Refonte judiciaire : mise en garde de l’économiste en chef du ministère des Finances
"Les investissements et la cote de crédit pourraient pâtir de la réforme du système judiciaire", a écrit Shira Greenberg dans un rapport accompagnant le projet de budget de l'État
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
L’économiste en chef du ministère des Finances a averti que les changements prévus dans le système judiciaire israélien sont sur le point de nuire à la croissance économique et aux investissements dans le pays.
« Au moment de la rédaction de ce document, des modifications législatives substantielles concernant le système judiciaire sont en cours à la Knesset », a écrit l’économiste en chef du ministère des Finances, Shira Greenberg, dans un rapport accompagnant le projet de budget pluriannuel 2024-27 qui a été envoyé au gouvernement jeudi.
« Dans la mesure où la refonte judiciaire est perçue par le marché comme portant atteinte à la force et à l’indépendance des institutions de l’État et où elle accroît l’incertitude dans l’environnement d’investissement, cela peut nuire à l’activité économique et en particulier aux investissements privés », a écrit Greenberg dans une section intitulée « Effets économiques de la réforme ».
Greenberg a cité des études qui ont constaté une corrélation positive entre la force et l’indépendance des institutions étatiques et la croissance économique, l’étendue des investissements privés, et en particulier l’étendue des investissements directs étrangers.
« De plus, les agences de notation de crédit sont susceptibles de réagir à ces développements », a averti Greenberg.
La refonte judiciaire accorderait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, y compris à la Haute Cour, éliminerait presque entièrement la capacité de la Haute Cour à examiner et à annuler la législation, et permettrait aux politiciens de nommer – et de renvoyer – leurs propres conseillers juridiques.
Des économistes de premier plan, dont l’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Israël Jacob Frenkel, ont averti ces dernières semaines que les mesures prévues pour affaiblir le système légal et démocratique de freins et de contrepoids du pays créent déjà de l’incertitude parmi les investisseurs et les entrepreneurs, certains d’entre eux commençant à déplacer leur argent hors d’Israël.
Frenkel, qui présidait jusqu’à récemment JP Morgan Chase International, a déploré que chaque jour supplémentaire du blitz législatif du gouvernement ne fasse qu’aggraver la situation, car l’image d’Israël à international en prend un sérieux coup et les grandes entreprises et les investisseurs commencent à quitter le pays.
Alors que le gouvernement s’est empressé cette semaine d’adopter en première lecture un projet de loi qui constitue une partie importante de la réforme tant controversée du système judiciaire, afin de renforcer le contrôle du gouvernement sur les nominations judiciaires, le shekel s’est déprécié pour atteindre son niveau le plus faible en trois ans par rapport au dollar américain et les actions de Tel Aviv ont baissé.
Au cours du mois écoulé, le shekel a perdu près de 7 % de sa valeur dans un contexte de manifestations de masse et d’ambiance morose sur le marché, par crainte que le remaniement judiciaire n’ait un impact négatif sur la notation du pays et ne fasse fuir les investisseurs.
Certaines entreprises et start-ups locales ont déjà commencé à retirer leur argent, à la demande de leurs investisseurs étrangers, afin de minimiser les risques et de couvrir leurs actifs avant l’approbation finale des projets de loi.
Le ministère des Finances a formulé le projet de budget en estimant la croissance économique à 3 % en 2023 et à 3,2 % en 2024. Ces chiffres sont à comparer aux prévisions de croissance de la Banque d’Israël, qui sont de 2,8 % en 2023 et de 3,5 % en 2024. L’économie israélienne a progressé de 6,5 % en 2022.
Parmi les risques qui pèsent sur les estimations, Greenberg a cité le projet de refonte du système judiciaire, le conflit Russie-Ukraine et la crise énergétique européenne, la hausse de l’inflation et la récession mondiale, la baisse des marchés financiers et le ralentissement de l’industrie de la high-tech, ainsi que la politique fiscale.
« Au moment de la rédaction de ce document, il existe une incertitude quant à la portée des accords salariaux [du secteur public] et des accords de coalition qui seront conclus », a écrit Greenberg. « De fortes augmentations salariales dans le secteur public au-delà de celles prises en compte dans les prévisions, ou des coûts plus élevés que prévu des accords de coalition, pourraient nuire à l’activité économique. »