Sanders et Ocasio-Cortez critiquent le financement par l’AIPAC du rival de Jamaal Bowman
Le membre du Congrès, qui représente le 16e district de New York, a déclaré que George Latimer, son adversaire, et le groupe de lobby "détruisent notre démocratie" ; la guerre contre le Hamas a été au centre des discussions
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
New York Jewish Week via JTA — La guerre que mène Israël à Gaza a été au cœur d’un rassemblement organisé dans le Bronx à l’occasion de la campagne, pour les primaires, du représentant démocrate Jamaal Bowman, actuellement en difficulté. Les intervenants ont appelé au cessez-le-feu à Gaza et ils ont vivement critiqué les dons financiers qui ont été faits par l’AIPAC à George Latimer, l’opposant centriste du représentant progressiste.
L’organisation de ce rassemblement – auquel ont assisté d’autres membres de le « Squad », l’aile progressiste du parti démocrate, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez et le sénateur du Vermont Bernie Sanders — a entraîné une contre-manifestation qui a été lancée par les activistes de Within Our Lifetime, un groupe pro-palestinien de la ligne (très) dure qui s’oppose au soutien apporté par Bowman au président Joe Biden en vue des prochaines présidentielles. Des partisans juifs de Bowman figuraient également parmi les centaines de personnes venues assister à l’événement.
« Mon adversaire soutient le génocide », a dit Bowman à la foule. « Ce sont mon adversaire et l’AIPAC qui détruisent notre démocratie et il nous revient, à nous tous, de sauver notre démocratie ».
Ocasio-Cortez a indiqué que « l’establishment » se plaisait à prendre Bowman pour cible parce qu’il « a osé parler en soutien aux Palestiniens » et parce qu’il « a osé nous rejoindre et devenir l’un des premiers membres du Congrès à appeler à un cessez-le-feu ».
Ce rassemblement, qui s’est déroulé sous une chaleur écrasante, entre dans le cadre des efforts de dernière minute qui sont actuellement livrés par Bowman pour conserver son siège lors d’une course de primaires dont le caractère particulier retient l’attention de tout le pays. Bowman est à la traîne dans les sondages, face à Latimer, dans ce district très majoritairement bleu, et cet affrontement est considéré comme un baromètre dans le débat national entre les ailes centriste et progressiste au sein du parti démocrate, une formation fracturée sur le sujet de la guerre que mène Israël contre le Hamas à Gaza.
Latimer, qui dirige le comté de Westchester, a adopté un positionnement résolument pro-israélien tandis que Bowman, membre de la « Squad » qui regroupe les progressistes au Congrès, a critiqué avec ferveur la conduite de l’État juif pendant la guerre. Son appel précoce à un cessez-le-feu avait été fustigé par les groupes juifs – le représentant ayant omis de mentionner le Hamas et les otages retenus en captivité à Gaza dans son plaidoyer. Il a depuis régulièrement accusé Israël de commettre « un génocide ».
En plus du soutien qui, sur le terrain, a émané des nombreux Juifs habitant le district qui désapprouvent la rhétorique anti-israélienne qui est celle de Bowman, l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) a dépensé des millions de dollars pour précipiter la chute du représentant progressiste – des efforts que ce dernier et ses soutiens ont dénoncé en évoquant une interférence, de la part d’intérêts financiers, dans une campagne électorale.
Les personnalités de premier plan de l’aile progressiste qui se sont mobilisées pour la campagne de Bowman ont tenté de transmettre ce message lors de l’événement de samedi qui, de manière notable, n’était pas organisé dans le district de représentant. Offrant des bouteilles d’eau gratuites et des glaces aux personnes présentes, les organisateurs ont aussi distribué des panneaux arborant le slogan « Pour le plus grand nombre, pas pour l’argent », un slogan qui a marqué toute la campagne du candidat.
« Jamaal comprend également que ce qui est en train de se produire aujourd’hui à Gaza est complètement inacceptable », déclare Sanders, qui est Juif, lors du rassemblement. « Israël avait le droit de se défendre contre l’attaque terroriste mais il n’a pas le droit de faire la guerre à la population palestinienne toute entière ».
Il ajoute que « jamais, dans l’Histoire, des groupes d’intérêts puissants avaient dépensé autant d’argent pour tenter de vaincre un candidat ».
Dans la foule, quelques dizaines de personnes appartenant au groupe « Jews For Jamaal, », qui rassemble une coalition d’organisations progressistes juives, critiquent Israël avec force. L’un des soutiens juifs de Bowman, Jon Mermelstein, a grandi dans une banlieue aisée, à Scarsdale, dans le nord de New York City et il vit dans le district de Bowman. Enseignant dans un quartier pauvre de West Harlem, il explique que c’est la répartition déséquilibrée des richesses qui l’amène aujourd’hui à soutenir le représentant sortant.
« Je constate moi-même les deux facettes de notre statu-quo inégalitaire », commente Mermelstein, activiste âgé de trente ans qui est membre de l’organisation progressiste Jews for Racial and Economic Justice (JREJ). « Jamaal Bowman est le premier politicien qui, à mes yeux, représente Westchester et qui peut honnêtement et en profondeur s’attaquer à ce type de dynamique ».
Les Juifs qui apportent leur soutien à Bowman disent que son point de vue sur la guerre a été un facteur déterminant pour eux.
« J’éprouve beaucoup plus de sympathie à l’égard de la Palestine qu’à l’égard d’Israël mais je m’intéresse à des problématiques qui sont beaucoup plus terre-à-terre et nationales », continue Mermelstein en citant le soutien apporté par Bowman à l’imposition des plus riches, aux soins de santé universels et au droit au logement pour tous.
De son côté, Zoe Goldblum, 28 ans, qui vit aux abords du district, à Brooklyn, déclare être venue soutenir Bowman en raison de son engagement en faveur des soins de santé, de l’environnement et en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza.
« Jamaal Bowman est l’une des rares voix courageuses, au Congrès, à se faire entendre pour défendre les droits des Palestiniens », indique Goldblum, qui est activiste au sein du groupe juif progressiste controversé IfNotNow qui, comme Bowman, accuse Israël de génocide.
« Nous avons besoin d’un plus grand nombre de gens témoignant du même courage, de gens qui n’hésitent pas à s’exprimer face aux pressions énormes qu’ils subissent – comme c’est le cas de Jamaal Bowman », indique Goldblum.
En plus d’IfNotNow et de JFREJ, la coalition d’organisations juives qui soutiennent Bowman comprend Bend the Arc et le groupe antisioniste Jewish Voice for Peace. Cette coalition a lancé une campagne téléphonique et de porte-à-porte en soutien à Bowman presque tous les week-ends depuis le mois d’avril, explique Eva Borgwardt, porte-parole d’IfNotNow.
« Les gens viennent de milieux tous différents et ainsi, certains sont vraiment venus ici parce qu’ils soutiennent un cessez-le-feu et qu’ils sont réellement frustrés de voir tout l’argent qui est injecté par l’AIPAC », dit Borgwardt. « Il y a aussi de nombreuses personnes qui sont ici parce que les problématiques qui leur sont chères sont les problématiques prioritaires pour tous les électeurs juifs du pays, comme le climat, l’avortement et le contrôle des armes ».
Les activistes juifs déclarent avoir également envie d’afficher leur soutien à Bowman pour s’opposer à l’argent versé par l’AIPAC. Mermelstein évoque un district idéologiquement diversifié, mais la rhétorique violente qui a été employée au sujet de cette primaire a créé des clivages entre voisins.
« Une chose qui m’a rendu triste dans cette course, ce sont les clivages auxquels elle a donné lieu et j’en attribue la responsabilité aux conservateurs et à l’AIPAC qui ont été à l’origine de ces dissensions au sein de la communauté », selon lui.
Des dizaines de manifestants anti-israéliens, avec à leur tête le groupe Within Our Lifetime, ont également manifesté aux abords du rassemblement, brandissant des bannières où les slogans « Vive la résistance palestinienne » et « Résistance au colonialisme, du Bronx jusqu’à la Palestine » étaient écrits.
Le groupe s’oppose aux représentants progressistes – les critiques d’Israël les plus féroces au Congrès – en raison du soutien qu’ils apportent à Biden, que les activistes accusent de commettre « un génocide » à Gaza. Certains protestataires ont vandalisé les affiches de campagne d’Ocasio-Cortez, écrivant à la bombe, sur sa photo, « Sioniste » et « Elle finance les crimes de guerre israélien ».
Pendant le discours prononcé par Ocasio-Cortez, les slogans de « Mondialisez l’Intifada » étaient audibles en arrière-plan et un activiste, le visage masqué, a distribué des prospectus de Within Our Lifetime que lesquels était écrit : « AOC, Bernie, Bowman: Défendez la Palestine! Renoncez au soutien que vous apportez à Genocide Joe. »
« AOC, tu ne peux pas te cacher, tu soutiens le génocide », ont scandé les manifestants.
Des protestataires qui ont été largement ignorés par la foule et qui ont été gardés à distance, à la fin du rassemblement, par la police.
Après l’événement et malgré la chaleur, les activistes juifs sont partis vers le 16e district pour faire du porte-à-porte dans la banlieue en soutien à la campagne de Bowman.
« Nous devons avoir une pensée audacieuse. Nous devons œuvrer en faveur des objectifs auxquels nous aspirons », explique Mermelstein.