Un rassemblement unitaire Place des Otages, mais un autre demande l’aide de la Histadrout
Le rassemblement principal, apolitique, réunit des personnes de tous horizons, mais un petit groupe plus extrême a appelé les syndicats à lancer une grève générale
Si le « rassemblement unitaire » organisé par le principal groupe de coordination représentant les familles d’otages détenus à Gaza a effectivement réuni des milliers de personnes à Tel Aviv jeudi soir, tout espoir de consensus a été balayé par le choix de certaines familles d’otages de participer plutôt à une autre manifestation anti-gouvernementale plus modeste.
Les deux événements, qui se sont déroulés à quelques rues l’un de l’autre au cœur de Tel Aviv, sont révélateurs des dissensions croissantes entre les familles d’otages qui font pression pour obtenir la libération de leurs proches. Certaines d’entre elles ont pris leurs distances avec la nature non partisane du forum, accusant le gouvernement d’être à l’origine des difficultés rencontrées pour parvenir à un accord et appelant à de nouvelles élections.
Dans le but de « fédérer tous les secteurs de la société israélienne » en faveur de la libération des personnes détenues par le groupe terroriste palestinien Hamas, le Forum des familles d’otages et de personnes disparues a réuni une assemblée diversifiée d’Israéliens laïcs et religieux sur la place des otages, où se sont exprimés des membres de familles d’otages, des rabbins, des parents de soldats tombés au combat et des habitants de communautés situées à la frontière de la bande de Gaza.
Manquaient à l’appel plusieurs familles d’otages et leurs sympathisants qui, depuis quelques semaines, ont adopté une attitude plus critique à l’égard du gouvernement. Ces derniers ont organisé une marche depuis le quartier général de l’armée jusqu’aux bureaux de la puissante fédération syndicale Histadrout, appelant son président, Arnon Bar-David, à décréter une grève générale afin de pousser le gouvernement à conclure un accord avec le Hamas sur la question des otages.
La plupart des orateurs qui se sont exprimés Place des Otages se sont abstenus de discuter de la manière dont Israël devrait s’y prendre pour libérer les captifs de Gaza, que ce soit par un accord ou par la force des armes, préférant se concentrer sur un discours sur l’unité à l’approche des fêtes de Pessah.
« Il n’y a pas de droite ou de gauche, il n’y a pas de religieux, de traditionalistes ou de laïcs. Nous voulons qu’ils rentrent tous à la maison », a affirmé le grand rabbin ashkénaze David Lau vers le début du rassemblement. « Nous sommes tous unis dans notre inquiétude, notre amour et notre sollicitude pour tous ceux qui ne sont pas chez eux, pour ceux qui ont été kidnappés ».
Le grand rabbin a exhorté les personnes présentes à réciter une prière spéciale pour les otages pendant qu’ils feront leur seder de Pessah, soulignant que « [les otages] méritent une fête de la liberté, de célébrer une véritable fête de la liberté et de rentrer chez eux. »
« Comment pouvons-nous boire quatre coupes pendant le Seder alors que les otages ont été kidnappés chez eux en pyjama, en pantoufles ? », a-t-il poursuivi. « Il est de notre devoir de les ramener chez eux et de penser à chacun d’entre eux. »
À l’exception de Lau, la plupart des personnes qui ont pris la parole sont montées sur scène par groupes de deux ou trois, reflétant ainsi la diversité souhaitée par le Forum des familles, en adoptant un ton plus conciliant.
À la différence de la manifestation organisée par le Forum à Jérusalem au début du mois, qui avait réuni essentiellement des Juifs laïcs dans la capitale, les participants observes Place des Otages était particulièrement diversifié, avec des groupes d’hommes coiffés de kippot et papillottes, des femmes en foulards et jupes longues, et même un manifestant qui brandissait un drapeau géant « Mashiach », le symbole de l’aile messianique du mouvement Habad.
Shelly Shem-Tov, la mère de l’otage Omer Shem-Tov, a raconté à la foule qu’en tant que résidente de Herzliya, une ville côtière aisée du centre du pays, elle n’avait guère prêté attention aux conditions de vie des Israéliens vivant dans des communautés proches de la bande de Gaza ou en Cisjordanie jusqu’au 7 octobre.
« Jusqu’à ce qu’Omer soit pris en otage, je n’avais jamais vraiment accordé d’attention aux roquettes qui frappaient les maisons à Sderot, pas plus qu’aux aux communautés limitrophes de Gaza en général », explique-t-elle.
Shem-Tov est monté à la tribune avec Menachem Kalmanson, qui s’est vu décerner le Prix Israël 2024 pour « Héroïsme civil » pour ses actions du 7 octobre, lorsqu’il s’est précipité de son implantation d’Otniel en Cisjordanie vers le kibboutz Beeri pour repousser le Hamas avec son neveu et frère, Elhanan, qui a été tué ce jour-là dans la bataille.
« Je suis avec vous et je veux que vous puissiez jouir d’une vie meilleure et plus sûre », a-t-elle déclaré. Elle a souligné à Kalmanson qu’elle espérait que les Israéliens de Cisjordanie « pourraient vivre en sécurité, [et] ne pas craindre pour leur vie en permanence. »
« Nous voulons un endroit où les gens peuvent vivre en sécurité, sur l’ensemble du territoire. Pour y parvenir, nous devons faire front commun », a déclaré Shem-Tov.
L’ancien chef du conseil régional d’Eshkol, Haim Jelin, qui a survécu au massacre du 7 octobre dans sa maison du kibboutz Beeri, a déclaré que même si les politiciens continuaient à se disputer pour gagner des points, le reste de la population pouvait présenter un front uni.
« Chaque enseignant dans sa salle de classe, chaque médecin dans sa clinique, les éboueurs, les rabbins dans leurs synagogues, les commerçants du coin, les chauffeurs de bus, la nation s’unira – le pouvoir est entre nos mains », a-t-il affirmé.
Jelin a partagé la tribune avec Hagay Lober, le père du sergent-chef Elisha Yehonatan Lober, tué au combat à Gaza, qui a déclaré au rassemblement que cette nuit lui avait apporté plus de réconfort que toutes les autres depuis la mort de son fils.
« Certains n’aiment pas le mot ‘maintenant’, mais moi, je l’aime », a souligné Lober. « Pour moi, père endeuillé, le mot ‘maintenant’ signifie un appel à l’action immédiate – pour ramener les otages à la maison et détruire nos ennemis. »
Moran Zer Katzenstein, une Israelienne laïque, présidente du mouvement Women Wage Peace, et la rabbanit Yemima Mizrahi se sont adressées à la foule. La présence simultanée des deux femmes sur scène témoignait encore de la diversité religieuse de la foule.
Zer Katzenstein s’est adressée au public religieux dans son discours, évoquant un passage de la Torah appelant à une intervention sur la question des otages.
« En plus de la prière, la Torah dit que nous devons faire un effort », a-t-elle déclaré. « Chacun d’entre nous devrait vérifier les efforts qu’il fait pour rendre les otages maintenant. »
Mizrachi, éminente personnalité de la communauté orthodoxe israélienne, a axé son discours sur les femmes victimes de l’attaque du Hamas du 7 octobre, soit parce qu’elles ont été déplacées depuis leurs maisons situées près de la bande de Gaza, soit parce qu’elles ont été prises en otage dans la bande de Gaza.
« Elles se tiendront face à la porte ouverte, dans l’espoir que cette nuit sera différente de toutes les autres, que cette nuit nous connaîtrons enfin la joie », a-t-elle déclaré, en faisant référence aux femmes qui ont été touchées par ce massacre sans précédent.
Arrêt ou abandon
À l’extérieur du quartier général militaire de Tel Aviv, des centaines de manifestants dirigés par une poignée de membres des familles des otages ont explicitement exigé un accord, adoptant une position plus dure à l’égard du gouvernement et ne mâchant pas leurs mots en appelant à un arrêt complet de l’économie israélienne jusqu’à la libération des captifs.
Miri Gross, l’une des leaders de la manifestation, a expliqué que, selon elle, le rassemblement sur la Place des Otages ne serait pas assez revendicatif pour faire pression pour parvenir à un accord négocié en raison de la présence d’activistes de droite qui soutiennent le gouvernement.
Elle a déclaré au Times of Israel que la marche vers le siège de la Histadrout était une « véritable protestation », destinée à faire pression sur le gouvernement.
En tête de la foule, Einav Zangauker, dont le fils Matan Zangauker a été pris en otage à Gaza, a déployé une banderole portant le slogan « Arrêtez ou abandonnez ».
Ces deux derniers mois, Zangauker s’est fait un nom comme ancienne sympathisante du Likud devenue critique virulente du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Plus tard dans la soirée, Zahiro Prem, le neveu de l’otage Avraham Mundar, 79 ans, détenu par le Hamas, s’est adressé directement au président de la Histadrout, Bar-David, qui était absent.
« Je ne sais pas qui vous êtes, je ne sais pas comment vous vous êtes retrouvés dans cette position, mais c’est là que vous êtes maintenant. Le moment est venu pour vous de faire des choix », a-t-il déclaré devant la foule rassemblée au siège de l’Histadrout.
« Vous avez le pouvoir de changer la donne », a-t-il lancé au leader syndical à travers le micro. « Vous avez utilisé votre pouvoir dans d’autres luttes, mais, depuis la création de l’État, il n’y a pas eu de lutte plus importante que celle que nous menons aujourd’hui. L’État d’Israël ne pourra pas se relever si les otages ne reviennent pas. »