Bédouins et Juifs déplacés par la guerre rentrent dans le nord pour reconstruire et se relever
Avec l'ouverture des écoles en Galilée occidentale, le retour à Arab al-Aramshe et Adamit, s’accompagne d’un regard lucide sur les dangers, après un long d’exil
- Adeb Mazal, chef du village bédouin Arab al-Aramshe, se tient dans le centre communautaire qui a détruit par une attaque à la roquette du Hezbollah en avril 2024, le 2 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
- Vue d'Arab al-Aramshe le 2 mars 2025. (Crédit : Adeb Mazal/ Autorisation)
- Efrat Amir, une résidente du kibboutz Adamit, examine les dégâts causés par les roquettes du Hezbollah sur le centre communautaire du kibboutz, le 2 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
ARAB AL-ARAMSHE – Adeb Mazal, 36 ans, chef du village bédouin d’Arab al-Aramshe, a arrêté sa voiture dimanche matin juste à la frontière libanaise. Il se rendait au centre communautaire, cible en avril 2024 d’une attaque au missile antichar lancée par le Hezbollah, qui avait tué un soldat et blessé 17 autres soldats et civils. Mazal venait inspecter les dégâts.
Il a ouvert le coffre de sa voiture, en a sorti un paquet de nourriture pour chats et a nourri un chat errant.
« Depuis le début de la guerre, il y a plus de chats et de chiens errants », explique Mazal. « Il y a même des vaches et des ânes venus du Liban. »
Comme leurs voisins juifs du kibboutz Adamit, à 2,2 kilomètres de là, les 1 700 habitants d’Arab al-Aramshe – seule communauté non juive évacuée en Israël depuis le début du conflit – sont désormais rentrés chez eux, en Galilée occidentale.
Dimanche, les jardins d’enfants, les écoles et les bureaux ont officiellement rouvert dans 32 localités du nord d’Israël. Les habitants d’Arab al-Aramshe et d’Adamit, en Galilée occidentale, font partie des 60 000 personnes déplacées pendant la guerre. Aujourd’hui, ils reprennent le cours de leur vie, mais avec une nouvelle perception de la réalité.
Mazal raconte comment le pogrom perpétré par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, dans le sud d’Israël — où plus de 1 200 personnes ont été assassinées et 251 autres enlevées avant d’être emmenées en otages à Gaza, dans une vague de violences incluant des atrocités inouïes dont des agressions sexuelles — a révélé une menace jusque-là sous-estimée.
« Le Hamas a tué et kidnappé des Bédouins arabes dans le sud », rappelle Mazal. « Et nous n’avons aucun doute sur le sort similaire que nous réserverait le Hezbollah dans le nord, qui n’hésiterait pas à nous tuer et nous enlever. »

Le Hezbollah, groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran, a commencé à frapper le nord d’Israël dès le 8 octobre 2023, en soutien au Hamas après les massacres du 7 octobre. Plus d’un an de frappes a coûté la vie à 46 civils israéliens et 80 soldats et réservistes de Tsahal.
Le conflit s’est interrompu le 27 novembre 2024 avec un cessez-le-feu temporaire au Liban, qui tient tant bien que mal.
Mazal précise qu’il a une immense tâche devant lui pour reconstruire le village, mais qu’il n’a nulle part où commencer, les bureaux du centre communautaire ayant été totalement détruits.

« C’est mon bureau désormais », dit Mazal en montrant son téléphone, debout au milieu des ruines du centre communautaire, constatant une fois de plus les dégâts. Par les fenêtres brisées, plusieurs pigeons ont trouvé refuge à l’intérieur.
Le village s’étend sur trois collines vallonnées, où paissent vaches et chèvres. Mazal et son ami, Ali Abu Shahen, 25 ans, ont conduit la journaliste du Times of Israel sur une route étroite, marquée par les chenilles des chars, jusqu’à l’extrémité nord d’Arab al-Aramshe, pour une courte visite de ce secteur toujours classé zone militaire fermée.
Depuis le sommet de la colline, la mer Méditerranée s’étend à l’ouest. En se tournant vers l’est, on aperçoit le sommet enneigé du mont Sannine, au Liban, à 109 kilomètres de là.
Vue sur le mont Sannine enneigé, depuis Arab al-Aramshe, le 2 mars 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
Abu Shahen scrute les maisons en ruine du village bédouin de Dhiara, juste de l’autre côté de la frontière libanaise, où vivaient autrefois des proches des habitants d’Arab al-Aramshe. La frontière sinueuse forme une ligne ténue entre les deux villages.
« Avant la guerre, on venait ici toutes les semaines », raconte Abu Shahen. « On s’approchait de la frontière pour assister aux mariages et saluer les voisins de l’autre côté. Ce village ne voulait pas du Hezbollah, mais le groupe l’a pris de force et l’a détruit. »
Mazal observe le paysage pastoral.
« Ça a été très difficile pour les habitants d’Arab al-Aramshe d’être évacués pendant la guerre », dit-il. « Certains d’entre eux sont revenus avant le cessez-le-feu, malgré les instructions du commandement du Front intérieur. Les Bédouins sont attachés profondément à leur terre et à leurs bêtes ».
Jetant un coup d’œil à sa montre – et aux troupes stationnées à proximité, Mazal nous dit que « la visite est terminée », dit-il. « Il est temps de partir. »

Partout des éclats d’obus et des débris
Mais ce dimanche marquait aussi un renouveau au kibboutz Adamit.
Une enseignante se tenait sur le seuil de la porte pour accueillir les enfants au gan, ou jardin d’enfants, qui avait été fermé pendant près de deux ans.
« Heureuse de te revoir ! », dit-elle à l’un des enfants qui courait vers elle pour la saluer.
Si l’équipe pédagogique est restée la même, la moitié des enfants inscrits avant la guerre n’ont pas encore réintégré les lieux.
« Certains parents nous ont dit qu’ils reviendraient après Pessah », explique Naomi Bechor, directrice du kibboutz Adamit, qui estime que 80 % des 370 habitants de ce kibboutz boisé seront de retour d’ici la rentrée de septembre.

Pendant la guerre, les maisons du kibboutz, fondé en 1958, ont subi quelques dégâts. Les roquettes du Hezbollah ont en revanche gravement endommagé le centre communautaire ainsi que plusieurs bâtiments publics.
Il y a un mois, lorsque Bechor a appris que les jardins d’enfants rouvriraient le 2 mars, elle avoue s’être demandé « comment on allait y arriver, avec tous les éclats d’obus et les débris qui traînaient encore partout ».
Mais le personnel du kibboutz, aidé de bénévoles, s’est mobilisé pour remettre les lieux en état.
« Pendant un an et demi, j’ai rêvé de rentrer chez moi », confie Efrat Amir, évacuée avec ses cinq enfants âgés de 2 à 17 ans, tandis que son mari était resté au kibboutz pour faire partie de l’équipe d’intervention d’urgence.
Efrat Amir s’était installée à Kfar Masaryk, un kibboutz situé à 35 kilomètres, d’où elle faisait la navette jusqu’à l’hôpital de Galilée à Nahariya, où elle travaille comme infirmière.
Le centre communautaire du kibboutz Adamit, détruit par les roquettes du Hezbollah pendant la guerre. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
« Mais j’ai pleuré en quittant Kfar Masyryk, où je m’étais fait des amis et où je me sentais intégrée à la communauté », a dit Amir.
Dimanche matin, Amir venait de déposer son plus jeune enfant dans sa nouvelle école maternelle à Adamit, après avoir fait monter deux de ses enfants plus âgés dans un bus scolaire à 6h30. Ils font maintenant la navette jusqu’à Kfar Masaryk pour pouvoir terminer l’année scolaire dans leur école actuelle.
« C’est très déstabilisant », admet Amir.
Amir a accompagné cette journaliste le long d’un chemin qui traverse un paysage envahi par la végétation jusqu’au centre communautaire détruit. Près d’un belvédère, elle s’arrête, contemplant la frontière libanaise, à environ 400 mètres.

« On pensait vivre dans le jardin d’Eden », a dit Amir.
Elle raconte comment son fils aîné avait l’habitude de se promener dans les bois avec ses amis, jusqu’à la frontière libanaise.
« À l’époque, la seule chose qui m’inquiétait, c’était les serpents », dit-elle, stupéfaite par ce qu’elle appelle aujourd’hui sa naïveté.
« On croyait vivre en paix, et on réalise aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu », poursuit-elle. « Nous vivions entourés de verdure et de bonheur, alors que de l’autre côté, ils grandissaient dans la haine et la guerre. Aujourd’hui, ces deux réalités se sont heurtées de plein fouet. »
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