La préfecture de police reconnaît les « très vives inquiétudes », mais la manifestation aura bien lieu
"Si des propos ou écrits racistes ou antisémites étaient constatés", des interpellations seraient effectuées, a écrit la PP dans un communiqué vendredi soir
La manifestation prévue samedi à Paris aura bien lieu : la préfecture de police a annoncé vendredi qu’elle ne l’interdisait pas, malgré les inquiétudes exprimées notamment par la maire Anne Hidalgo, le Crif et d’autres politiques, redoutant un rassemblement « antisémite ».
Les organisations CAPJPO-EuroPalestine et Droits Devant ont déposé une déclaration de manifestation auprès de la préfecture de police de Paris (PP) pour « célébrer la résistance palestinienne à l’occupation et à la colonisation de l’occupant israélien » et « exiger des sanctions », à 14H00 sur la place du Châtelet.
Dans un communiqué publié vendredi soir, la PP a fait savoir, après un « examen particulièrement attentif » des demandes d’interdiction, qu’elle n’interdisait pas ce rassemblement, tout en reconnaissant les « très vives inquiétudes notamment au sein de la communauté juive ».
« La déclaration (de manifestation) qui a été transmise à la préfecture de police ne comporte pas d’éléments d’appels publics et directs au racisme et à l’antisémitisme », a-t-elle expliqué.
De plus, « une menace grave de trouble à l’ordre public ne peut être caractérisée à l’heure actuelle », a-t-elle estimé.
La préfecture a annoncé « un dispositif renforcé de maintien de l’ordre ».
Les policiers ont reçu pour consigne de rapporter à la justice les éventuels discours ou écrits qui appelleraient « au boycott de l’Etat d’Israël », interdit par la loi française. « Si des propos ou écrits racistes ou antisémites étaient constatés », des interpellations seraient effectuées, a-t-elle ajouté.
‘Séparation du CRIF et de l’Etat’ : La maire de Paris appelle à l’interdiction de la manifestation
Plus tôt, la maire de Paris Anne Hidalgo avait indiqué avoir écrit vendredi au préfet pour « attirer (sa) vigilance » sur ce rassemblement.
« J’ai saisi @prefpolice sur un rassemblement prévu samedi à Paris, dont le mot d’ordre est ‘Séparation du CRIF et de l’Etat’. Cet appel reprend les pires clichés antisémites qui existent et il est susceptible de provoquer de graves troubles à l’ordre public. Je le redis : les offenses antisémites n’ont pas leur place à Paris et elles doivent être combattues avec la plus grande fermeté, » a déclaré la maire de Paris dans une série de tweets vendredi après-midi.
« Quelles que soient les positions de chacun sur le conflit israélo-palestinien, cet appel peut être considéré comme une offense antisémite publique aux juifs parisiens », a écrit la maire PS, évoquant également des risques de « graves troubles à l’ordre public ».
Avant elle, le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) avait aussi exprimé ses craintes.
« Un collectif appelle samedi à Paris à une manifestation pro-palestinienne, pour la ‘séparation du Crif et de l’Etat’, pour le ‘boycott d’Israël’, en un mot, une manifestation potentiellement ‘antisémite' », a indiqué le directeur du Crif, Robert Ejnes, sur sa page Facebook.
« Mais, à chaque fois le scénario est connu : la manifestation est déclarée en soutien au peuple palestinien puis rapidement des militants appellent au boycott d’Israël, à l’apartheid et, depuis peu, à la ‘séparation du Crif et de l’Etat’. Pourtant, tous savent que, lorsqu’on dit Crif, ce n’est pas l’institution que l’on vise, mais bien ce qu’elle représente, les Juifs », ajoutait-il.
CAPJPO-EuroPalestine avait commenté de manière cynique la demande d’interdiction du Crif : « Il n’a pas hésité à demander à l’ensemble des officines israéliennes, dont les nervis fascistes de la LDJ, de se mobiliser le samedi 1er avril (Bye bye « Shabbat », il faut savoir faire des sacrifices…) »
« On a traité avec la préfecture, je ne vois pas ce que vient faire la maire de Paris là-dedans. Ces accusations, ce sont de la calomnie. Cela met en place une équation qui affirme que critiquer le gouvernement israélien et sa politique, c’est s’en prendre aux juifs et être antisémite. Affirmer cela, c’est le plus court moyen de développer l’antisémitisme, » a déclaré Nicolas Shahshahani, vice-président de CAPJPO-EuroPalestine au Parisien.
« Nous refusons que le droit de manifestation serve de prétexte à l’expression de l’antisémitisme dans notre ville, » a déclaré le maire du 10e arrondissement parisien, Rémi Féraud.
Nous refusons que le droit de manifestation serve de prétexte à l'expression de l'antisémitisme dans notre ville #Paris @Anne_Hidalgo https://t.co/7PAZKCDiWc
— Rémi Féraud (@RemiFeraud) March 31, 2017
Mardi, l’élue de Paris et députée LR Nathalie Kosciusko-Morizet avait demandé sur Twitter l’interdiction de la manifestation, en Le Conseil de Paris condamne le boycott d’Israël »>rappelant un vœu en ce sens voté en Conseil de Paris à l’initiative de son groupe.
.@prefpolice Il faut faire respecter notre vœu voté en #ConseildeParis. Non @Le_CRIF et l'Etat ne sont pas rattachés https://t.co/GdqCAmKENP pic.twitter.com/d5lMbUzDLY
— N. Kosciusko-Morizet (@nk_m) March 28, 2017
Mme Kosciusko-Morizet avait en février dernier alerté le préfet de la « multiplication inacceptable des actions de promotion du ‘boycott’ de l’État d’Israël, notamment celles menées par le mouvement BDS ».
Le Conseil de Paris [l’assemblée délibérante de la ville de Paris, dispose à la fois des attributions d’un conseil municipal en tant que commune et celles d’un Conseil départemental] a adopté en février 2016 une initiative portée par la droite qui condamne le boycott envers Israël et les appels à participer à ce boycott lors de manifestations sur l’espace public, renforçant la loi française qui considère que le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël et les Israéliens, est illégal.
Le Conseil de Paris condamne le boycott d’Israël »>Le Conseil de Paris condamne le boycott d’Israël
Ce mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, associé à l’appel de la manifestation de samedi, milite en faveur d’un boycott économique, culturel mais aussi scientifique d’Israël.
« Il faut interdire cette manifestation car l’antisémitisme aujourd’hui en France se nourrit d’abord de la haine d’Israël. Cette haine se drape dans l’habit politiquement correct du soutien à la cause palestinienne et de la campagne d’appel au boycott dite ‘BDS’, » a écrit pour sa part Meyer Habib, député de la 8ème circonscription des Français de l’étranger au ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl.
Voici les groupes et associations qui seront présentes et qui ont appelé au rassemblement anti-israélien :
CAPJPO-EuroPalestine, Droits Devant, Le PIR (Indigènes de la République), Association Femmes Plurielles, Le Collectif Ni Guerre Ni Etat de Guerre, Le Collectif 69 de soutien au peuple palestinien, Collectif Urgence Palestine Cergy-Pontoise, Le Comité Poitevin Palestine, Le Cri Rouge, Comité d’action et de soutien aux luttes du peuple Marocain, Enfants de Palestine, Avec Naplouse, Nanterre Palestine, Comité Anti Impérialiste, Le Collectif BDS 57, Le comité BDS France 34, Les Amis d’Al-Rowwad, Comité Montreuil Palestine, Collectif Palestine Nord Essonne, Front Uni de l’Immigration et des Quartiers Populaires, La France insoumise groupe de Douai 59, CLGIA (Collectif pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah), ISM-France (International Solidarity Movement France), Plateforme Charleroi-Palestine, Les Désobéissants, ATL Jénine, Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO), La Feuille de Chou (Strasbourg), Comité Palestine-Israël Pays de Châteaubriant, Union Française des ConsommateurS Musulmans (UFCM), Association Bezons – West Bani Zaid de solidarité avec la Palestine, Artisans du Monde, Palestine Libre Haute Marne, Comité Verviers Palestine, Comité BDS Lille Metropole, Association Cultures Solidaires (34), Comité Libérons Georges 33 Bordeaux, Association-Belgo-Palestinienne, Régionale de Liège, FUIQP 42, Solidarité Choisy Palestine.
Le rassemblement appelé pour samedi 14h00 a été déplacé de la place Edmond-Michelet à celle du Châtelet. « Ceci est lié au fait que la police estime pouvoir sécuriser plus facilement la place du Châtelet contre toute attaque éventuelle de la part des supporters de la colonisation israélienne, » lit-on sur le site CAPJPO-EuroPalestine, cité par Le Parisien.
Dans le sillage de la rumeur ayant enflammé les réseaux sociaux à propos du cimetière de Pantin, une autre information tronquée a circulé à très grande vitesse sur les même réseaux : le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) aurait demandé à la synagogue de la rue des Rosiers de fermer ses portes pour l’office de Shabbat samedi 1er avril à cause du danger représenté par la manifestation du BDS.
Le SPCJ a publié un communiqué afin de rétablir les faits, s’irritant à son tour des rumeurs enflammant les réseaux sociaux juifs comme un feu de paille. « Notre engagement ne se fait pas à coups de déclarations approximatives sur les réseaux sociaux ou de polémiques infondées, il se démontre à tous les instants sur le terrain ».