Victoire du Labour : une candidate juive élue ; George Galloway perd son siège
Le changement radical du parti, loin des politiques de l'ère Corbyn, s'est manifesté dans la circonscription qui compte l'une des plus grandes communautés juives du Royaume-Uni, où Sarah Sackman, a remporté 44,3 % des voix
Keir Starmer est devenu le nouveau Premier ministre britannique vendredi, après que le Parti travailliste a remporté les 326 sièges nécessaires pour obtenir la majorité parlementaire, marquant ainsi une défaite historique pour le parti conservateur de Rishi Sunak.
« Nous avons réussi ! Le changement commence maintenant », a déclaré Starmer dans son discours de victoire prononcé tôt dans la matinée. Il a préalablement remercié les électeurs d’avoir placé leur confiance en son « parti travailliste renouvelé », qu’il a repris en 2020.
Depuis, il s’est efforcé d’éradiquer l’antisémitisme au sein du parti et a suspendu son ancien leader d’extrême gauche, Jeremy Corbyn. Starmer a souligné dans son discours que la bataille pour la confiance serait le défi central de notre époque et qu’il serait jugé sur sa capacité à démontrer que la politique peut être une force positive dans le monde.
Le roi Charles III, chef de l’État britannique, a officiellement nommé Keir Starmer Premier ministre lors d’une audience au Palais de Buckingham. Une photo publiée par le Palais montre le monarque serrant la main de Starmer. Le Roi avait préalablement accepté la démission du leader conservateur Rishi Sunak.
Le parti travailliste de centre-gauche est en passe de remporter 410 des 650 sièges du Parlement, ce qui représente un étonnant retournement de situation par rapport à la situation d’il y a cinq ans, lorsque le parti avait enregistré ses pires résultats depuis 1935 sous Corbyn.
Le résultat donnerait au Parti travailliste une majorité de 170 sièges et mettrait fin à 14 années de gouvernement conservateur de plus en plus tumultueux.
Le Premier ministre Rishi Sunak a concédé sa défaite vendredi matin, après l’annonce des résultats confirmant qu’il avait réussi à conserver son siège parlementaire dans le nord de l’Angleterre.
« Le parti travailliste a remporté ce scrutin général et j’ai appelé Sir Keir Starmer pour le féliciter de sa victoire », a annoncé Sunak après avoir remporté son siège parlementaire dans le nord de l’Angleterre.
« La passation de pouvoir se fera aujourd’hui de manière paisible et ordonnée, en faisant preuve de bonne volonté de la part de toutes les parties. Cela devrait nous inspirer confiance dans la stabilité et l’avenir de notre pays », a-t-il ajouté.
Après avoir remporté son siège à Londres, Starmer a déclaré jeudi que les résultats partiels démontraient que « ce soir, les gens d’ici et de tout le pays se sont exprimés et sont prêts pour le changement, pour mettre fin à la politique de spectacle, pour un retour à la politique en tant que service public ».
Comme le veut la coutume au Royaume-Uni, où les Premiers ministres et les candidats au poste de Premier ministre se retrouvent souvent face à des candidats comiques, Starmer a partagé la scène avec Nick the Incredible Flying Brick du Monster Raving Looney Party, qui a obtenu 162 voix, et Bobby « Elmo » Smith, déguisé en personnage populaire du dessin animé Sesame Street, et qui a obtenu 19 voix.
« Le changement commence ici », a ajouté Starmer. « Parce qu’il s’agit de votre démocratie, de votre communauté et de votre avenir. Vous avez voté. Maintenant, il est temps pour nous d’agir ».
Quelques heures plus tard, alors que les résutlats des votes continuaient d’affluer, indiquant une victoire écrasante des travaillistes, Starmer s’est engagé à entamer une période de « renouveau national » au Royaume-Uni.
Lors d’un discours de victoire triomphale à Londres, il a annoncé : « Aujourd’hui, nous ouvrons le prochain chapitre – nous entamons le travail de changement, la mission de renouveau national et nous commençons à reconstruire notre pays. »
S’adressant à ses partisans, il a ajouté : « Notre tâche est de renouveler les idées qui unissent ce pays : le renouveau national. La lutte pour la confiance est la bataille qui définit notre époque. C’est pourquoi nous avons mené cette campagne avec tant de détermination pour démontrer que nous sommes capables de servir le public. »
À son arrivée au pouvoir, Starmer se trouvera confronté à un lourd passif, à une économie morose, à des services publics défaillants et à une baisse du niveau de vie, autant de facteurs qui ont contribué à la chute des Conservateurs.
Le prédécesseur de Starmer, Corbyn, a conservé son siège dans la circonscription d’Islington North après s’être présenté en tant que candidat indépendant, obtenant 24 120 voix. Le candidat travailliste de la circonscription, largement considéré comme le meilleur concurrent de Corbyn, est resté loin derrière avec 16 873 voix.
Le législateur d’extrême gauche a été suspendu du Parti travailliste en 2020 en raison des remarques qu’il a faites à la suite d’une enquête sur l’antisémitisme au sein du parti sous sa direction.
George Galloway, membre du Parti travailliste en exil, a eu moins de succès que le député d’Islington North et a perdu son siège dans la circonscription de Rochdale, dans le nord du pays, quelques mois seulement après avoir remporté une élection partielle.
Le chef du parti marginal Workers Party of Great Britain a mené une campagne largement axée sur la guerre entre Israël et le Hamas, dans le but d’attirer les votes anti-Israël et pro-palestiniens dans sa circonscription, dont la population est à 30 % musulmane.
Contrairement à la tradition, Galloway a refusé de monter sur scène avec les autres candidats de Rochdale lors de l’annonce des résultats de la circonscription.
Le changement radical du Parti travailliste, s’éloignant des politiques de l’ère Corbyn, s’est manifesté clairement dans la circonscription de Finchley et Golders Green, qui compte l’une des plus grandes communautés juives du Royaume-Uni. C’est là que la candidate juive du Parti travailliste, Sarah Sackman, a remporté un siège parlementaire avec 44,3 % des voix.
La victoire de Sackman contraste vivement avec les résultats du Parti travailliste aux élections de 2019, où il n’avait obtenu que 24,2 % des voix à Finchley et Golders Green. Sa victoire a ramené cette circonscription sous le contrôle des travaillistes pour la première fois depuis 2010.
Le député conservateur Mike Freer, en poste depuis 14 ans dans cette circonscription, a annoncé plus tôt cette année qu’il ne se présenterait pas aux élections, citant les menaces et les attaques incessantes auxquelles il a fait face, y compris un incendie criminel dans son bureau en décembre dernier.
Selon les prévisions, le Parti conservateur de Sunak ne devrait obtenir que 131 sièges, marquant ainsi sa pire performance électorale de son histoire. Les électeurs l’ont puni pour une crise du coût de la vie et les années d’instabilité et de luttes intestines qui ont vu cinq Premiers ministres différents depuis le vote sur le Brexit en 2016.
Le ministre de la Défense Grant Shapps est devenu le premier haut responsable conservateur à perdre son siège parlementaire vendredi, obtenant 16 078 voix contre 19 877 pour le candidat travailliste Andrew Lewin.
Les Libéraux-démocrates centristes devraient remporter 61 sièges, tandis que le parti populiste de droite Reform UK, dirigé par le militant du Brexit Nigel Farage, devrait en gagner 13, soit beaucoup plus que prévu.
Le parti de Farage a remporté ses premiers sièges parlementaires aux premières heures de la matinée de vendredi, tandis que Farage a lui-même remporté son premier mandat après sept tentatives infructueuses.
Au terme d’une campagne qui a déçu de nombreux électeurs conservateurs, Farage a promis dans son discours après la victoire que son parti ciblerait désormais les électeurs travaillistes, laissant entendre que le parti de Starmer rencontrerait bientôt des difficultés. Il a affirmé que sous la direction de Starmer, le parti travailliste ne suscitait « plus aucun enthousiasme ».
Les résultats de plus de 120 sièges ont confirmé que les travaillistes et les Libéraux-démocrates gagnaient du terrain sur les conservateurs. Par ailleurs, les réformistes ont remporté leurs premières victoires et ont repoussé les conservateurs à la troisième place dans de nombreuses régions.
» Le parti Reform a clairement impressionné ce soir, et je sais que certains de mes collègues voudront probablement s’orienter davantage vers la droite », a déclaré à Reuters un législateur conservateur, qui a préféré rester anonyme. « Mais les travaillistes ont remporté ces élections au centre, et nous devons retenir cette leçon. »
Dans l’ensemble, le sondage à la sortie des urnes suggère que les électeurs britanniques se sont tournés vers un parti de centre-gauche tourné vers l’international, contrairement à la France où le parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, a réalisé des gains historiques lors des élections de dimanche dernier.
Les Conservateurs ne sont pas les seuls à avoir vu leurs votes chuter. Le Parti national écossais indépendantiste ne devrait remporter que 10 sièges, son pire résultat depuis 2010, après une période de troubles qui a vu deux dirigeants démissionner en un peu plus d’un an.
« Il s’agit d’une défaite historique pour le Parti conservateur », a déclaré à Reuters Keiran Pedley, directeur de recherche chez Ipsos, qui a réalisé le sondage de sortie des urnes.
« On pensait que les conservateurs resteraient au pouvoir pendant 10 ans, mais tout s’est effondré. »
Sunak, l’homme de la situation
Sunak a surpris Westminster ainsi que de nombreux membres de son propre parti en convoquant les élections plus tôt que prévu, en mai, alors que les Conservateurs étaient distancés d’environ 20 points par les Travaillistes dans les sondages d’opinion. Il espérait que l’écart se réduirait, comme c’est traditionnellement le cas lors des élections britanniques, mais sa campagne a été assez désastreuse.
Les ennuis ont commencé dès le début : il a annoncé le vote sous une pluie torrentielle à l’extérieur de Downing Street, puis des aides et des candidats conservateurs ont été impliqués dans un scandale de jeux d’argent. De plus, le départ précipité de Sunak pour assister aux événements commémoratifs du D-Day en France a encore attisé les critiques.
C’est un retournement incroyable de situation pour Starmer et le Parti travailliste, qui, selon ses détracteurs et ses partisans, faisait face à une crise existentielle il y a à peine trois ans, après sa défaite en 2019.
Une série de scandales, dont des révélations sur les fêtes organisées à Downing Street lors des confinements durant la pandémie du COVID, a miné Boris Johnson, alors Premier ministre, et son avance considérable dans les sondages s’est évaporée.
Le mandat désastreux de Liz Truss, qui a duré six semaines après la destitution de Boris Johnson à la fin de l’année 2022, a cimenté le déclin, et Sunak n’a pas été en mesure de réduire l’avance du parti travailliste dans les sondages.
« Nous méritions de perdre. Le Parti conservateur semble tout simplement épuisé et à court d’idées », a déclaré à Reuters Ed Costello, président de Grassroots Conservatives, qui représente les membres de la base.
« Mais ce n’est pas entièrement la faute de Rishi Sunak. C’est Boris Johnson et Liz Truss qui ont mené le parti au désastre. Rishi Sunak n’est qu’un bouc émissaire. »
Le résultat prévu par le parti travailliste n’atteindrait pas tout à fait les niveaux records atteints par le parti sous Tony Blair en 1997 et 2001, lorsque le parti a remporté 418 et 412 sièges respectivement.
« La montagne électorale que les Travaillistes ont dû escalader est plus grande que celle que Tony Blair a dû escalader et il (Starmer) l’a escaladée de loin », a déclaré Peter Sloman, professeur de politique à l’université de Cambridge, à Reuters.
Le pire résultat électoral des Tories remonte à 1906 avec seulement 156 sièges. William Hague, ancien leader du parti, a qualifié les projections actuelles de « catastrophiques sur le plan historique » lors d’une interview sur Times Radio.
Les journaux britanniques ont mis l’accent sur le retour imminent des Travaillistes au pouvoir, une première depuis Gordon Brown.
Le Daily Mirror, qui soutient les Travaillistes, titrait « Keir We Go ». Quant à The Sun, le tabloïd influent de Rupert Murdoch, il annonçait « La Grande-Bretagne voit rouge », marquant son soutien aux Travaillistes pour la première fois depuis 2005.