L’accord sur les otages oblige les survivants de Nahal Oz à négocier avec le Hamas
Regarder la libération de trois membres du kibboutz a été bouleversant pour leurs anciens voisins qui, pour certains, envisagent déjà leur retour
Quelques minutes avant la libération, par les terroristes du Hamas, de quatorze otages israéliens, dimanche, Amir Tibon, journaliste de Haaretz, est en train de parler géopolitique en toute confiance avec ses collègues au kibbutz Mishmar HaEmek lorsque il s’interrompt. Quelque chose l’a sorti de sa zone de confort.
Se prenant la tête entre les deux mains et poussant un profond soupir, Tibon dit : « Cela fait 51 jours que j’attends de voir ça ».
Ce spectacle, c’est celui des membres du kibboutz où Tibon réside, Nahal Oz, qui sont enfin remis en liberté après presque deux mois de captivité entre les mains du Hamas. Tibon, qui a survécu au massacre du 7 octobre alors qu’il s’y trouvait, chez lui, est clairement saisi d’une émotion à laquelle il n’est guère accoutumé.
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Un changement soudain d’humeur qui souligne l’ambivalence ressentie par de nombreux Israéliens face à l’accord conclu avec le Hamas, cet ennemi honni que la plus grande partie des citoyens voudraient voir détruit.
Toutefois, les 200 otages environ qui se trouvent entre les mains du groupe terroriste ont obligé un grand nombre à accepter difficilement et à contrecœur des compromis compliqués.
La famille de Tibon a survécu grâce aux réactions rapides de son père, Noam, général à la retraite, qui est parvenu à faire sortir Tibon, sa famille et d’autres de Nahal Oz alors que le kibboutz était brusquement coupé du monde et attaqué avec férocité.
Dans ce malheur, Amir Tibon pense particulièrement à Dafna Elyakim, une adolescente de 15 ans appartenant à la communauté qui a été enlevée avec sa petite sœur, Ela, confie-t-il à ses collègues réunis à Mishmar Haemek, qui accueille des évacués du sud du pays.
« Je m’inquiète pour eux en permanence, pour les trois membres du kibboutz qui sont en train de revenir et pour les quatre qui sont encore retenus en otage », ajoute-t-il. « Mais je vous le dis franchement : c’est à Dafna que je pense le plus. Elle était le rayon de soleil du kibboutz ».
Après avoir examiné avec attention et avec bonheur les photos des otages libérés rapatriés en Israël, Tibon répète à plusieurs reprises et avec soulagement : « Ils n’ont pas l’air d’avoir changé ». Son front se plisse toutefois d’inquiétude en voyant la troisième otage, Elma Avraham, 84 ans, gisant dans une ambulance pendant son transfert.
« Elle est dans un état totalement différent », s’exclame Tibon, qui est âgé de 34 ans. L’octogénaire a été hospitalisée immédiatement à son retour alors qu’elle était entre la vie et la mort.
Ces libérations entrent dans le cadre de la troisième phase d’un échange convenu entre Israël et le Hamas – la remise en liberté de 50 otages contre celle de 150 prisonniers palestiniens, incarcérés au sein de l’État juif pour atteinte à la sécurité nationale.
Elles sont assorties d’une pause dans les combats, à Gaza, qui devrait expirer mardi mais qui pourrait bien être prolongée. Israël a fait part de sa volonté de prolonger la trêve de vingt-quatre heures par groupe supplémentaire de dix otages rapatriés.
Parmi les captifs qui ont été relâchés dimanche, il y a Avigail Idan, 4 ans, une petite israélo-américaine originaire du kibboutz Kfar Aza dont les parents ont été assassinés sous ses yeux.
Des centaines de résidents évacués de Kfar Aza – d’où dix otages libérés dimanche sont originaires – se sont rassemblés, dimanche soir, dans une salle des fêtes de Shefayim, dans le centre d’Israël, pour regarder avec bonheur les libérations. Ils laissent échapper des cris de joie en apercevant enfin, pour la première fois depuis le 7 octobre, leurs voisins sur des vidéos en provenance de Gaza.
Deux choses que nous voulons voir
De retour au lieu de résidence temporaire des membres de la communauté de Nahal Oz, l’atmosphère est remplie d’une satisfaction tranquille suite aux libérations – mais le ressentiment entraîné par l’obligation d’avoir dû négocier avec le Hamas est également présent.
« Nous voulons deux choses. Nous voulons voir le Hamas détruit et nous voulons la libération des otages. Et aujourd’hui, le plus important, c’est la libération des otages. C’est le compromis », s’exclame Nadav Peretz, 43 ans.
Il a survécu au massacre parce qu’il y a deux pièces blindées dans son habitation et que les terroristes ont fouillé la première mais qu’ils ont négligé l’autre – où Peretz et sa conjointe s’étaient réfugiés.
Rotem Katz, professeur de mathématiques de 32 ans qui est aussi le responsable des services d’urgence de Nahal Oz, se refuse à seulement évoquer l’accord avec le Hamas ou la question de son éventuelle prolongation.
« Non, je ne me pose même pas la question. Je sais que c’est un dilemme mais ce n’en est pas un pour moi », dit-il au Times of Israel entre deux appels téléphoniques.
A Mishmar Haemek, Katz se coordonne avec les troupes qui sont sur le terrain, leur donnant des instructions sur les manières d’utiliser les structures variées du kibboutz – mais il s’enquiert aussi de l’état des maisons occupées par les soldats ou des bâtiments dans lesquels ils stationnent. Il demande à un lieutenant de lui envoyer une photo d’une maison d’un résident où une unité avait établi son campement.
Il ne s’inquiète pas d’éventuelles dégradations des soldats dans la communauté, explique-t-il. « Mais je suis pointilleux et c’est ma manière à moi d’être là-bas pour garantir que tout va bien, même si je suis loin ».
La semaine dernière, le sergent d’une compagnie déployée dans le kibboutz, Dan Cohen, a laissé une lettre sur la porte de la maison d’Amir Tibon à Nahal Oz.
« La pensée que des étrangers se trouvent dans votre maison peut ne pas être facile, même s’il s’agit de soldats de l’armée israélienne. Nous avons fait de notre mieux pour nous occuper des lieux ; nous avons fait le ménage et nous avons arrosé les plantes », a écrit Cohen avant de remercier la famille et de lui souhaiter un retour rapide dans son foyer.
Nahal Oz est la localité israélienne la plus proche de Gaza City – l’extrémité orientale de la ville n’est située qu’à environ 1,6 kilomètres du kibboutz. Les troupes l’ont investi alors que Tsahal mène actuellement une campagne militaire massive qui a pour objectif de renverser le Hamas au pouvoir à Gaza au lendemain du 7 octobre – où les hommes armés du groupe terroristes, après avoir franchi la frontière avec l’État juif, avaient tué 1 200 Israéliens et pris 240 personnes environ en otages.
Approximativement 14 000 Palestiniens sont morts en résultat de l’incursion israélienne dans la bande, selon les autorités du Hamas – un bilan qu’il est impossible de vérifier.
Les retards survenus dans les libérations des captifs israéliens, samedi, ont été tout particulièrement difficiles à supporter par un grand nombre d’Israéliens, mal à l’aise face à l’accord et face à la trêve.
Yaki Sagi, âgé de 52 ans et membre du kibboutz Beeri – plus de 80 personnes ont été assassinées là-bas par les terroristes, le 7 octobre – estime que pour lui, c’est la question des otages « qui est la plus douloureuse ».
« On veut qu’ils reviennent et c’est ainsi qu’on devient un pion entre les mains du Hamas », dit-il au Times of Israel, samedi.
Il ajoute que l’accord « est terriblement angoissant, scandaleux, on se sent vulnérable ».
« Mais on continue à penser à ces gosses », s’exclame-t-il.
Yael Raz-Lahiani, une mère de trois enfants qui réside à Nahal Oz et qui a également survécu grâce à la seconde pièce blindée de son habitation, remarque que si Israël sa jusqu’à présent concentré ses efforts sur le rapatriement des femmes et des enfants, « il faut qu’ils reviennent tous. Les papas aussi ».
Deux hommes de Nahal Oz, Omri Miran et Tzahi Idan, se trouveraient entre les mains du Hamas.
« Les gens veulent revenir à Nahal Oz »
En plus de la libération des otages, Peretz se concentre sur un autre objectif à long-terme : la croissance de la population de Nahal Oz. Une perspective qui peut paraître improbable, reconnaît-t-il – mais elle est finalement réalisable, voire par si loin que ça, insiste-t-il.
« Nous étions en plein croissance démographique quand l’attaque est survenue », dit Peretz, qui était devenu le responsable des urgences avant l’attaque et l’administrateur de la croissance du kibboutz, qui compte environ 400 habitants.
Comme d’innombrables Israéliens qui craignent que la guerre ne dépeuple la zone frontalière avec Gaza, Peretz s’attendait à ce que la croissance s’arrête ou qu’elle devienne négative à Nahal Oz où les hommes armés ont tué 14 personnes et enlevé sept personnes.
« Mais c’est le contraire qui est en train de se produire », s’exclame Peretz, professionnel de l’évaluation des risques. « Nous avons un grand nombre de demandes de personnes qui veulent s’installer à Nahal Oz quand nous y retournerons ».
Il rejette la possibilité que cet intérêt puisse s’évanouir ou manque de sérieux.
« C’est suffisamment sérieux pour que j’avance un chiffre », dit Peretz. « Dans les cinq prochaines années, Nahal Oz doublera sa population ».
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