Retraumatisés par la guerre en Iran et de retour aux abris, les habitants du nord tentent de tenir le coup
Après être revenues à une vie quasi-normale depuis la fin de la guerre contre le Hezbollah en novembre, ces familles sont à nouveau confrontées à l'absence de routine et à une incertitude existentielle

GALILÉE OCCIDENTALE — Il y a quelques jours, alors que la nuit tombait, Hagar Amor, 36 ans, allaitait son bébé de deux mois dans l’un des miklatim – abris anti-atomiques publics – de Shavei Zion tandis que son époux, Tal, tentait de rassurer leur fille de deux ans, Gaia.
« Il y aura bientôt des explosions », dit Gaia.
« Malheureusement, elle connaît très bien ces détonations », déclare Hagar au Times of Israel, s’exprimant en anglais afin que Gaia ne comprenne pas.
La famille Amor dort dans l’abri depuis le début de l’Opération « Rising Lion », le 13 juin, l’Iran ayant riposté en tirant des salves de missiles balistiques sur Israël, qui ont fait 24 morts et des milliers de blessés.
Mardi matin, peu avant l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu annoncé par le président américain Donald Trump, l’Iran a lancé de nouvelles salves de missiles, tuant au moins quatre personnes à Beer Sheva.
Bien qu’il n’existe pas de chiffres permettant de mesurer les séquelles psychologiques chez les jeunes enfants, les parents et les professionnels s’inquiètent vivement que le dernier conflit ait fait régresser les enfants dans tout le pays. Dans le nord, alors que les enfants commençaient tout juste à se réadapter à une vie normale après la fin d’une guerre de treize mois contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, qui s’est conclue par un cessez-le-feu le 27 novembre 2024, les parents s’accordent désormais à dire que leurs enfants sont à nouveau confrontés à une situation traumatisante.

« Nous avons constaté une régression chez les enfants depuis le début de l’Opération Rising Lion », a déclaré Rotem Ravet Hirsh, psychologue scolaire dans la ville de Shlomi, à la frontière libanaise, lors d’un entretien téléphonique accordé au Times of Israel.
« Les enfants en bas âge ont recommencé à utiliser leur tétine, à mouiller leurs lits et à vouloir dormir avec leurs parents », explique Hirsh.
« Ils peuvent sembler aller bien, mais la moindre petite chose les fait sortir de leurs gonds. Ils sont en mode survie. »
« Chaque détonation, chaque avion ou chaque bruit soudain l’effraie »
Pendant les treize mois qu’a duré la guerre contre le Hezbollah, la famille Amor est restée dans un appartement situé dans la maison de ses parents à Shavei Zion, à treize kilomètres de la frontière nord avec le Liban.
Cette communauté, située juste au sud de Nahariya, n’a pas été évacuée, mais elle a souvent été la cible de salves de drones et de roquettes tirés par le Hezbollah. Lors d’une attaque de drones en août 2024, un missile intercepteur du système de défense anti-missile « Dôme de fer » a mal fonctionné, tuant un homme et blessant 19 personnes.

Hagar explique que Gaia se trouvait justement à l’extérieur de la zone protégée lors d’une des salves. Depuis, « chaque détonation, chaque avion ou chaque bruit soudain l’effraie », dit-elle.
Il y a un petit mamad – abri antiatomique – dans la maison de ses parents, mais ils sont désormais sept adultes, un enfant en bas âge et un bébé. Ce n’est plus « faisable ».
Chaque jour, la famille se rend à l’abri public pour la sieste de Gaia, puis revient après le dîner pour y passer la nuit. Une autre famille avec deux enfants y dort également, parfois rejointe par plusieurs autres résidents.
« Nous mettons un [dessin animé] Disney et essayons de faire dormir les enfants », ajoute Hagar.
Le miklat – abri antiatomique – n° 8, à Shavei Zion, en Galilée occidentale, le 17 juin 2025. (Crédit : Diana Bletter/Times of Israel)
Sur l’un des murs du miklat, Hagar a accroché des dessins de fleurs et de bougies que Gaia et sa mère ont réalisés ensemble.
Lorsqu’elle a peur, Hagar encourage Gaia à « sentir la fleur et souffler la bougie », afin qu’elle inspire et expire profondément pour se calmer.
Ils ont également apporté dans cet abri de nombreux jouets qui « l’aident à se concentrer sur des activités positives, notamment des jouets qui nécessitent des mouvements pour évacuer l’adrénaline ».
Les professionnels s’accordent à dire que l’activité physique, comme la danse et l’exercice, est essentielle en période de stress.
Hagar dit avoir inscrit Gaia sur une liste d’attente pour voir un thérapeute pour enfants, mais cela ne commencera pas avant qu’elle ait trois ans.
En attendant, Hagar a contacté un thérapeute qui lui a dit que tant que Gaia « partageait, parlait et ne se figeait pas », alors nous étions « sur la bonne voie ».
Elle décrit très bien ses craintes et dit aussi que si des détonations retentissent, nous nous serrerons dans les bras, explique Hagar.
« Tout est tellement fou »
Même pour les enfants qui ne présentent aucun traumatisme apparent, l’instabilité, l’absence de routine et de structure ont rendu « tout complètement fou », explique Shir Zecharia, 34 ans, cheffe de produit dans une entreprise technologique, qui vit avec son mari, Niv, et leurs deux filles, âgées de quatre et deux ans, dans le kibboutz voisin de Shomrat.
Comme il n’y a ni école, ni éducation informelle, ni jardin d’enfants, les filles doivent rester à la maison.

Leurs parents ayant tous deux perdu leur emploi suite aux instructions du Commandement du Front intérieur, ils se relaient pour garder les enfants. Mais Shir dit que les filles ont toujours tendance à appeler « Imma ! » (« Maman ! »).
« Ma société se montre compréhensive lorsque nous avons une téléconférence et qu’une des filles grimpe sur mes genoux », confie Shir. Elle a installé son ordinateur dans le couloir, car « si je vais dans ma chambre pour travailler, elles frappent à la porte et pleurent, c’est encore pire ».
« C’est impossible de se concentrer », déplore-t-elle.
« J’essaie de travailler la nuit, quand les filles dorment, mais c’est aussi le moment où je dois cuisiner et nettoyer. »
Parfois, quand tout semble calme, elle emmène les filles dehors pendant la journée, mais ce n’est pas facile.
« Chaque fois que nous allons dans un nouvel endroit, ma fille de quatre ans demande où se trouve le mamad », explique Shir.

Le site internet du ministère de la Santé souligne l’importance de maintenir une routine, car cela renforce le sentiment de sécurité chez les enfants.
« Il est important de s’habiller, de se brosser les dents et de réserver des moments précis pour les jeux, les repas et le repos », indique le site.
Shir dit qu’elle s’efforce de suivre une routine et de faire des choses qui aident ses filles à se sentir plus en sécurité. Lors d’une alerte signalant l’arrivée d’un missile balistique iranien, elle encourage ses filles à faire du yoga.
Cependant, sans cadre scolaire, chaque jour est une lutte, dit-elle depuis son salon, s’excusant pour le désordre causé par les jouets, les jeux et les livres des enfants.
« Ma patience ne se réinitialise pas tous les jours. Elles ont une capacité d’attention de dix minutes. Il peut y avoir cinq minutes de calme, puis elles se disputent. »
Shir constate que « les apparences et la réalité intérieure » de ses filles ne concordent pas.

Hirsch, psychologue pour enfants, suggère aux parents de jeunes enfants de limiter autant que possible leur exposition aux actualités à la télévision et sur Internet afin de réduire leur anxiété.
« Ils ne comprennent pas tout et imaginent le pire », explique-t-elle.
Elle souligne également que les parents ne doivent pas essayer de dissuader leurs enfants d’exprimer leurs sentiments en leur disant, par exemple, que « tout ira bien ». Ils doivent plutôt « valider leurs émotions ».
« Si un événement est annulé en raison de la situation et qu’un enfant est bouleversé ou en colère, il a le droit de ressentir cela », souligne-t-elle.
« Il est tout à fait légitime qu’ils aient peur. »
« Les enfants avaient fait des progrès après la fin de la guerre avec le Hezbollah, et maintenant ils sont à nouveau perdus », déclare Hirsh.
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