Une expo poignante qui raconte la vie dans le sud d’Israël, – hier et aujourd’hui
L'historienne et photographe amateur Dana Arieli a créé « The Photographer of Things – Southern Album », l'expo au Petah Tikva Museum of Art qui raconte l'histoire du sud

C’est dans les semaines qui ont suivi l’attaque du Hamas du 7 octobre, alors que les Israéliens en étaient encore au stade de prendre conscience de l’énormité de la catastrophe, que l’historienne et photographe amateure Dana Arieli a commencé à publier, chaque jour, une nouvelle photo sur son compte Facebook.
Nombre de ses amis sur Facebook sont des photographes qui travaillent sur le Neguev occidental, la région dévastée par l’assaut du Hamas.
Une grande partie de ces photographies font partie de « The Photographer of Things – Southern Album », l’exposition qui a ouvert ses portes le 21 juin dernier au Musée d’Art de Petah Tikva.
On y retrouve des œuvres d’une centaine de photographes – dont certains ne sont plus en vie -, qui mêlent images du passé et du présent, paysages, personnes et lieux emblématiques du sud d’Israël.
« L’idée était de raconter l’histoire du sud », explique Arieli, lors d’une visite de l’exposition avant l’ouverture au public.
Il y a certes des images des toutes premières années du sud, à l’époque des premières installations dans l’enveloppe de Gaza, dans les années 1950 et 1960, mais la plupart datent des 20 dernières années, « moment où le sud s’est mué en un paysage blessé, sans oublier bien sûr le traumatisme du 7 octobre », poursuit Arieli.

L’une des toutes premières images que l’on aperçoit représente un petit garçon en train de regarder à travers la clôture du kibboutz Nahal Oz en direction de la bande de Gaza, puissant et douloureux rappel de l’attaque du 7 octobre.
Une autre image – ancienne – montre le panneau de signalisation situé à l’intersection du kibboutz Saad, revêtu du nom de villages et communautés voisins, nombre d’entre eux ont été détruits et pillés le 7 octobre, rappel du caractère ancien des avanies subies par cette région.
Professeure à l’Académie Bezalel, Arieli s’est fait une spécialité de l’histoire des traumatismes, comme en témoignent les photographies de l’exposition. Elle a passé une grande partie de sa carrière à étudier les images de la Shoah et de ses conséquences.
Dans le droit fil de l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier, elle a contacté son réseau de confrères photographes pour leur demander de lui envoyer leur travail, qui a rapidement culminé au nombre de 200 portfolios, sans compter ses propres recherches dans des archives photographiques.
Elle a rapidement pris le parti d’exclure les photos choquantes, montrant des blessés ou des morts, mais de mettre en avant des œuvres offrant un autre regard sur la région et ce qui s’y est passé en ce jour de Shabbat noir.

A l’occasion d’une visite de l’exposition avant son ouverture au public, Arieli présente une photo de Miki Kratsman, président de l’organisme de surveillance des vétérans de gauche Breaking the Silence – une association qui ne fait pas l’unanimité.
Cette image est celle de la maison incendiée et détruite de sa tante, Ofelia Roitman, du kibboutz Nir Oz, prise en otage puis libérée fin novembre à la faveur d’un cessez-le-feu temporaire.
« En une seconde, on ressent ce qui s’est passé là-bas », explique Arieli.
Il en va de même pour les nombreuses photos prises dans les jours et les semaines qui ont suivi l’attaque du Hamas et que l’on retrouvera dans cette exposition.
Sur un autre mur, on voit une photo prise par Batya Holland de soldats dormant à même le sol d’une station-service, aux premières heures du 8 octobre, tentant de se reposer entre deux combats, avec des paquets de papier toilette pour oreillers.

Grâce aux réseaux sociaux, Arieli a publié un message pour aider à l’identification de ces soldats et demander l’autorisation d’afficher cette photo dans l’exposition.
Une autre photographe, Avishag Shaar-Yashuv, s’est rendue dans le sud le 8 octobre, à la recherche d’amis du kibboutz Kfar Aza, et y a découvert que toute la famille – Livnat et Aviv Kutz et leurs trois enfants, blottis contre eux – avait été assassinée par des terroristes du Hamas.
Sa photo de leurs funérailles, ce portrait intense et émouvant des cinq cercueils ceints du drapeau israélien et de leurs proches en larmes, a fait la couverture du New York Times, qui a demandé à son auteur d’écrire un article à ce sujet.
L’exposition met également à l’honneur deux clichés de photographes amateurs, habitants de communautés du sud, auxquels Arieli a demandé de décrire leur vision du 7 octobre.
L’un d’eux, Sholi Strauss, a utilisé une photo de ses deux jeunes garçons et de lui-même, réfugiés dans leur mamad le 7 octobre, sa femme, médecin, étant de service à l’hôpital Soroka de Beer Sheva. Il parle des longues et angoissantes heures passées avec ses fils dans la pièce sécurisée, incertains de leur sort.
La photo voisine, signée Shahar Vahab, raconte à sa manière les heures pénibles passées dans un abri de campagne du kibboutz Nir Oz, caché derrière de vieux équipements agricoles, pour échapper aux terroristes au retour de sa promenade du matin.
Alors qu’il était caché, il recevait les messages Whatsapp envoyés par sa mère paniquée depuis leur maison voisine du kibboutz, où son père avait été tué par des terroristes du Hamas. Il se trouve aujourd’hui en France avec sa femme française et leur enfant en bas âge.

En face, on trouve l’une des photos désormais célèbres de la directrice de la galerie Beeri – et habitante du kibboutz -, Sophie Berzon Mackie, prises dans son salon de Beeri, qu’elle n’a pas revu depuis le 7 octobre puisque ses proches et elle vivent encore dans un hôtel de la mer Morte.
L’une des artistes de Berzon Mackie, Osnat Ben Dov, qui était supposée exposer ses oeuvres à la galerie Beeri l’automne dernier a les honneurs de l’exposition, avec sa vidéo d’une fleur d’artichaut, rappel de ce qui pousse dans le sud et de ce qui n’existe plus là-bas.
On y trouve également la photo d’ouvriers étrangers en train de travailler dans une plantation de pommes de terre, l’une des principales cultures de la région, sorte de pressentiment de la mort ou de l’enlèvement des nombreux travailleurs et étudiants agricoles thaïlandais, tanzaniens ou népalais eux aussi victimes des terroristes.
Des images donnent également à voir des soldats israéliens en rééducation suite aux graves blessures subies le 7 octobre, ou encore les champs ayant accueilli la rave du désert Supernova, jonchés des affaires abandonnées dans la panique par les festivaliers.

Cette exposition rappelle que le sud a souvent été abandonnée à sa proximité avec la bande de Gaza, comme le montre une photo de 1956 après un bombardement égyptien.
Arieli est en ce moment-même en train de rassembler des clichés pour constituer un album sur le nord, détaillant ce qui se passe sur le deuxième front israélien, d’où des dizaines de milliers d’Israéliens ont aussi été évacués depuis que le Hezbollah cette fois a commencé à attaquer la région le 8 octobre dernier.
« Ce qui se passe là-bas est différent », affirme Arieli. « On en est à huit mois de guerre, avec des dégâts considérables, comme un écho à tout cela, une autre histoire à raconter. »
S’agissant de « Southern Album », elle se dit attachée à ce que ces photos ne soient pas perçues comme une exposition de plus, mais comme une exposition en prise directe avec ce qui se passe, de nature à permettre au grand public de voir à quoi ressemble le sud, hier comme aujourd’hui.
« On ne sait pas ce qui va toucher les gens », admet-elle. « Mon idée est de rendre la chose possible, de rapprocher les êtres. »
« Southern Album » fermera ses portes le 31 décembre 2024, au Musée d’Art de Petah Tikva, 30 Arlozorov Street, Petah Tikva
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