Israël en guerre - Jour 346

Rechercher
Interview

Une étudiante juive afro-américaine et amérindienne s’adresse aux pro-Palestiniens

Juive de couleur, Noa Fay, étudiante de l'Université Columbia, se sent tenue de répondre à ceux qui accusent Israël de colonialisme et d'apartheid

Noa Fay, étudiante à l'Université Columbia, prend la parole lors du rassemblement de la Marche pour Israël à Washington, DC, le 14 novembre 2023. (Capture d'écran/YouTube)
Noa Fay, étudiante à l'Université Columbia, prend la parole lors du rassemblement de la Marche pour Israël à Washington, DC, le 14 novembre 2023. (Capture d'écran/YouTube)

NEW YORK – Quand Noa Fay, étudiante en dernière année au Barnard College, entend des étudiants sur le campus scander « Intifada mondiale » ou dire d’Israël qu’il pratique un colonialisme de peuplement, elle trouve ça à la fois ironique et offensant.

« Des gens ne croient pas que les Juifs viennent d’Israël ? Je ne vois vraiment pas comment ils peuvent dire une chose pareille, sans parler de la justifier », déclare Fay, qui est afro-américaine, amérindienne et juive.

Fay a souvent été amenée à dénoncer l’antisémitisme qui s’exprime dorénavant librement sur le campus depuis le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas. Elle a ainsi pris la parole lors d’une conférence de presse devant le campus de l’Université Columbia, début octobre, donné des interviews à des chaînes de télévision et, le 14 novembre dernier, pris la parole lors de la manifestation de la « Marche pour Israël » à Washington, DC.

« Je parle à tous ceux qui veulent bien m’écouter, en cette sombre période. Ce n’est pas dans ma nature de me taire », a déclaré la jeune femme âgée de 22 ans, étudiante en sciences politiques, lors d’une conversation avec le Times of Israël dans la cour de l’École des affaires internationales et publiques.

Lorsque Fay, qui a été élevée dans une famille de Brookline, dans le Massachusetts, a postulé au Barnard College, ses amis et proches l’ont mise en garde contre la réputation de l’école, à savoir le mur de l’apartheid, érigé chaque année par Students for Justice in Palestine, ainsi que des demandes fréquentes pour que l’université se désinvestisse d’Israël et rompe ses liens avec l’université de Tel Aviv. Le bureau d’un professeur a été vandalisé et recouvert de graffitis antisémites non pas une, mais deux fois, et une croix gammée a été trouvée sur les marches de la bibliothèque Low.

« Pour autant, je ne me suis pas arrêtée à cela. Je ne l’ai pas pris au sérieux », assure Fay. « Pour moi, cela n’avait rien de bien menaçant, aussi me suis-je dit : ‘Y a-t-il vraiment un risque ?’ »

Noa Fay, étudiante militante du Barnard College, s’adresse à la Marche pour Israël le 14 novembre 2023 à Washington, DC. (Autorisation)

Et ces trois dernières années, tout s’est relativement bien passé. Fay dit ne jamais s’être sentie « aussi motivée et forte » qu’à Barnard.

Mais le 7 octobre, des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont saccagé des dizaines de communautés du sud d’Israël, assassiné près de 1 200 personnes – pour la plupart des civils – avec une effroyable brutalité et fait 240 otages dans la bande de Gaza. Cette agression a déclenché une guerre avec Israël, suivie d’attaques antisémites un peu partout dans les villes et campus des États-Unis.

Depuis le massacre, et selon les données à sa disposition, l’Anti-Defamation League (ADL) a enregistré le plus grand nombre d’incidents antisémites depuis qu’elle a commencé à suivre le phénomène, en 1979. Entre le 7 octobre et le 7 décembre, l’ADL a enregistré 2 031 incidents antisémites, contre 465 incidents au cours de la même période en 2022.

Illustration : Des étudiants pro-palestiniens et anti-Israël à l’Université Columbia le 12 octobre 2023 à New York. (Crédit : Spencer Platt/Getty Images/AFP)

Ces 61 derniers jours, les Juifs d’Amérique ont signalé en moyenne près de 34 incidents antisémites par jour.

On estime à 1 411 le nombre des incidents signalés liés à la guerre entre Israël et le Hamas. Sur les campus, l’ADL a enregistré un total de 400 incidents antisémites, contre 33 seulement au cours de la même période l’an dernier.

Fay, qui est assistante résidente dans son dortoir, a été la cible d’attaques personnelles.

« J’ai un tableau blanc, sur ma porte, pour que les étudiants puissent me laisser des messages. Un étudiant a écrit ‘Arrêtez de soutenir le génocide’ dessus », a déclaré Fay.

L’interview qui suit a été remaniée pour des raisons de concision et de clarté.

Noa Fay, étudiante militante du Barnard College, se tient devant la maison de la faculté de l’Université Columbia en décembre 2023. (Cathryn J. Prince)

The Times of Israël : Des étudiants juifs ont organisé une veillée aux chandelles, la nuit du 7 octobre. Combien de temps après y a-t-il eu des contre-manifestations ?

Noa Fay : La première a eu lieu le 12 octobre. Ce rassemblement a été l’un des plus troublants pour moi. J’ai dû traverser le campus ce jour-là. [Les étudiants juifs] se sont levés en signe de protestation silencieuse. C’était bouleversant. Les étudiants pro-palestiniens faisaient les questions et les réponses. C’est effrayant, une foule pareille. Ils scandaient : « Les Juifs ne nous vaincront pas », « Mondialisez l’Intifada » ou encore « Du fleuve à la mer ». J’ai eu une sorte de flashback.

Cela m’a fait penser à l’Allemagne nazie, du moins ce que j’en imagine. Ils reprenaient des chants appelant à notre extermination. C’était horrible. Les mots me manquent pour expliquer ce que j’ai ressenti.

Vous êtes une femme afro-américaine et amérindienne. Comment les étudiants pro-palestiniens du campus, qui associent le racisme aux États-Unis à ce qui se passe en Israël, réagissent-ils par rapport à vous ?

Je pense que je leur pose un problème de dissonance cognitive. Nombreux sont ceux qui ignorent l’existence des Juifs de couleur. Ils ne comprennent pas qu’il est impensable d’identifier les Juifs sur la base de leur apparence.

Quand je parle des problèmes des Afro-américains et des Amérindiens, les gens m’écoutent, personne ne remet en question ce que je dis. Si on dit que quelque chose est raciste, alors c’est raciste. Ma parole fait autorité. Mais désormais, c’est comme si ma judéité annihilait tout ça. Si je dis que quelque chose est antisémite, ils ne m’écoutent pas.

Qu’est-ce qui vous passe par la tête quand vous voyez des pancartes sur le campus, des messages sur les réseaux sociaux, des étudiants et des professeurs qui disent d’Israël qu’il pratique un colonialisme de peuplement ?

Noa Fay, étudiante militante du Barnard College, participe à une manifestation silencieuse pro-Israël début octobre 2023 sur le campus de l’Université Columbia. (Autorisation)

J’étais dans la file d’attente pour le cours quand j’ai entendu deux étudiants dire quelque chose du style : « Si vous n’avez pas occupé votre terre durant plusieurs siècles, alors elle n’est plus à vous. » Tout d’abord, je ne savais pas qu’il y avait un délai de prescription en la matière. Et ensuite, vous me dites que je suis un colon suprémaciste blanc ? A moi ? Avec mon visage amérindien ?

Vous avez dit que vous ne vous sentiez pas en danger physiquement, mais comment vous sentez-vous moralement ?

Je me sens horriblement mal sur tous les points. Je n’avais jamais connu de phénomène dépressif brutal, mais là, je suis déprimée depuis le 7 octobre. Je ne comprenais pas pourquoi, tout d’un coup, je me sentais tellement déprimée. J’ai commencé par perdre l’appétit, puis le sommeil. La seule chose qui me fait me sentir mieux, c’est quand je parle de ce qui se passe. Le fait de parler en public me donne l’impression d’avoir du pouvoir.

Qu’en est-il de l’argument selon lequel les manifestations, les séances d’enseignement, etc., sont des expressions de la liberté d’expression et de la liberté académique ?

L’argument selon lequel il s’agit d’une question de Premier Amendement est ridicule. Si vous adoptez cette idée, alors les étudiants peuvent-ils célébrer ouvertement le KKK ?

Peuvent-ils agiter le drapeau confédéré ? Je vais à Barnard, où si vous dites quoi que ce soit qui soit un tant soit peu homophobe, vous allez au devant de sérieux problèmes.

S’il s’agit de la liberté académique et que vous voulez que Joseph Massad enseigne, alors je veux que l’université embauche David Duke pour enseigner un cours qui examine les droits civiques sous un angle différent.

Selon vous, qu’est-ce qui devrait changer ?

Il faut parler des recteurs congédiés, des changements de professeurs, des modifications des programmes.

Le mot de la fin ?

[Le mouvement pro-palestinien] a fait du sionisme un gros mot et je veux m’assurer que cela ne se répande pas. Si nous nous en sortons, alors il nous faudra tous être sionistes comme les gens sont féministes. C’est une question d’égalité des droits. Le sionisme devrait être inséparable de l’autodétermination juive et de l’égalité des droits.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.