Israël encouragé à ratifier la Convention sur l’interdiction des armes chimiques
Un responsable de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) affirme connaître l’importance de l’arsenal chimique israélien
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La Haye – Un responsable de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] a exhorté les alliés proches d’Israël de convaincre le pays de ratifier la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et d’autoriser les observateurs internationaux à contrôler le respect de ces règles.
Le responsable ajoute qu’il est au courant de l’existence et de l’importance de l’arsenal des armes chimiques d’Israël, et cela, malgré le fait que Jérusalem entretienne une ambiguïté stratégique sur ce sujet.
En parlant depuis la Haye, sous couvert d’anonymat, le responsable affirme que les alliés non nommés devraient faire plus pour convaincre Israël de ratifier la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, qui interdit la production et l’utilisation des armes chimiques.
« Je pense que les Alliés devraient mettre un peu plus la pression sur Israël pour qu’il ratifie le traité », explique le responsable de l’OIAC au Times of Israel à La Haye.
Dans le même temps, il précise, que l’OIAC devrait lui-aussi chercher une méthode constructive pour sensibiliser et influencer la population israélienne.
« J’espère que nous [l’OIAC] n’aurions pas à mettre une pression diplomatique. J’espère que nous allons continuer à travailler avec les médias israéliens et les instituts de réflexion en Israël, afin de consolider un peu plus la confiance », affirme le responsable.
Israël a signé la Convention sur les armes chimiques en 1993, mais quand il est entré en vigueur en 1997, Israël s’est abstenu de ratifier le traité. Les États parties qui signent la Convention s’engagent à interdire la production et l’utilisation d’armes chimiques, ainsi que de détruire toutes les armes et installations dont ils disposent.
On en sait très peu sur les capacités chimiques d’Israël, et Jérusalem ne se prononce pas sur la question, préférant maintenir une politique d’ambiguïté stratégique.
Le responsable a prétendu connaître des détails du programme chimique d’Israël grâce à un poste qu’il avait précédemment en dehors de l’OIAC.
Lorsqu’on lui a demandé s’il connaissait l’importance de l’arsenal d’Israël, il a répondu, « oui, je la connais » mais il a refusé de donner plus de détails.
Par contre, il a révélé que l’Egypte avait « des dizaines de milliers » d’armes chimiques.
D’autres personnes ne sont pas d’accord avec son évaluation. Avner Cohen, professeur d’études sur la non-prolifération des armes à l’Institut Monterey d’études internationales, a déclaré au Times d’Israël l’an dernier qu’il « doute fort » qu’Israël dispose actuellement d’armes chimiques utilisables.
L’OIAC n’a lui-même aucune position officielle sur les capacités des États qui ne font pas partie de la Convention.
« On n’a pas la capacité d’évaluer si oui ou non les Etats non membres possèdent des armes chimiques, et par conséquent, ON ne fait aucune hypothèse à cet égard, conformément à notre mandat », a déclaré Peter Sawczak, le responsable de la direction des relations gouvernementales et des affaires politiques de l’OIAC, dans une interview par email mercredi.
Un effort considérable
Ce sont des moments grisants pour l’OIAC. Après des années passées dans l’oubli, une occasion inespérée s’est présentée quand la Russie et la Syrie ont répondu positivement à une suggestion désinvolte faite par le secrétaire d’Etat américain John Kerry. Il avait affirmé que le régime de Bachar al-Assad pourrait éviter des frappes aériennes s’il acceptait de remettre ses armes chimiques – qui avaient tué des centaines de personnes lors d’une attaque en août 2013 – dans un délai d’une semaine.
La ratification syrienne de la Convention sur les armes chimiques, et la rapidité avec laquelle le processus de destruction a été entamé, ont permis à l’OIAC de remporter le prix Nobel de la Paix en 2013, augmentant ainsi l’exposition internationale de l’organisation. En outre, l’année prochaine, l’OIAC marquera les 100 ans de la première utilisation à grande échelle d’armes chimiques mortelles. Elles ont été déployées lors de la deuxième bataille d’Ypres. Un certain nombre de cérémonies et d’initiatives sont prévues pour commémorer cet événement tragique.
L’OIAC est en plein travail pour que les six pays, non membres, ratifient de la Convention sur les armes chimiques. Selon Sawczak, le Myanmar et l’Angola pourraient rejoindre rapidement la convention ainsi que le Sud-Soudan.
Cela laisserait Israël en compagnie de pays à ma moralité douteuse comme l’Egypte et de la Corée du Nord.
Parmi les trois pays, Israël semble être le pays que l’OIAC croit pouvoir convaincre.
L’une des principales raisons d’Israël pour rester en dehors de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques était le programme chimique syrien, qui n’est désormais plus une menace stratégique, selon l’OIAC.
Selon le groupe, 100 % des armes chimiques de la Syrie ont été sortis du pays, et 98 % ont été détruites. Les 2 % restants sont des armes contenant du fluorure d’hydrogène qui sont difficiles à détruire en raison de la corrosion des bouteilles contenant les produits chimiques.
L’OIAC a également supervisé la destruction complète de 13 des 27 installations de production d’armes chimiques déclarées par le régime Assad. Seuls les bâtiments des 14 autres installations existent encore, mais les équipements à l’intérieur ont été détruits, selon le responsable OIAC.
« Vous pourriez avoir quelques munitions qui traînent quelque part ici et là, mais il n’y pas un programme complet qui permettrait de produire des armes chimiques. Nous continuons à enquêter », explique le responsable. « Nous avons 95 % des pièces du puzzle, il n’y a que quelques petites pièces manquantes ».
Toujours inquiet au sujet de la Syrie
Mais le scepticisme reste de mise en Israël au sujet l’honnêteté des déclarations de la Syrie sur ses armes chimiques. En septembre, un responsable israélien a déclaré à Reuters que l’establishment de la sécurité d’Israël est persuadé que la Syrie possède encore des stocks « significatifs » d’armes chimiques prêts à l’emploi.
« Il y a, je pense, entre les mains de la Syrie une capacité résiduelle significative… qui pourraient être utilisée dans certaines circonstances avec des conséquences sérieuses potentielles », aurait déclaré le responsable à Reuters.
« Je ne suis pas convaincu par les affirmations de l’OIAC qui dit que 100 % des armes chimiques ont été retirées du pays », indique Dany Shoham, expert en armes biologiques et chimiques au centre BESA de l’Université Bar Ilan, au Times Of Israel.
D’autres questions compliquent l’évaluation de la conformité de la Syrie. La Syrie affirme avoir détruit 100 tonnes de gaz moutarde avant de signer la Convention sur les armes chimiques. Les équipes de l’OIAC peuvent vérifier que ces armes ont été effectivement détruites, mais ne peuvent pas déterminer la quantité exacte. Une grande partie du régime des inspections est basé sur les déclarations des Etats membres. L’organisation cherche ensuite à déterminer la véracité de leurs déclarations en enquêtant. « Lorsque l’Iran dit quelque chose, nous faisons confiance à l’Iran. Lorsque les États-Unis dit quelque chose, nous faisons confiance aux États-Unis. Lorsque la Syrie dit quelque chose, nous faisons confiance à la Syrie », explique le responsable de l’OIAC.
« Quel intérêt aurait la Syrie [à mentir alors qu’elle est] sous la pression des Etats-Unis ? Vous devez tout remettre dans son contexte. La Syrie a signé le traité parce que les Américains et les Russes l’y ont poussé. Et pourquoi a-t-elle fait cela ? Dans le but de sauver le régime. Quelle serait l’intérêt du [régime] de faire quelque chose qui irait contre ses efforts de se reconstruire une crédibilité auprès de la communauté internationale ? », s’interroge-t-il.
Il y a aussi la suspicion qu’Assad aurait donné quelque unes de ses armes chimiques au Hezbollah, le groupe terroriste chiite au Liban.
En 2013, un porte-parole de l’Armée syrienne libre a affirmé que la Syrie avait fait passer deux cargaisons d’armes chimiques à l’organisation. En octobre de la même année, le journal saoudien Al-Watan a révélé qu’un parlementaire libanais anti-Hezbollah avait soutenu qu’Assad avait transféré un important stock d’armes chimiques au Hezbollah. Aucune de ces informations n’ont pu être confirmées.
« A ma connaissance, je n’ai été le témoin d’aucun transfert d’armes chimiques au Hezbollah ou au Liban », affirme le responsable de l’OIAC.
« Un coût pour l’industrie israélienne »
Il y a d’autres raisons pour lesquelles Israël devraient ratifier le traité selon l’OIAC.
« La Convention sur l’interdiction des armes chimiques s’appuie sur un régime de surveillance excellent qui pourrait être significativement renforcé par la participation israélienne. De plus, les inquiétudes d’Israël au sujet de la prolifération des armes dans la région pourrait être mieux traité si Israël faisait partie du régime de la convention », souligne Sawczak.
« A une époque où les acteurs non-étatique ne se cachent pas leur volonté d’acquérir et d’utiliser des armes chimiques, il est vital que nos efforts pour combattre cette menace se basent sur l’expertise de tous les pays, dont celui d’Israël ».
Sawczack relève aussi les bénéfices commerciaux qu’Israël pourrait en tirer. En effet les Etats non-membres sont soumis à des restrictions lors de la commercialisation de certains produits chimiques. Et « cela a un coût sur l’industrie israélienne ».
Mais Israël a d’autres raisons de se dérober. Rejoindre le traité ouvrirait théoriquement la porte aux inspections des Etats membres, y compris des inspections de pays hostiles qui chercheraient à embarrasser Israël ou extraire des renseignements. Toutefois, aucune inspection dans le but de provoquer n’a jamais été entreprise, et il y a des garanties mises en place pour protéger les Etats des inspections frivoles ou abusives.
Une autre préoccupation pourrait être la peur de la pression de la Communauté internationale croissante sur Israël pour qu’il autorise une inspection de son programme nucléaire supposé, bien qu’il n’y ait pas aucun lien direct entre les armes chimiques et la ratification de la Convention et les obligations des pays au sujet de leur programme nucléaire.
Il y a aussi l’avantage de l’effet dissuasif sur les ennemis persuadés qu’Israël possède des armes chimiques, mais cet avantage est un peu surestimé. Si Israël possède réellement des armes chimiques, il est inconcevable qu’Israël les utilise, et contrairement aux armes nucléaires, il n’y a aucune légitimité internationale à posséder des armes chimiques.
Le 2 décembre, Tamar Rahamimoff-Honig, la directrice de la division des Affaires stratégiques du département du Contrôle des armements du ministère des Affaires étrangères, a souligné dans sa déclaration officielle à la Convention sur les armes chimiques qu’« Israël soutient pleinement les buts et objectifs de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques ».
Elle a exhorté à mettre en place des mesures globales de sécurité dans la région pour répondre aux préoccupations d’Israël. « Ce n’est seulement qu’une fois que ces mesures seront mises en place, qu’elles auront pris racine et auront démontré leur durabilité et montré qu’elles sont propices, que des entreprises plus ambitieuses pourront être considérées », explique-t-elle, en se référant probablement à la ratification de la convention par Israël.
Le responsable de l’OIAC considère la ratification israélienne comme une étape positive pour la région. « Cela sera sain pour le Moyen-Orient si Israël rejoignait ce traité », affirme-t-il.
Mitch Ginsburg a contribué à cet article