Israël en guerre - Jour 349

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Les soutiens d’Israël se font plus critiques, dit l’ambassade d’Israël en France

Le porte-parole de l’ambassade, Simon Seroussi, a écrit que d’éminents journalistes dénoncaient la réforme judiciaire et la violence des résidents d'implantations

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des manifestants brandissent des drapeaux et des pancartes israéliens et français sur lesquels on peut lire 'Français  unis contre le terrorisme' lors d’un rassemblement devant l’ambassade d’Israël à Paris, France, le 31 juillet 2014. (Crédit : AP Photo/François Mori )
Des manifestants brandissent des drapeaux et des pancartes israéliens et français sur lesquels on peut lire 'Français unis contre le terrorisme' lors d’un rassemblement devant l’ambassade d’Israël à Paris, France, le 31 juillet 2014. (Crédit : AP Photo/François Mori )

L’ambassade d’Israël à Paris a fait savoir au ministère des Affaires étrangères israélien que des personnalités françaises traditionnellement pro-israéliennes dénonçaient désormais publiquement l’État juif au sujet de la refonte judiciaire et des violences perpétrées par des résidents d’implantations en Cisjordanie.

Dans une communication diplomatique qui a fuité dans la presse et qui a été reprise mardi par le site d’information en hébreu Ynet, le porte-parole de l’ambassade, Simon Seroussi, écrit que « ces dernières semaines, nous avons identifié une tendance inquiétante, faite de journalistes, auteurs, universitaires et commentateurs français connus pour leurs positions pro-israéliennes, qui parlent désormais de manière critique, voire très critique, d’Israël ».

À l’appui de ses propos, Seroussi donne un certain nombre d’exemples particulièrement alarmants.

En janvier, Alain Frachon, ancien correspondant à Jérusalem et rédacteur en chef du Monde, principal journal français de centre-gauche, a comparé le Premier ministre Benjamin Netanyahu au Hongrois Viktor Orban et même à l’ex-président américain, Donald Trump, en raison de leur aversion pour les juges indépendants.

« Tous aspirent à une forme de démocratie illibérale, ils remettent en question la notion même d’État de droit », a écrit Frachon.

Dans un article des Echos de février intitulé « Vers un suicide du sionisme ? », l’écrivain et homme politique juif français Jacques Attali a écrit qu’une « nouvelle majorité parlementaire menaçait d’anéantir le meilleur de ce pays et de le condamner à mort, politiquement et moralement ».

Luc Debarochez, rédacteur étranger du magazine Le Point et voix pro-israélienne, a dénoncé la violence des résidents d’implantations dans un article publié la semaine passée.

L’universitaire français David Khalfa s’est également prononcé contre la violence des résidents d’implantations lors d’interviews données à La Croix et au Figaro.

« A Huwara, en Cisjordanie, une ligne a clairement été franchie », a-t-il dit.

Seroussi qualifie cette tendance de menace à long terme pour l’image d’Israël en France.

On ignore qui, au sein du ministère des Affaires étrangères, a divulgué cette note, mais le fait qu’elle ait été envoyée sous forme de câble officiel, et non de courrier électronique, implique qu’elle a été envoyée à des dizaines, voire des centaines de personnes sur un réseau un peu désuet.

Simon Seroussi, porte-parole de l’ambassade d’Israël en France (à gauche), Magatte Seye, ambassadeur du Sénégal en France, Ben Bourgel, ambassadeur d’Israël au Sénégal, et Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice de l’AJC Paris, prennent la parole lors du sommet Israël Back to Africa à Paris, le 31 mai 2022. (Crédit : AMF)

D’autres voix au sein du ministère des Affaires étrangères se disent moins préoccupées, affirmant au Times of Israel que les auteurs identifiés par Seroussi sont de centre-gauche et ont constamment critiqué les gouvernements dirigés par Netanyahu dans le passé.

Pas de contact

Bezalel Smotrich, ministre des Finances du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est a ttendu à Paris le 19 mars prochain pour une visite privée, pour une soirée en hommage à Jacques Kupfer, militant sioniste radical décédé des suites d’un cancer en 2021, qui fut président du Likud (le parti de Netanyahu) en France.

Cet événement est relayé par des groupuscules radicaux tel que la Ligue de défense juive.

Interrogée sur cette visite privée, la ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, a répondu qu’il n’y aurait pas de contacts avec le ministre.

De son côté, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a déclaré que le ministre israélien d’extrême-droite « n’est pas le bienvenu » en France, dénonçant un « arabophobe, homophobe, ultra colonialiste ».

Smotrich, qui est également en charge des affaires civiles en Cisjordanie, est un ardent défenseur du « grand Israël » et vit lui-même dans une implantation, souligne la LDH dans son communiqué, avant de rappeler les saillies « racistes et homophobes » du ministre.

Fin février, Smotrich a notamment appelé à « anéantir » le village palestinien de Huwara, en Cisjordanie, suite à la mort de deux jeunes Israéliens. Leur mort avait entraîné des représailles violentes de la part d’Israéliens extrémistes qui avaient attaqué le village et incendié des bâtiments.

Les propos de Smotrich ont suscité des réactions indignées à Washington, Paris et à l’ONU, poussant le ministre à concéder qu’il avait « mal choisi » ses mots.

« Smotrich est fondamentalement opposé à l’idée d’un Etat palestinien et il veut soumettre le système juridique et judiciaire israélien à la Torah. Face à ce déferlement de racisme fanatique et de négation des droits fondamentaux, la LDH exprime ici son indignation et condamne fermement tout ce que représente cette personne », ajoute le communiqué.

La visite privée de Smotrich se déroule dans un contexte des plus tendus en Israël, où la réforme judiciaire très controversée, actuellement à l’examen du Parlement, suscite une opposition inédite dans le pays, émaillée de manifestations de grande ampleur pour dénoncer une dérive antidémocratique.

Dans un éditorial publié lundi, le président du CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France) Yonathan Arfi a dénoncé les « discours populistes, stigmatisants et haineux dans le débat public israélien, et ce jusque dans les propos de certains ministres en poste ».

Le chef du parti HaTzionout HaDatit, le député Bezalel Smotrich, et des membres de son parti visitant le quartier de Netiv Haavot à Gush Etzion, en Cisjordanie, le 26 octobre 2022. (Crédit : Gershon Elinson/Flash90)

Aux États-Unis dimanche, Smotrich a déclaré aux investisseurs américains regretter d’avoir appelé à « anéantir » la ville palestinienne de Huwara et s’est engagé à « protéger tous les innocents, juifs ou arabes », alors que des centaines de Juifs américains et d’expatriés israéliens manifestaient leur opposition à sa présence, dehors.

Smotrich s’est entretenu avec quelque 150 dirigeants de l’organisation Israel Bonds lors d’un dîner de gala privé, afin de mobiliser les soutiens pour l’économie israélienne alors même que des informations font état de la fuite de fonds d’investissement en raison des conséquences attendues de la réforme judiciaire du gouvernement Netanyahu.

Netanyahu était à Paris, début février, où il s’est entretenu avec le président français Emmanuel Macron. Ce dernier l’a averti que, si le projet de réforme judiciaire demeurait en l’état, « Paris devrait conclure qu’Israël rompt avec la conception commune de la démocratie ».

Macron a également évoqué le regain des violences entre Israël et les Palestiniens, invitant Israël à éviter « toute mesure de nature à les nourrir », avait déclaré le palais de l’Élysée.

Le président français avait également lancé un avertissement à Netanyahu concernant son intention d’agrandir le cercle des accords d’Abraham.

« Si vous continuez ainsi en Palestine, il sera difficile pour l’Arabie saoudite de conclure un accord avec vous », avait alors déclaré Macron.

Le Premier ministre aurait déclaré devoir donner quelque chose à sa coalition, en termes d’implantations, mais que ce serait bien moins que ce que Smotrich et son collègue ministre d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, souhaitaient.

Jacob Magid et l’AFP ont contribué à cet article.

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