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« The Settlers » : un travail de propagande gauchiste efficace ?

Le documentaire perturbant de Shimon Dotan sur l'implantaton des Juifs en Cisjordanie soulève des questions existentielles ; et le film "Ben Gurion : Epilogue" propose des réponses

Sarah Nachshon, dans une scène du documentaire 'The Settlers,' réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)
Sarah Nachshon, dans une scène du documentaire 'The Settlers,' réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)

NEW YORK – Je ne le dirais pas si ce n’était pas vrai. En sortant de la projection du film « The Settlers » (littéralement : les colons) de Shimon Dotan, j’ai croisé le regard d’un critique de film, juif américain. Avec un sourire, il a dit en soupirant « ça a fini par arriver, je suis devenu antisémite. »

Il plaisantait, bien sûr, mais même ceux d’entre nous qui regardent des films pour des raisons professionnelles peuvent encore tomber sous le charme.

Le documentaire est un travail de propagande louable et très efficace. Il vous donne juste assez de perspective « de l’autre côté » pour que tout semble juste et équilibré.

Bien sûr, ce n’est pas le cas, il y un but à tout cela. Exactement comme tous les documentaires qui utilisent des enregistrements et qui ne se contentent pas de planquer des caméras. « The Settlers » est frustrant parce que c’est en partie un bon film sur une crise qui semble sans issue, et il est probable qu’il devienne une référence.

Dotan effectue un travail de fond, à commencer par ses interviews avec des juifs des implantations de Cisjordanie, puis il revient aux vidéos historiques. On a un nouveau regard sur le plan de Partition de 1948 et sur la guerre des Six Jours. Angle dont on parle peu d’habitude : la grève préventive de 1967 était nécessaire face à la puissance militaire de Nasser, un élément évident qui est souvent oublié, alors que l’Histoire devient une brume confuse.

Mordechai ‘Motta’ Gur (assis, avec les cheveux noirs et frisés) et ses troupes surveillent la vieille ville avant de lancer une attaque en mai 1967 (Crédit : t: Wikimedia Commons CC BY-SA/Mazel123)
Mordechai ‘Motta’ Gur (assis, avec les cheveux noirs et frisés) et ses troupes surveillent la vieille ville avant de lancer une attaque en mai 1967 (Crédit : t: Wikimedia Commons CC BY-SA/Mazel123)

La terre nouvellement occupée n’est jamais évoquée en termes de défense. A part pour montrer que quelque chose « ne va pas ». (Toutes les dérives dans l’histoire de l’humanité concernent des changements de frontières après un engagement militaire, mais comme vous le savez, lorsque ce sont les juifs qui en sont à l’origine, rien ne va plus.)

Les premiers « colons », inspirés par Rabbi Zvi Yehuda Kook, se sont implantés dans des terres occupées, motivés par des objectifs pseudo-religieux. Le gouvernement connaît leurs actions mais fait semblant de ne rien voir, comme lorsqu’ils se sont installés au Park Hôtel de Hébron et qu’ils n’en sont jamais partis, violant ainsi la Convention de Genève.

Il faudra plusieurs décennies mais un effet boule-de-neige a commencé. « The Settlers » fait le lien entre ces groupes fanatiques et le mouvement de jeunesse extrémiste Noar HaGvaot, comparé à l’État islamique, et qui met à rude épreuve la société israélienne.

Il y a beaucoup d’éléments dans « The Settlers » qui montrent que la droite religieuse israélienne traite les Palestiniens comme des sous-hommes dénués de droits. C’est déplorable et cela doit être révélé au grand jour. Mais presque tous les résidents des implantations que nous rencontrons dans ce film sont des zélateurs, des malfrats ou des détraqués. Si vous cherchez une famille de classe moyenne, en difficulté, incapable de trouver une maison économiquement viable et qui serait heureuse de plier bagage à la minute où un gouvernement proposerait un plan de paix substantiel (j’en ai rencontré, il y en a), vous ne la trouverez pas.

Un groupe de résidents des implantations dans une scène du documentaire 'The Settlers,' réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)
Un groupe de résidents des implantations dans une scène du documentaire ‘The Settlers,’ réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)

Des gros plans sur des scènes d’Intifada défilent rapidement, et sans une goutte de sang. Il est plus facile de se concentrer sur les postes de contrôle, les nouvelles autoroutes qui traversent la terre et la vieille dame omniprésente qui pleure les oliviers. Chaque commentaire choisi fait grincer. C’est violent, très violent.

Il n’y a aucun dirigeant palestinien et les seuls responsables israéliens que nous voyons sont ceux qui exacerbent la situation dans les implantations. Nous entendons « cela ne peut pas continuer », mais sans aucune solution.

Le New York’s Film Forum, programme cependant timidement « The Settlers » face à un autre film « Ben Gurion, Epilogue ». Un documentaire remarquable qui a, comme tronc central, une entrevue d’un an avec l’ancien Premier ministre.

Daniella Weiss dans une scène du documentaire 'The Settlers,' réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)
Daniella Weiss dans une scène du documentaire ‘The Settlers,’ réalisé par Shimon Dotan. (Crédit : autorisation Philippe Bellaiche)

Tourné peu de temps après le décès de son épouse Paula en 1968, Ben Gourion, 82 ans, s’est transformé en homme sage et se terre à Sde Boker. Peu d’hommes d’État ont eu un final aussi étrange. Après avoir cofondé une nation à partir des cendres de l’Holocauste, il s’est retiré dans le désert et est devenu le Juif Yoda. (Ne me dites pas qu’il n’y a pas de ressemblance physique.)

Dans « Ben-Gourion, Epilogue », outre les séquences de ce petit homme robuste qui retrousse ses manches et pelle le fumier, on assiste à un dialogue stupéfiant avec l’un de nos grands penseurs. (C’est aussi un témoignage de la technologie analogique. Les images croupissaient dans un coffre jusqu’à ce que la bande son accompagnante soit retrouvée ailleurs.) La sagesse émane de la bouche de cet homme. Après des heures de discussions, il regarde sa montre et dit : « il nous reste 10 minutes ! »

Le Premier ministre israélien Dzvid Ben Gurion sur le tournage d'une interview en 1968. Image extraite du film 'Ben Gurion : Epilogue", réalisé par Yariv Mozer. (Crédit : DAvid Marks)
Le Premier ministre israélien Dzvid Ben Gurion sur le tournage d’une interview en 1968. Image extraite du film ‘Ben Gurion : Epilogue », réalisé par Yariv Mozer. (Crédit : DAvid Marks)

Ce film est aussi une capsule historique. Le plus frappant est de voir la jeune nation d’Israël telle qu’elle était perçue par d’autres pays à cette époque.

L’interview principale est menée par un chercheur juif britannique nommé Dr Clinton Bailey, qui avait émigré dans le kibboutz de Ben-Gourion. D’autres séquences proviennent de la BBC et d’Edward R. Murrow (cette séquence est incroyable) alors que Ben Gourion et le Premier ministre bouddhiste birman U Nu s’extasient ensemble, lors de la première connexion satellite de Murrow.

https://youtu.be/Jf-VvnvDEQE

Bien que cela ne soit que brièvement évoqué, l’attitude de Ben-Gourion à l’égard des terres « occupées » alors nouvellement acquises est claire : Qui en a besoin ? Il y a beaucoup d’espace ici dans le Néguev.

C’est une réponse facile à une question compliquée, en particulier lorsque l’on observe les schismes de l’aile religieuse qu’a causé le désengagement de Gaza et le vide laissé pour le Hamas, au point que même la plupart des gauchistes soient d’accord, et cela n’arrange pas la situation.

Mais nous vivons une période étrange. Après tout, une star de télé-réalité avec une chaîne d’entreprises en faillite à son actif est maintenant président des États-Unis.

Dans « Ben-Gurion, Epilogue », le réalisateur Yariv Mozer inclut des images du célèbre, homme d’état israélien âgé, qui fait le poirier. C’est une image souvent raillée, mais elle est expliquée ici pour parler de quelqu’un, qui même après 80 ans, était sans cesse à la recherche de changements. Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée d’embrasser d’autres perspectives, peu importe d’où elles viennent.

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