Depuis un Israël atterré, une présidence Trump est impensable, et Clinton semble inestimable
Alors que le candidat républicain montre qu’il est capable d’attaquer tout le monde, la nominée démocrate jusque-là problématique est de plus en plus attirante pour un petit pays, dans une sale région, dépendant de ses relations avec les Etats-Unis
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

La succession semble inévitable. Nous avons deux politiciens du même parti, longtemps collègues avec des positions politiques largement similaires, et des sondages catégoriques sur le résultat. Certes, l’élection est encore dans quelques mois, mais le candidat de l’opposition est vu comme inéligible : discrédité, inexpérimenté, et considérablement détesté.
Evidemment, je pense ici à Barack Obama, Hillary Clinton et Donald Trump. Mais certaines de ces mêmes caractéristiques s’appliquaient, il y a 20 ans, à Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Benjamin Netanyahu.
1995 – 1996 n’a vraiment pas été une période de transition politique ordonnée. Rabin n’a pas terminé son mandat de manière habituelle et préparé le terrain pour Peres. Rabin a été assassiné, et Peres est devenu Premier ministre par intérim puis a préparé la base de l’héritage de paix potentiel de son rival devenu allié assassiné. Mais comme pour la sagesse écrasante entourant actuellement les élections américaines, la confirmation de Peres semblait presque certaine alors que l’année 1995 se terminait. Tout de suite après le traumatisme de l’assassinat de Rabin, Netanyahu était vu comme le dirigeant emblématique de la hiérarchie de droite dont provenait l’assassin. Soutenir publiquement Netanyahu dans les semaines suivant le meurtre signifiait risquer d’être perçu comme un partisan tacite des forces des ténèbres.
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Quatre explosions en 10 jours en 1996 ont refaçonné l’humeur nationale d’Israël… et sa carte politique
C’est seulement qu’au cours des 10 jours entre fin février et début 1996, quatre attentats suicides du Hamas à Ashkelon, à Jérusalem (deux fois) et à Tel Aviv ont tué 67 Israéliens. Et ces attentats terroristes ont refaçonné l’humeur nationale, et la carte politique. Au lieu d’une quasi obligation de voter pour Peres en solidarité avec l’assassiné Rabin et défendre une démocratie chancelante, le narratif transformé affirmait à présent que Rabin, très pleuré, avec le plus grand respect, avait de manière trop évidente et tragique échoué à arrêter le terrorisme palestinien ; que si Rabin n’avait pas pu le faire, le pacifique Peres n’en serait certainement pas capable ; et que le jusque-là le toxique Netanyahu, qui avait fustigé Rabin pour avoir réhabilité le terroriste Yasser Arafat, avait eu raison depuis le début et était à présent le seul homme pour restaurer la sécurité brisée d’Israël.

Un océan et vingt ans plus loin, nous retrouvons Hillary Clinton de plus en plus en avance dans les sondages sur Donald Trump qui, par la force d’une agression incessante d’une série toujours plus large de secteurs démographiques, semble finalement réussir à détruire ses perspectives de victoire. Il a fallu un temps terriblement long. Mais le candidat ridicule, le populiste prétentieux qui n’aurait jamais dû survivre longtemps dans les primaires républicaines, et n’allait alors certainement pas être nominé, et ensuite certainement pas être élu, semble finalement excuser tous les experts qui ont prédit son implosion.
Et pourtant, à ce point, l’histoire d’Israël en 1996 doit être rappelée. A moins d’une machination politique extrêmement improbable qui produise un troisième candidat viable, et personne ne devrait omettre la forte improbabilité de ces jours d’effondrement politique américain, alors même que les efforts de satire les plus scandaleux sont dépassés par la réalité quotidiennement, il n’y a que deux personnes aujourd’hui qui ont une chance légitime de gagner la présidentielle. Et bien qu’une victoire de Trump semble dernièrement être devenue parfaitement improbable, le fait est que si quelque chose d’incroyablement spectaculaire arrivait à Clinton (problèmes judiciaires, de santé, d’on ne sait quoi), ou si quelque chose d’incroyablement spectaculaire arrivait à l’Amérique qui serait vu comme fortement discréditant pour l’approche politique d’Hillary Clinton (la menace terroriste, que le ciel l’empêche, en haut de la liste), Trump serait le dernier homme restant.

L’opérateur politique le plus censé, de loin, d’Israël, ce même Netanyahu, toujours avec nous 20 ans plus tard, a évidemment compris cette vérité dérangeante. Le Premier ministre accusé d’avoir mal parié la dernière fois sur une présidence Romney choisit aujourd’hui de ne pas capitaliser politiquement sur les accusations contre le département d’Etat, qui aurait financé indirectement les coffres de ceux qui ont fait campagne contre lui l’année dernière.
Le Premier ministre critiqué à Washington pour sa déclaration au jour de l’élection, se plaignant que les arabes israéliens allaient voter en masse publie aujourd’hui une vidéo encourageant les Arabes israéliens à prendre leur place légitime dans la mosaïque politique israélienne.
Il décourage une visite de Trump en Israël. Il se précipite pour désamorcer la critique incendiaire de son ministère de la Défense sur l’accord nucléaire iranien aimé d’Obama. Il se dépêche de conclure un accord d’aide militaire sur dix ans qu’il semblait auparavant vouloir laisser ouvert à la prochaine administration américaine.
L’imprédictibilité pure, intenable, flagrante de Trump
Il y a des semaines, Netanyahu a pu prudemment calculer que, s’il devait finaliser l’accord militaire, cela pourrait laisser le président Obama mieux placé, comme défenseur fraîchement confirmé de la sécurité d’Israël, pour utiliser cette zone crépusculaire de la fin d’année entre les élections présidentielles et la prise de pouvoir du nouveau président pour compromettre le gouvernement de droite de Jérusalem, en soutenant des résolutions inconfortables au Conseil de sécurité, en s’exprimant au sommet de paix de Paris, en publiant des paramètres palestiniens, ou par quelque intervention.
A présent, l’imprédictibilité pure, intenable, flagrante de Trump, et la perspective peu probable mais forte que Trump devienne président, surpassent des considérations si nuancées.
En Trump, l’Amérique a un candidat présidentiel potentiellement capable de faire n’importe quoi, et son contraire (pourquoi n’utilisons-nous pas l’arme nucléaire ?) et manifestement capable d’attaque tout un chacun, même les parents endeuillés d’un soldat mort à la guerre.

Dans cette nouvelle et franchement malsaine réalité, pour un minuscule Israël si dépendant d’une Amérique puissante parmi la masse bouillonnante d’un Moyen Orient imprédictible, un Obama évidemment borné, soutien des Palestiniens, critique des implantations, légitimateur de l’Iran apparaît maintenant comme l’âme de la sagesse tempérée. Et Hillary Clinton, précédemment attaquée dans les cercles israéliens de droite pour son association avec Obama, peu aimée, semble à présent responsable, sérieuse, adulte.
Comparée à Donald Trump, Hillary Clinton est effectivement pour Israël presque le modèle du salut présidentiel. Il ne l’aurait pas prédit, mais Netanyahu aujourd’hui se surprend probablement à espérer à nouveau que rien de spectaculaire ne lui arrive, à elle ou à l’Amérique, rien qui ne puisse refaçonner la pensée d’une élection présidentielle où Trump est enfin fini.
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