Rencontre TOI – Une avocate israélienne montre comment la ‘guerre de la loi’ peut frapper la guerre des terroristes
C'est un procès étudiant qui a placé la fondatrice de Shurat HaDin sur la voie de la recherche de la justice pour les victimes du terrorisme
Dans la guerre contre le terrorisme, les poursuites judiciaires sont parfois plus puissantes que l’épée. Cette réflexion a poussé Nitsana Darshan-Leitner « à faire ce que les avocats font le mieux et à courir après les portefeuilles des organisations terroristes ».
Fondé en 2003, le ‘Shurat HaDin: Centre de droit israélien’ de Darshan-Leitner est une organisation à but non-lucratif située à Tel Aviv dont l’objectif est de mettre en liquidation les organisations terroristes – et ceux qui les soutiennent.
Au cours des 14 dernières années, Darshan-Leitner et Shurat HaDin ont aidé les familles des victimes du terrorisme à obtenir plus de 200 millions de dollars et ont permis de geler un montant à hauteur de 600 millions de dollars d’actifs appartenant à des organisations terroristes ou à des états qui parrainent le terrorisme.
L’année dernière seulement, Darshan-Leitner a remporté 655 millions de dollars de la part de l’Autorité palestinienne et de l’OLP au nom de 11 familles américaines dont les proches avaient été tués ou blessés lors d’attentats commis en Israël. Ce verdict a été renversé mais la bataille est encore loin d’être terminée.
Lors de la dernière rencontre-débat organisée dans le cadre de la série d’événements ‘Times of Israel presents’, Darshan-Leitner s’est entretenue avec le journaliste Matthew Kalman devant un public anglophone attentif dans la salle du Hirsch Theater de Jérusalem. Malgré la gravité du sujet, les récits et le sens du comique de Darshan-Leitner ont amené le public à rire aux éclats plus de fois qu’un journaliste ne serait capable de le compter.
Les victoires de cette avocate ne se mesurent pas toujours en liquidités. En 2004, lorsque l’Iran a échoué à se représenter dans une affaire à 500 millions de dollars aux Etats-Unis, Shurat HaDin s’est tournée vers les actifs détenus par le pays en Italie. Entrevoyant les conséquences pratiques du jugement du tribunal, le régime a envoyé des dizaines d’avocats pour libérer les fonds gelés et, finalement, est parvenu à extraire l’argent d’Italie. Mais, explique Darshan-Leitner, la défaite n’a pas été totale.
« Lorsque nous sommes revenus », a-t-elle raconté, « les conseillers à la sécurité nationale nous ont demandés de venir et d’en dire davantage sur la ‘victoire’ de Rome. Et nous avons répondu : ‘Nous n’avons pas remporté de victoire, nous avons perdu l’argent’. Ils nous ont répliqué : ‘Oui, mais en résultat de ces procédures, l’Iran n’a plus jamais replacé son argent dans les banques italiennes. Pouvez-vous faire la même chose en France, en Allemagne ?’ Et c’est ce que nous avons fait. Nous étions au beau milieu de l’intifada et l’Iran avait besoin d’utiliser l’euro, il en avait besoin pour soutenir les organisations à Gaza et en Cisjordanie, et l’Iran a donc été empêché d’utiliser l’euro, le dollar ou le shekel ».
‘Oui, mais en résultat de ces procédures, l’Iran n’a plus jamais replacé son argent dans les banques italiennes. Pouvez-vous faire cela en France, en Allemagne ?’
Avant de se lancer dans l’aventure, Darshan-Leitner s’était déjà fait les dents face à la Cour suprême israélienne alors qu’elle appartenait à un groupe d’étudiants qui protestait contre l’entrée en Israël de Muhammad Zaidan, connu aussi sous le nom d’Abu Abbas. Le terroriste avait imaginé le détournement du bateau de croisière italien de l' »Achille Lauro », au cours duquel un Juif américain immobilisé sur une chaise roulante et nommé Leon Klinghoffer avait été tué par balles. Son corps avait ensuite été jeté dans l’océan.
Abu Abbas avait été invité en Israël en 1994 pour voter sur les Accords d’Oslo en tant que membre du Conseil national palestinien.
« Nous avons eu le sentiment que c’était scandaleux. Alors nous avons décidé de porter plainte contre le gouvernement israélien. Nous n’étions que des étudiants, nous n’avions pas l’argent pour payer un avocat », a-t-elle expliqué.
« Alors nous avons eu une discussion : Qui va plaider l’affaire ? Et en fin de compte, ils ont tous voté pour moi. Ils m’ont dit :’Tu es une femme. Si le tribunal se met en colère, on ne va pas crier sur toi. Et s’ils veulent rejeter la poursuite, ils ne vont pas te faire payer tous les frais du tribunal' », s’est-elle souvenue.
Et c’est ce qui est arrivé.
« Ils ne m’ont pas crié dessus, ils ont été très polis mais ils m’ont demandé de retirer ma plainte. L’avocat du bureau du procureur général a dit qu’Abu Abbas devait avoir l’autorisation d’entrer en Israël, qu’il était un baal tshuva, », a-t-elle dit, utilisant le terme hébreu pour ‘pénitent’, provoquant des petits rires dans le public.
‘Je leur ai dit que tant que le sang de Leon Klinghoffer hurlerait depuis le fond de l’océan, je ne retirerais pas ma plainte’
« Mais je suis revenue, je me suis placée devant les juges, et je leur ai dit que tant que le sang de Leon Klinghoffer hurlerait depuis le fond de l’océan, je ne retirerais pas ma plainte ».
Deux semaines plus tard, la Cour suprême autorisait par son vote l’entrée d’Abu Abbas en Israël – mais citait Darshan-Leitner dans son verdict.
« Ils ont dit que, même si le sang de Leon Klinghoffer hurlait depuis les profondeurs de l’océan, ils rejetaient le dossier parce qu’ils ne pouvaient s’impliquer dans une décision gouvernementale », a-t-elle commenté. « Mais qu’en raison des circonstances, nous ne devrions pas payer les frais judiciaires ».
L’avocate prend aussi sa part dans les controverses – parmi celles qu’elle a en ligne de mire actuellement, les géants comme Facebook, Western Union et Boeing, qu’elle accuse de complicité et d’aider le terrorisme en laissant accéder les terroristes à leurs services.
Et ses collègues avocats sont parfois craintifs ou ennuyés par ses tactiques – au moins ceux cités dans un portrait qui lui était consacré dans le New York Times. Un avocat qui lutte pour la même cause y qualifie même ses efforts de « contre-productifs ».
Les réactions ne sont pas surprenantes au vu de sa ténacité et de sa volonté de faire tout ce qu’il faudra pour arriver à ses fins. Mais il est clair que les méthodes qu’elle s’approprie ne peuvent être marquées que par un idéalisme pur.
« Ce que nous a dit cette décision de la Cour suprême », a-t-elle déclaré, « était que nous pouvions venir au nom des victimes, passer devant le tribunal, argumenter et représenter ceux qui n’ont pas de voix – et peut-être obtenir une certaine mesure de justice pour eux ».
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