Israël en guerre - Jour 365

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Interview

Pour défendre Israël, une experte du Moyen-Orient accepte d’être le ‘punching bag’ des médias arabes

Depuis le 7 octobre, Idit Bar fait oeuvre d'intense diplomatie publique sur BBC Arabic et les réseaux sociaux. Elle y apprend à frapper dans le « ventre mou » d'un public hostile

Idit Bar (Autorisation)
Idit Bar (Autorisation)

Le mois dernier, la BBC Arabic a réuni un panel composé de l’ex-ambassadeur égyptien à l’ONU, Moataz Khalil, du chef du bureau des médias du Fatah, Munir al-Jaghoub, du journaliste qatari Abdullah Al-Khater et d’Idit Bar, la seule femme israélienne régulièrement invitée sur les chaînes d’information arabes pour plaider la cause de l’État juif.

Cette nuit-là, Bar avait dû répondre à des accusations concernant la politique d’Israël dans les Territoires palestiniens, commenter la stratégie de guerre du gouvernement à Gaza et expliquer les divisions au sein de la société israélienne – sujet de discussion favori d’un monde arabe, d’où le débat démocratique est le plus souvent absent, explique-t-elle.

« À chaque fois, avant de passer à l’antenne, je me demande si cela en vaut la peine – de me soumettre à pareille humiliation », admet-elle lors d’une interview accordée au Times of Israël. « On me prend pour un punching-ball, on me crie dessus. Je dois rester calme et écouter des questions longues de cinq minutes, très alambiquées, comportant des accusations très dures contre nous. Et puis je dois répondre à toutes ces calomnies dans une langue qui n’est pas ma langue maternelle. »

Depuis les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre dernier en Israël et la guerre qui s’en est suivie contre le Hamas, les médias arabophones s’en sont presque tous rendus au récit palestinien, qui présente le conflit actuel comme une agression israélienne injustifiée contre Gaza. Ils passent totalement sous silence les crimes commis par les terroristes le 7 octobre et leur brutalité systématique envers des civils israéliens.

Ce récit négationniste a été adopté non seulement par des médias historiquement hostiles à Israël, tels qu’Al Jazeera, mais aussi par la BBC, supposée plus juste sur sa chaîne en langue arabe, où Bar est régulièrement invitée.

La chaîne arabe de la BBC a été critiquée à la mi-octobre, lorsqu’il est apparu que certains de ses journalistes approuvaient et publiaient sur les réseaux sociaux des messages justifiant le meurtre de civils israéliens le 7 octobre, en laissant entendre que tous les jeunes Israéliens étaient des combattants et donc des cibles légitimes, et ce, en dépit des preuves accablantes que la plupart des victimes du Hamas n’étaient pas des soldats, mais trop souvent des enfants et des personnes âgées.

Bar a fait sa première apparition sur BBC Arabic pour remplacer un de ses amis, commentateur israélien, et elle est devenue une habituée de la chaîne.

« Ils m’ont mise dans la lumière », confie-t-elle. « Je me suis demandée pourquoi ils me rappelaient, jusqu’à ce que je réalise que je contribuais sans doute à faire augmenter leur taux d’écoute », explique-t-elle, ajoutant en plaisantant : « Je devrais recevoir une part des gains. »

Bar, qui est titulaire d’une maîtrise de l’Université hébraïque de Jérusalem en études arabes et du Moyen-Orient, a des années d’expérience dans l’enseignement de l’arabe dans des établissements liés à la défense et à l’Université ouverte d’Israël. Elle donne des conférences sur la société et la culture arabes, et dirige un podcast en hébreu sur le statut des femmes dans les sociétés islamiques. C’est une collectionneuse passionnée de caricatures politiques arabes, qu’elle analyse et publie sur son compte X.

Elle explique ce qui la pousse à poursuivre cette diplomatie publique et à débattre avec des commentateurs et des présentateurs hostiles pour contrer leur représentation « satanique » de l’État juif, comme elle l’a décrit.

« Quand je passe à l’antenne, je me dis que l’État d’Israël repose sur mes épaules. Je ne suis pas là pour représenter le gouvernement ou l’armée. Je suis là pour représenter mon amour pour Israël. Si je ne participe pas à ces panels, qui le fera ? », confie-t-elle.

« Même si je ne parle que cinq minutes avant d’être interrompue et de ne pas être autorisée à plaider davantage la cause d’Israël », poursuit-elle, « dans ce court laps de temps, je peux dire quelque chose qui s’écarte du discours univoque de la chaîne. Un spectateur arabe en Irak, en Syrie ou au Liban dressera peut-être l’oreille et se dira : ‘Hé, peut-être qu’elle a raison.’ »

L’intérêt de Bar pour le monde arabe et l’islam est dans son ADN. D’un côté de sa famille, ses grands-parents étaient des crypto-juifs iraniens convertis de force à l’islam, revenus au judaïsme après leur alyah. Son enfance bruisse d’histoires de mosquées et de pratiques islamiques que ses grands-parents avaient été forcés d’adopter.

De l’autre côté de sa famille, sa grand-mère vivait dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, au début des années 1920, lorsque des émeutiers arabes se sont déchaînés dans le secteur juif, incendiant des maisons, pillant et violant des femmes, raconte Bar. Sa grand-mère n’a dû son salut qu’à la pratique de la langue arabe. Lorsqu’elle était enfant, sa grand-mère lui a inculqué l’idée que la maîtrise de la langue pourrait un jour sauver des vies.

Sa connaissance intime des mondes arabe et musulman lui permet d’approcher avec confiance ses interlocuteurs arabes, dit-elle, et de savoir non seulement comment repousser leurs attaques, mais aussi comment riposter et frapper dans le « ventre mou ».

Chaque fois que quelqu’un mentionne « l’occupation » israélienne, je souligne que la véritable occupation, au Moyen-Orient, est celle de l’Iran, qui finance et forme non seulement le Hamas, mais aussi des organisations paramilitaires en Syrie, au Liban et en Irak. Fustiger l’occupation iranienne trouve un écho chez beaucoup de gens dans ces pays », assure-t-elle.

Des partisans du Hezbollah agitent des drapeaux iraniens lors d’une manifestation à la frontière libano-israélienne, près du village de Kafr Kila, dans le sud du Liban, le 14 mai 2021. (Crédit : AP Photo/Mohammed Zaatari)

Une autre question sensible, que Bar aime soulever dans les débats, est le fondamentalisme islamique, notamment incarné par le Hamas, émanation du mouvement radical transfrontalier des Frères musulmans.

« Les Frères musulmans sont l’ennemi juré des pays arabes ‘normaux’, car leur objectif est de régresser vers une forme puritaine de l’islam, et la ferveur religieuse est souvent perçue comme une menace pour les dirigeants et la stabilité », explique Bar.

« Dans tout le Moyen-Orient, les régimes ont frappé le serpent à la tête », explique-t-elle, en parlant de l’interdiction des Frères musulmans dans plusieurs pays arabes. « Il n’y a qu’à Gaza qu’on lui a permis de prospérer. Chaque fois que j’évoque le fait que le Hamas est une émanation des Frères musulmans, je sais que je touche un point délicat, car beaucoup d’Arabes redoutent leur influence. »

L’influence de Bar s’est étendue à de nouveaux domaines après le 7 octobre, lorsqu’elle a répondu à un appel à volontaires arabophones lancé par le Centre des affaires publiques de Jérusalem (JCPA), think tank pro-guerre.

Enfin, elle nourrit une véritable passion pour les caricatures politiques. En tandem avec un illustrateur israélien, ils dessinent des caricatures irrévérencieuses qui visent à provoquer les internautes arabes et les amener à repenser la dynamique du Moyen-Orient, avec un accent particulier sur le jeu de pouvoir pernicieux joué par l’Iran et ses mandataires.

La capacité de Bar à rapprocher Arabes et Israéliens n’est pas dénuée de considérations financières. Elle donne en effet des conférences sur la société arabe depuis plus d’une dizaine d’années, formant des hommes d’affaires israéliens aux manières d’aborder leurs partenaires arabes d’une manière appropriée, notamment en termes de culture et de codes. La principale source de friction entre les deux communautés, selon elle, réside dans la perception de la religion.

« Les Israéliens sous-estiment souvent le sentiment religieux à l’œuvre dans les sociétés musulmanes, même parmi les non-pratiquants », assure-t-elle, soulignant par exemple que le simple fait de se moquer de la foi est un tabou absolu pour les Arabes.

« La société israélienne dominante est tournée vers un Occident rationaliste et laïc, ce qui explique que pour nous, ce soit difficile à comprendre. »

La ferveur religieuse est également un élément prépondérant dans le conflit israélo-palestinien, que les Israéliens ont tendance à ignorer.

Nombre de musulmans sont animés d’une forme d’idéologie messianique, de vision apocalyptique selon laquelle Israël finira par être vaincu par l’islam. Ils sont nombreux à penser que c’est imminent – pensez à cette horloge, sur une place de Téhéran, qui décompte les jours jusqu’à la destruction d’Israël », dit-elle.

Des manifestants iraniens dévoilent un compte à rebours numérique indiquant 8 411 jours avant la destruction d’Israël, sur la place de Palestine, lors d’un rassemblement annuel marquant la Journée d’Al-Qods (Jérusalem) à Téhéran, en Iran, le 23 juin 2017. (Crédit : AP Photo/Ebrahim Noroozi)

En 2015, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, prédisait que d’ici 25 ans – soit aux alentours de 2040 – il n’y aurait plus d’État d’Israël. En 2017, un énorme compteur numérique a été inauguré sur la place de Palestine à Téhéran, pour décompter les jours jusqu’à la disparition annoncée d’Israël.

« Nous, Israéliens, trouvons cela ridicule, mais pour beaucoup de musulmans, c’est une certitude. Il en va de même pour la croyance selon laquelle les Juifs sont les descendants de « singes et de porcs », sur la base d’une malédiction qu’Allah a prononcée contre eux dans trois versets coraniques », rappelle-t-elle.

« C’est une croyance qui explique en grande partie la déshumanisation des Juifs : il est beaucoup plus facile de brutaliser et de massacrer, comme le Hamas l’a fait le 7 octobre, si vous pensez que les Juifs sont des singes ou des porcs », explique-t-elle. Dans notre pensée occidentale rationnelle, tout cela est inimaginable. »

A LIRE : Beaucoup ne voient pas les Israéliens comme des humains – défenseur libano-israélien

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