrairement aux années précédentes, le défilé et l’afterparty – habituellement organisée à la fin de la marche – ont été scindés en deux évènements distincts en raison des températures élevées ce jeudi. La fête aura ainsi lieu ce vendredi au parc Ganei Yehoshua, dans le nord de la ville.

La foule de jeudi, composée de locaux et de touristes, était équipée de plumes, d’équipements en cuir, de paillettes et de drapeaux et goodies arcs-en-ciel. Certains participants parlaient allemand, anglais ou encore espagnol.

« Nous adorons Tel Aviv, c’est la meilleure des fêtes », a déclaré Paul, un Tchèque d’une quarantaine d’années qui se rend pour la troisième fois dans la ville à l’occasion de la marche avec son partenaire, George.

Malgré la fête, la forte présence de la police et la nécessité de se soumettre à un contrôle de sécurité pour entrer dans la zone du défilé, délimitée par des cordons, ont rappelé les menaces terroristes constantes qui pèsent sur Israël et les violences potentielles qui peuvent viser la communauté LGBTQ.

« Cela n’existe pas aux États-Unis », a déclaré un Américain, torse nu, en passant le contrôle de sécurité.

Un homme a été arrêté avec des armes à proximité du parcours de la marche avant celle-ci, et des graffitis d’extrême droite ont été constatés sur un centre LGBTQ.

La drag queen Fluid Snow à la Gay Pride de Tel Aviv, le 8 juin 2023. (Crédit : Carrie Keller-Lynn/Times of Israel)

Un certain nombre d’artistes étaient présents, et la musique électro a rythmé le défilé, avec des hommes et femmes torse nu dansant sur les chars.

Parmi eux se trouvait la drag queen professionnelle Fluid Snow, 32 ans, qui habite à Jaffa.

« C’est mon truc préféré au monde. Jouer dans ce corps ! », a crié Fluid Snow depuis son char.

Parallèlement à l’atmosphère de fête, le défilé des fiertés de Tel Aviv a pu servir d’espace de guérison pour certains.

Omer Elad, 38 ans, dirige une organisation locale de soutien aux transgenres, le Gila Project, et assistait au défilé avec toute sa famille. Ses parents, Tami et Shlomi, ont déclaré qu’ils défilaient avec leur fils transgenre depuis une vingtaine d’années.

Elad a déclaré que l’événement de cette année était « particulièrement » important dans le climat politique actuel.

« Il y a des gens à la Knesset et au gouvernement qui n’ont pas honte de dire des choses transphobes et homophobes, et qui essayent de délégitimer notre existence », a-t-il dit, en référence à certains politiciens d’extrême droite, ultra-orthodoxes ou même du Likud qui ont récemment exprimé des positions anti-LGBTQ.

« Pour moi, être ici et montrer aux gens que nous sommes là veut tout dire », a-t-il ajouté.

Omer Elad, à droite, et sa mère Tami à la Gay Pride de Tel Aviv, le 8 juin 2023. (Crédit : Carrie Keller-Lynn/Times of Israel)

Elad a également participé au défilé des fiertés de Jérusalem la semaine dernière, où il a déclaré que « le message portait davantage sur la coexistence et la tolérance, et ici, il s’agit de célébrer et de prendre de la place dans la sphère publique ».

De plus, a-t-il soutenu, avec ses 28°C, Tel Aviv a une météo plus agréable. « Jérusalem est plus froide et on n’y porte pas de string. »

Plusieurs dizaines de manifestants contre l’action militaire israélienne en Cisjordanie ont également participé au défilé. Ils arboraient des pancartes indiquant : « Arrêtez le pinkwashing » ou encore « Fin de la dictature ».

Défilant sous la bannière « La Pride, pas l’apartheid », l’un des manifestants a déclaré qu’il était « contre l’occupation et contre la façon dont Israël affirme que sa position envers les homosexuels est progressiste, alors que, dans le même temps, le pays traite les Palestiniens de cette façon ».

« Nous nous comportons gentiment, alors que nous avons Avi Maoz, [Bezalel] Smotrich, [Itamar] Ben Gvir », a-t-il dit, énumérant les membres d’extrême droite du gouvernement qui ont déjà exprimé publiquement leur opinions anti-LGBTQ.

Des manifestants contre l’action militaire israélienne en Cisjordanie au défilé des fiertés de Tel Aviv, le 8 juin 2023. (Crédit : Carrie Keller-Lynn/Times of Israel)

Pour la première fois, l’ambassade des États-Unis a co-parrainé un char, en partenariat avec un populaire bar LGBTQ de la ville, Shpagat.

« J’étais ici l’année dernière et les Britanniques avaient un char, alors que nous n’en avions pas. Cette année, nous avons donc un char. Je ne veux jamais être dépassé par les Britanniques », a plaisanté l’ambassadeur Tom Nides auprès du Times of Israel, alors qu’il se tenait aux côtés de danseurs ailés légèrement vêtus sur un char à l’effigie d’une colombe.

« Il s’agit vraiment de rassembler la communauté, de rassembler le personnel de l’ambassade et de montrer notre respect pour la communauté LGBTQ et l’importance de la démocratie ici en Israël », a-t-il ajouté sur une note plus sérieuse.

Près de son char, se tenait une foule de marcheurs arborant des drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel et entonnant des chants pro-démocratie popularisés par 22 semaines consécutives de manifestations contre le projet du gouvernement de droite radicale de remanier le pouvoir judiciaire en faveur du pouvoir politique.

Nides, qui devrait quitter son poste cet été après deux ans d’activité, a déclaré que la manifestation de jeudi « sera probablement [sa] dernière Gay Pride en tant qu’ambassadeur, mais pas [sa] dernière en dehors ».

« En tant que personne profondément attachée à ces questions, j’espère pouvoir y participer encore de nombreuses fois », a-t-il ajouté.

L’ambassadeur des États-Unis en Israël, Tom Nides, à côté d’un char de la Gay Pride de Tel Aviv, le 8 juin 2023. (Crédit : Carrie Keller-Lynn/Times of Israel)

En clin d’œil aux tensions politiques dans le pays, la municipalité de Tel Aviv a interdit aux politiciens de prendre la parole lors de la marche de cette année, contrairement aux années précédentes – à l’exception de Huldai, qui se présente à sa réélection plus tard cette année.

Avant le défilé, Huldai a publié une déclaration faisant référence à la refonte judiciaire prévue par le gouvernement, qui, selon les critiques, laissera les minorités sans protection, ainsi qu’à d’autres lois élaborées par la coalition qui pourraient nuire à la communauté LGBTQ.

Une demie-heure avant le début du défilé jeudi, la police a arrêté un homme à proximité du parcours avec une arme à électrochocs, des coups de poing américains, du gaz poivre et une autre substance chimique non identifiée.

La police a déclaré que le résident de Tel Aviv, âgé de 33 ans, était connu des services pour avoir déjà menacé de s’en prendre aux membres de la communauté LGBTQ et qu’il avait déjà été soupçonné de planifier une attaque lors de l’évènement.

Jeudi également, un slogan d’extrême droite a été peint à la bombe sur un centre LGBTQ du marché Sarona de Tel Aviv.

Des vandales ont griffonné « Kahane avait raison », une référence au rabbin défunt Meir Kahane, qui préconisait l’expulsion de tous les Arabes de Terre Sainte. Son mouvement Kach a été interdit dans les années 1990 bien qu’il continue d’exercer une influence. Kahane a été assassiné en 1990.

Meital Lehavi, maire adjoint de Tel Aviv, a exhorté le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir – adepte de longue date de Kahane qui, ces dernières années, a cherché à se distancier de l’héritage raciste du rabbin – à « condamner les horribles graffitis sur le bâtiment du centre communautaire LGBT municipal de Tel Aviv ».

La branche israélienne de l’Anti-Defamation League a également condamné le graffiti, le qualifiant de « rappel douloureux de la nécessité de continuer à lutter pour les droits des LGBTQ ».

« Nous attendons des autorités qu’elles appréhendent les coupables et assurent le bien-être des participants. Les dirigeants de tous les horizons politiques doivent condamner toute haine contre la communauté LGBTQ », a écrit l’organisation sur Twitter.

Le 25e défilé annuel des fiertés à Tel Aviv, le 8 juin 2023. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Plus de 170 000 personnes avaient participé au défilé de l’année dernière, qui a eu lieu sur le boulevard Rokach au nord de la ville plutôt que dans les rues du centre de Tel Aviv, comme de tradition. Ce changement controversé d’itinéraire était dû aux importants travaux de construction dû à la nouvelle ligne de tramway à travers la ville.

Environ 30 000 personnes ont défilé la semaine dernière lors du défilé des fiertés à Jérusalem, tenu sous haute sécurité. L’événement s’est déroulé sans aucun incident.

La Jerusalem Open House, qui organise l’événement, a déclaré que le nombre de participants représentait un record depuis la marche en 2016, un an après que Shira Banki, 16 ans, a été assassinée dans une attaque au couteau pendant l’événement par un extrémiste ultra-orthodoxe.

Israël est reconnu comme un pays progressiste en terme de visibilité et d’égalité pour les personnes LGBT. Le mariage homosexuel, sans y être illégal, est impossible faute d’institution habilitée à le prononcer, mais l’union entre personnes du même sexe est reconnue si elle a été contractée à l’étranger.

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