« Vider Gaza des Gazaouis », leitmotiv d’un ministre et d’élus lors d’une manifestation d’extrême droite
« Il faut expulser les Arabes », a déclaré un député du Likud, la plupart des intervenants semblant se limiter à "encourager l'émigration", pas l'expulsion
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Des centaines de personnes ont participé à une manifestation ultranationaliste, jeudi soir, pour écouter un ministre et plusieurs députés plaider en faveur de l’expulsion de millions de Palestiniens de Gaza, fidèles à la proposition du président américain Donald Trump de « nettoyer » l’enclave et d’en faire une station balnéaire de luxe.
La ministre de la Protection de l’environnement, Idit Silman, membre de l’un des partis au pouvoir – le Likud – a déclaré que la seule solution pour Gaza était de « vider Gaza des Gazaouis », en ajoutant qu’Israël devait logiquement « hériter » de Jénine et Naplouse, en Cisjordanie.
Silman a expliqué « encourager l’émigration », dans le droit fil d’autres orateurs qui, lors de ce rassemblement à Jérusalem, n’ont pas doublé l’appel de Trump à ce que les Palestiniens soient forcés de quitter l’enclave sans possibilité de retour.
D’autres sont allés plus loin. Le député du Likud Nissim Vaturi a été jusqu’à dire qu’Israël devait faire partir « tous les Arabes de Gaza », et même de Cisjordanie.
Le député Itamar Ben Gvir, chef du parti d’extrême droite Otzma Yehudit et, jusqu’à récemment , ministre de la Sécurité intérieure, s’est dit favorable à « l’encouragement de l’émigration » des Palestiniens de Gaza, demandant en outre au gouvernement de mettre fin à l’aide humanitaire à la bande de Gaza, qui transite par le territoire israélien.
Cette manifestation est l’oeuvre de l’organisation pro-implantations Nachala, qui encourage fortement la construction d’implantations juives à Gaza depuis les tout premiers mois de la guerre et est très favorable à l’expulsion de la population palestinienne.
Les affiches, banderoles et tracts revendiquant l’expulsion des Palestiniens de Gaza étaient partout, lors de cette manifestation. Sur une de ces banderoles, on pouvait ainsi lire : « Seule l’expulsion apportera la paix », et sur des tracts : « Gaza est à nous pour toujours ».

Cette manifestation était baptisée « Cette fois, il faut gagner – Occuper, expulser, s’implanter ». Des autocollants portant ce slogan étaient disponibles sur les stands dans les environs de la manifestation.
« Encourager l’émigration est la solution… La seule solution pour Gaza est de vider Gaza des Gazaouis », a déclaré Silman.
« Dieu nous a envoyé Trump », a-t-elle ajouté, affirmant que la Maison Blanche nous avait dit « explicitement que le moment était venu d’hériter de cette terre ».
« Il n’y a pas d’autre solution face au terrorisme… [Nous devons] hériter de Gaza, Jénine, Naplouse : la réponse au terrorisme est la souveraineté et la prise de contrôle sur cette terre », a-t-elle ajouté.
Lors d’une prise de parole brève mais passionnée, Vaturi a déclaré qu’Israël devait « faire partir tous les Arabes de Gaza », et aussi de « Judée et Samarie », termes bibliques désignant la Cisjordanie.
« Expulser n’est pas un mot illégitime », a-t-il assuré, en utilisant un terme devenu tabou et associé aux extrémistes. « Tout d’abord, il nous faut expulser les Arabes de Gaza et commencer à faire de même en Judée et Samarie, en commençant par la zone C. » Israël exerce un contrôle civil et sécuritaire sur la zone C de Cisjordanie, qui couvre près de 60 % du territoire, implantations israéliennes comprises, mais qui abrite aussi pas moins 180 000 Palestiniens, selon l’organisation de gauche B’Tselem.
« Nous devons nous réveiller. Nous devons expulser les Arabes. Nous devons expulser tout le monde et maintenant. Les renvoyer dans des pays qui en ont besoin. N’ayons pas peur parce que Dieu est avec nous », a conclu Vaturi.

Après avoir salué la foule comme un chanteur de rock avec un tonitruant « Bonsoir Jérusalem », Ben Gvir s’est insurgé contre un gouvernement qui laisse l’aide humanitaire entrer dans Gaza.
« Ces derniers temps, le gouvernement fait parvenir des centaines de tonnes d’aide humanitaire au Hamas. Ce sont ces camions qui permettent au Hamas de gouverner », a affirmé le leader ultranationaliste.
« J’étais le seul au sein du gouvernement à m’y opposer. Ils me disaient ‘Biden, Biden, Biden’. Maintenant, Biden n’est plus là, alors pourquoi y a-t-il toujours ces camions ? », a-t-il demandé.
L’ex-ministre a par ailleurs rappelé sa position, présentée pour la première fois en janvier dernier lors d’un autre rassemblement de Nachala, et qui consiste à « encourager l’émigration volontaire » des Palestiniens de Gaza, sans toutefois en préciser les modalités ou conséquences en cas d’échec.
« Nous avions raison de nous dire favorables à l’émigration. Aujourd’hui, c’est le président du pays le plus puissant du monde qui nous dit de le faire », a-t-il dit en parlant de Trump, qui plaide effectivement en faveur de l’expulsion des Gazaouis.
La collègue ultranationaliste de Ben Gvir, la députée Limor Son Har-Melech, a doublé les appels à l’expulsion forcée des Palestiniens de Gaza. « La Terre d’Israël appartient au peuple d’Israël. Gaza, aux Juifs, la Judée et la Samarie [la Cisjordanie], appartient aussi aux Juifs. Ceci est à nous grâce à nos pères et à notre propre mérite, ce que nous faisons », a-t-elle déclaré.
« L’expulsion de nos ennemis doit être permanente. Nous ne sommes pas ici seulement pour expulser, mais pour hériter, pour établir des implantations florissantes et pleines de vie. La victoire sera là lorsque tout Gaza nous reviendra et que les Juifs y établiront de nouvelles générations de résidents courageux. »

Cette manifestation s’est tenue quelques heures après que le ministre de la Défense, Israel Katz, a annoncé dans un discours la création prochaine d’un service chargé de gérer l’émigration volontaire des Gazaouis hors de la bande de Gaza, que ce soit par le port d’Ashdod ou par l’aéroport de Ramon, près d’Eilat.
Enfin, dans un discours enflammé, la présidente de l’organisation Nachala et militante pro-implantations Daniella Weiss a appelé à la « destruction de l’ennemi de Gaza » et au rétablissement des implantations juives.
« Nous devons reprendre le combat et détruire l’ennemi, à Gaza. A Gaza, nous devons détruire et expulser de la Terre promise tous les ennemis », a-t-elle poursuivi.
« Seule l’élimination complète de l’ennemi fera revenir tous les otages », a-t-elle ajouté en parlant des otages israéliens toujours détenus par le Hamas à Gaza.
« Il ne faut rien donner à l’ennemi, pas même des miettes de nourriture – ils pourraient vivre bien tranquillement alors que nos soldats sont tués ? », a-t-elle interrogé.
« Sur la Terre d’Israël, là où les Juifs ne sont pas, il y a des scorpions et des serpents », a-t-elle conclu en évoquant le besoin pour Israël de prendre le contrôle de Gaza.