Pour la deuxième fois, l’hôpital Shamir se prépare à accueillir les otages thaïlandais « en famille »
Fort de l'expérience acquise lors de premières libérations, l'hôpital israélien prépare ses chambres et son personnel à recevoir dix ressortissants étrangers qui devraient être relâchés dans le cadre d'un accord parallèle

Au moins 31 ressortissants thaïlandais avaient été enlevés lors du pogrom qui avait été commis par le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Près de seize mois plus tard, huit d’entre eux se trouvent toujours en captivité.
Alors qu’un accord parallèle a ouvert la porte à la remise en liberté de ces huit ouvriers thaïlandais et de deux autres ressortissants étrangers, l’hôpital Shamir, situé dans le centre d’Israël, se prépare à la possibilité d’être à nouveau chargé de la tâche difficile – mais gratifiante – de les prendre en charge après leur libération.
L’hôpital, qui se trouve à proximité de Rishon Lezion – c’est l’un des six établissements hospitaliers qui s’apprête à accueillir des otages, a fait savoir le ministère de la Santé – avait ouvert ses portes aux 23 ressortissants thaïlandais et au citoyen philippin qui avaient été relâchés des geôles du groupe terroriste à la fin du mois de novembre 2023, dans le cadre d’un accord conclu entre le Hamas et Bangkok qui avait été négocié par l’Iran. Il n’avait alors pris en charge aucun captif israélien.
« Même si la situation était compliquée, nous avons objectivement fait un travail extraordinaire » se souvient la docteure Osnat Levtzion-Korach, la directrice de l’hôpital qui était connu, dans le passé, sous le nom d’hôpital Assaf Harofeh.
Levtzion-Korach indique au Times of Israel que lorsque l’hôpital a accueilli les ressortissants étrangers, « il a fallu faire preuve de beaucoup de bon sens – car personne ne savait comment faire, en réalité. »
Cette fois-ci, le personnel est fort de son expérience passée. Des équipes et des protocoles seront mis en place pour aider au mieux ceux qui seront enfin relâchés de captivité.
« Nous allons avoir le privilège de nous occuper à nouveau d’eux », dit-elle.

Huit ressortissants thaïlandais sont encore détenus à Gaza : Surasak Lamnau, Pingsa Nattapong, Bannawat Seathao, Sathian Suwankam, Sriaoun Watchara et Pongsak Tanna, ainsi que Sudthisak Rinthalak et Sonthaya Oakkharasr, deux hommes dont la mort a été confirmée par l’armée.
Le Népalais Bipin Joshi et la dépouille du captif tanzanien Joshua Loitu Mollel, pour leur part, pourraient être remis aux autorités israéliennes en même temps que les huit otages.
Les noms de ces captifs thaïlandais ne figurent pas sur la liste des 33 otages israéliens qui devraient être relâchés au cours de la première phase de l’accord de cessez-le-feu, un accord qui a été conclu entre Israël et le Hamas au début du mois.
Sept Israéliennes ont recouvré la liberté jusqu’à présent dans le cadre de cet accord. Jérusalem, en échange, a libéré des centaines de prisonniers palestiniens qui étaient incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale. Les autres otages devraient être relâchés lors des phases ultérieures de l’accord, des phases qui n’ont pas encore été négociées entre les parties concernées.

Néanmoins, ces derniers jours, les médias ont cité les propos tenus par des responsables israéliens qui, sous couvert d’anonymat, ont indiqué qu’ils s’attendaient à ce que des ressortissants étrangers soient remis en liberté au cours des 42 jours de la première phase de l’accord. Selon le quotidien Haaretz, des officiels ont même expliqué qu’il avait été demandé à l’hôpital Shamir de se préparer à recevoir les otages thaïlandais.
Shamir n’a pas souhaité confirmer l’information portant sur d’éventuelles instructions données par le ministère de la Santé. « Le ministère de la Santé fait constamment le point avec l’hôpital Shamir. L’hôpital Shamir est en état d’alerte permanent et il est prêt à accueillir les otages à tout moment », a commenté sobrement un porte-parole de l’hôpital.
De son côté, le ministère de la Santé n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Samedi, une délégation de représentants du gouvernement thaïlandais a rencontré Gal Hirsch, le responsable de la question des otages au sein du gouvernement, a fait remarquer Haaretz.
Ces citoyens thaïlandais et d’autres ressortissants étrangers font partie des 90 otages qui sont encore maintenus en captivité à Gaza – la majorité d’entre eux avaient été kidnappés le 7 octobre 2023. Ce nombre comprend les corps sans vie d’au moins 35 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Des dizaines de milliers d’ouvriers originaires d’Asie du Sud-Est travaillaient en Israël au moment de l’attaque sanglante du Hamas. Un grand nombre de ces ouvriers travaillaient dans les champs et dans les serres dans la région qui est le cœur de l’agriculture israélienne, à proximité de la frontière de Gaza.

Les ressortissants thaïlandais avaient formé, de loin, le groupe le plus nombreux et le plus touché dans l’attaque, avec au moins 32 personnes qui avaient été exécutées pendant le massacre, selon Bangkok.
Une autre paire de manches
Selon Levtzion-Korach, la libération initiale des 23 otages thaïlandais avait été un défi à relever pour l’hôpital qui n’avait jamais eu à faire face à une telle situation – même si des conseils lui avaient été donnés par le ministère de la Santé.
A ce moment-là, les otages avaient été relâchés à l’issue de 54 jours de captivité. Le prochain groupe d’otages sera resté dans les geôles du Hamas pendant plus de 480 jours.
« C’est une autre paire de manches », explique-t-elle.

Une équipe pluridisciplinaire – composée de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, de médecins et d’infirmiers – est prête à s’occuper des otages dès leur arrivée à l’hôpital et jusqu’à leur départ.
Avant l’arrivée du premier groupe d’otages à l’hôpital, le personnel avait présumé qu’ils souhaiteraient être seuls, dans des chambres individuelles. Il s’était finalement avéré qu’ils préféraient être ensemble – et l’hôpital a dorénavant pris des dispositions pour que les futurs otages soient placés dans des chambres à deux lits.
« Nous devons nous rappeler que chacun d’entre eux a eu une expérience unique en captivité », dit Levtzion-Korach.

Certains ouvriers thaïlandais ont été conservés en captivité en groupe, tandis que d’autres sont restés seuls.
« Il y a la solitude, il y a beaucoup de tristesse », explique-t-elle.
Comme les ressortissants thaïlandais sont seuls lorsqu’ils viennent en Israël, le personnel de l’hôpital « devient une famille pour eux », ajoute-t-elle.

Mais remplir ce rôle peut être difficile sans langage commun. En 2023, le personnel de l’hôpital s’était occupé des Thaïlandais en travaillant avec des traducteurs qui étaient, dans leur grande majorité, issus de l’ambassade du pays.
Aujourd’hui, après plus d’un an, certains des otages ont probablement appris l’arabe, ce qui devrait faciliter la communication avec les nombreux médecins, infirmières et autres personnes arabophones de l’hôpital, explique Levtzion-Korach.
Le personnel de l’hôpital a d’ores et déjà traduit en thaïlandais les instructions et les recommandations diététiques, ainsi que les noms des employés.
Un traducteur israélien marié à une Thaïlandaise, qui avait apporté son aide en 2023, a bien l’intention de revenir. La dernière fois, il avait apporté une statue de Bouddha aux ex-captifs qui avaient prié tous les jours, raconte Levtzion-Korach.
Bien connaître leur culture est également essentiel pour que les anciens otages se sentent à l’aise et en sécurité après le calvaire qu’ils ont traversé – par exemple, les Thaïlandais n’aiment pas être touchés, en particulier sur la tête, note la directrice.
Il est également important de se rappeler que, contrairement aux Israéliens qui sont relâchés dans leur pays, les Thaïlandais sont en Israël avec des visas de visiteurs et qu’ils ne se sentent peut-être pas totalement libres de dire ce qu’ils pensent.

Ils sont « très, très obéissants », indique Levtzion-Korach. « Nous devons leur expliquer qu’ils ont le droit de dire non ».
La chose la plus importante aux yeux du personnel de l’hôpital, ajoute-t-elle, est de rendre aux anciens otages leur autonomie, leur dignité – et de respecter leur vie privée.
« Tout le monde veut savoir ce qui s’est passé là-bas », note Levtzion-Korach. « Tout le monde veut entendre ce qu’ils ont vécu ».
Mais le personnel de l’hôpital ne posera pas de questions, note-t-elle. »Tout ce que la personne voudra dire, raconter et partager, elle le fera. Bien sûr, nous ne le répéterons pas, parce que c’est une histoire qui leur appartient ».

Elle recommande aux anciens otages de ne pas parler immédiatement de leur expérience, mais de prendre le temps « de réfléchir, de se détendre, de recommencer à découvrir le monde et de décider ensuite de ce qu’ils auront envie de faire ».
Une approche holistique du rétablissement
Les employés adoptent une « approche holistique » dans leur prise en charge des otages, tant sur le plan psychique que physique, explique Levtzion-Korach.
Certains captifs ont été grièvement blessés lors du pogrom du 7 octobre ou après et ils ne seront en mesure de recevoir les soins nécessaires que maintenant, fait-elle remarquer.
Le personnel se concentrera d’abord sur la malnutrition. Même si un otage libéré « a l’air d’aller bien à l’extérieur, qu’il n’est pas très maigre, la nourriture qu’il a reçue était limitée, elle manquait probablement de protéines, avec surtout des glucides », dit Levtzion-Korach.
Les otages qui ont été secourus par Israël au cours des douze derniers mois ont indiqué qu’ils ne recevaient qu’une demi-pita par jour.

« Nous savons que la malnutrition en elle-même peut entraîner de très nombreuses complications, comme des infections » explique Levtzion-Korach. « Il peut y avoir des problèmes gastro-intestinaux, des diarrhées et des vomissements. L’eau [à Gaza] est contaminée. Nous devons aussi nous rappeler que l’hygiène y est très mauvaise ».
L’autre facteur, selon elle, est la réacclimatation après « avoir séjourné dans des tunnels sans air, sans exposition au soleil ».
« L’exposition au soleil, après une longue période, peut être très dure pour les yeux », déclare Levtzion-Korach, qui précise que des lunettes de soleil seront remises dès que possible aux otages après leur libération.

L’hôpital sera également prêt à prendre en charge les problèmes respiratoires qui ont pu affecter les otages qui ont passé des périodes prolongées dans des tunnels privés d’oxygène.
Mais les maux de longue haleine résultant du calvaire iront bien au-delà de la seule santé physique.
« Il ne s’agit pas forcément de trouble de stress post-traumatique », dit Levtzion-Korach. « Mais il y a toujours un traumatisme ».
Le ministère de la Santé recommande une hospitalisation d’au moins quatre jours pour les otages qui reviennent de Gaza. Selon le docteur Hagar Mizrahi, chef de la division de médecine générale au sein du ministère de la Santé, certains des captifs qui ont été précédemment libérés ont finalement regretté d’être partis trop tôt – ce qui laisse penser que des séjours prolongés pourraient favoriser leur rétablissement.

« Ils ne sont plus en captivité », note Levtzion-Korach, « mais il vaut mieux qu’ils restent à l’hôpital pendant un certain temps parce qu’une fois qu’ils sortiront, de nombreuses, très nombreuses personnes voudront les voir et les prendre en photo ».
Le dernier groupe d’otages thaïlandais était resté environ une semaine en Israël avant de prendre l’avion en direction de la Thaïlande.

« On a tout à fait pu voir la manière dont ils ont changé en l’espace d’une semaine », se souvient Levtzion-Korach. « Au début, ils étaient timides puis ils se sont ouverts et ils ont commencé à chanter. Nous leur avons donné une guitare et ils ont chanté ensemble ».
Deux des anciens otages qui se sont rencontrés en Israël, Nutthawaree Munkan et Boonthom Pankhong, se sont mariés lors d’une cérémonie privée en Thaïlande au mois de mars, raconte Levtzion-Korach.

Si Levtzion-Korach estime que l’hôpital est « très bien préparé » à accueillir le prochain groupe d’otages, elle s’inquiète de la prise en charge psychique – des soins qui, selon elle, sont nécessaires pour l’ensemble de la nation.
« Nous avons travaillé si dur depuis le 7 octobre 2023 que nous tous – en tant que nation et individus – nous n’avons pas pris le temps de nous arrêter pour nous poser la question : ‘Mais que venons-nous donc de traverser ?’. »
« Parce que quand on commence à prêter l’oreille à toutes les histoires individuelles, chacune de ces histoires est un monde tout entier », ajoute-t-elle. « Le simple fait d’écouter une de ces histoires remplit le cœur d’une profonde tristesse. »
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