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A la découverte de la communauté juive de Monaco

Un bâtiment luxueux a multiplié par quatre la fréquentation d'une des synagogues, mais les Juifs de la principauté se sentent tout aussi à l'aise au centre Habad

Le rabbin Daniel Torgmant prie à la synagogue Edmond Safra à Monaco, le 7 mars 2018. (Crédit : Cnaan Liphshiz/ JTA)
Le rabbin Daniel Torgmant prie à la synagogue Edmond Safra à Monaco, le 7 mars 2018. (Crédit : Cnaan Liphshiz/ JTA)

MONACO (JTA) — Cette minuscule principauté du sud de la France est célèbre pour son luxe, ses grandes demeures et ses casinos.

Selon les statistiques communiquées par ses deux rabbins, Monaco compte également le taux d’habitants juifs le plus élevé de tous les pays du monde, en dehors d’Israël, lesquels constituent plus de 5 % de la population monégasque.

Pour être précis, la principauté recense 38 600 habitants, ce qui fait d’elle l’un des plus petits pays du monde. Mais ses 2 000 Juifs évoluent dans une communauté prospère autour d’une synagogue luxueuse qui a ouvert ses portes en 2017.

La synagogue Edmond Safra, financée par un don de plus de 10 millions de dollars de la famille de banquiers Safra, se trouve à l’intérieur d’un bâtiment en forme de rouleaux de la Torah, dont le cylindre est recouvert de pierres de Jérusalem. La structure est orientée vers la Méditerranée et la célèbre marina de Monaco – mais ne dispose pas de fenêtres pour les admirer.

La communauté Safra n’est pas nouvelle, mais Daniel Torgmant, qui y officie en tant que rabbin depuis 2010, affirme que le nouvel édifice « a été tout bonnement un catalyseur de croissance communautaire ». En raison de son attractivité et de son emplacement de choix, « elle nous permet d’attirer de nombreuses personnes de passage à Monaco ou des Juifs dont le lien avec le judaïsme en est encore au stade embryonnaire ».

Un homme marche devant la synagogue Edmond Safra à Monaco, le 7 mars 2018. (Cnaan Liphshiz/ JTA)

Conçu pour ressembler à la synagogue Edmond J. Safra de Manhattan, le bâtiment monégasque dispose d’un toit plat rétractable et dissimule un plafond voûté avec des panneaux de bois qui ne se déploie qu’à l’intérieur, pour un effet éblouissant.

L’éclairage artificiel de l’intérieur est si important qu’il permet de faire fleurir des orchidées dans des pots fixés sur des murs circulaires en bois. Plusieurs cercles de bois, chacun plus grand que le précédent, entourent la chaire du rabbin. Ils se déploient vers l’extérieur en direction des bancs, qui comptent environ 400 sièges semi-circulaires recouverts de velours violet.

« Avec de telles installations, c’est assez facile de faire venir du monde », commente Daniel Torgmant.

Comme la majorité des Monégasques, la plupart des Juifs de la principauté sont nés à l’étranger. Beaucoup sont des millionnaires qui sont venus profiter de ce paradis fiscal. D’autres sont des employés de classe moyenne travaillant dans le tourisme, les jeux d’argent ou la finance.

Cela donne une population juive relativement nouvelle et hétérogène. Les membres de la communauté juive sont polyglottes et issus de milieux divers et variés.

Le rabbin Daniel Torgmant prie à la synagogue Edmond Safra à Monaco, le 7 mars 2018. (Crédit : Cnaan Liphshiz/ JTA)

La diversité religieuse est également présente, bien que les deux synagogues de la principauté – Safra et un établissement Habad – soient techniquement toutes deux orthodoxes. Elles comptent toutes deux des membres qui ne sont pas orthodoxes dans la sphère privée, dont des entrepreneurs russophones, israéliens et français, et des Juifs anglophones issus du secteur bancaire.

La synagogue Habad fait pâle figure aux côtés de celle de Safra. Située au rez-de-chaussée d’un immeuble résidentiel, sa salle de prière peut recevoir environ 80 personnes et ne dispose pas des équipements de pointe de Safra.

« Les Juifs qui viennent ici ne viennent pas pour des raisons matérialistes, ils sont généralement aisés », a expliqué à la JTA Tanhoum Matusof, l’émissaire Habad qui dirige le centre culturel juif de Monaco avec sa femme Chani. Il s’est souvenu qu’un fidèle s’était une fois étonné de voir que la synagogue disposait d’un mikveh, un bain rituel, alors que la plupart des gens disposent de leur piscine privée.

« Ils ont besoin de nous pour le spirituel, pour le sentiment de communauté, et il n’y a pas besoin d’un beau bâtiment pour ça. »

Et pourtant, le couple Matusof prend en compte le niveau de vie des nombreux Juifs qui vivent à Monaco. Leur mikveh, par exemple, ressemble à un spa prestigieux et les fêtes juives ont parfois lieu dans des hôtels dignes du Ritz plutôt qu’à la synagogue.

« Écoutez, il faut comprendre son public », explique Tanhoum Matusof.

Les Juifs prient au Centre culturel juif de Monaco en 2018. (Avec l’aimable autorisation du rabbin Tanhoum Matusof/ via JTA)

Dans sa synagogue, qui compte près de 200 fidèles, les offices se déroulent en anglais pour la convenance des nombreux non-francophones. L’anglais est aussi utilisé parfois à la synagogue Safra, mais le français y reste prédominant.

Pour certains Juifs de la classe moyenne, la simplicité de la synagogue de Matusof a son charme. Pour la famille de Mahnaz Grosjen, une Iranienne mère de deux enfants arrivée de Genève il y a sept ans, à la demande de l’employeur de son mari.

« Je n’étais pas très enthousiaste à l’idée d’élever des adolescents dans un environnement aussi matérialiste », indique Mahnaz, qui travaille dans la mode. « Nous ne sommes pas issus de la jet set. J’aime le fait que notre synagogue ressemble à n’importe quelle synagogue de Paris ou de Londres. Je pense que cela envoie le bon message. »

Mais même certains millionnaires juifs de Monaco se sentent chez eux dans la synagogue de Tanhoum Matusof, qui, disent-ils, réunit une communauté plus jeune et plus internationale.

Le rabbin Tanhoum Matusof lit un extrait du livre d’Esther sur Pourim à Monaco, le 28 février 2018. (Avec l’aimable autorisation du Centre culturel juif de Monaco/ via JTA)

« C’est un lieu petit et modeste, mais chaleureux et  dynamique », affirme Aaron Frenkel, né en Israël et propriétaire du Loyd’s Group of Companies, qui investit dans l’immobilier et l’industrie aérospatiale. Il vit à Monaco depuis de nombreuses années avec sa femme, originaire de Croatie et leurs cinq enfants. Il est également président du groupe juif Limmud FSU.

« Peut-être que ça me rappelle Bnei Brak », a-t-il dit, en référence à la ville israélienne religieuse dans laquelle il a grandi, qui abrite des centaines de petites synagogues. « Quelle que soit la raison, dans cette synagogue, je me sens chez moi. »

Le noyau de la communauté de Torgmant est composé de Juifs sépharades âgés au minimum de 60 ans, bien que le nouvel édifice a permis d’attirer des jeunes familles. La fréquentation de la synagogue Safra a quadruplé depuis la rénovation et le nombre de bar mitsvot et de circoncisions ont drastiquement augmenté, passant à environ une cinquantaine par an, confie Torgmant.

Le rabbin Tanhoum Matusof allume une bougie de Hanoukka dans un hôtel de Monaco, le 25 décembre 2016. (Avec l’aimable autorisation du Centre culturel juif de Monaco/ via JTA)

Avant que le coronavirus ne vienne suspendre le tourisme international, l’ouverture de la synagogue Safra donnait lieu à une augmentation du nombre de Juifs en escale de croisière. Ils accostent généralement à la marina, qui est entourée de cafés et de restaurants (elle possède également une patinoire en plein air qui reste ouverte jusqu’en avril).

« Ça dynamise vraiment les choses ici. C’est comme un faisceau de lumière qui fait venir des Juifs ici », explique Torgmant.

L’une des familles attirées par cette lumière est celle de Borya et Masha Maisuraje, un couple de Juifs russes originaires de Géorgie et propriétaires d’une compagnie de transport à Kaliningrad, en Russie. Ils ont déménagé à Monaco en 2009 mais « n’avaient pas grand-chose à voir avec le judaïsme » avant l’ouverture de la nouvelle synagogue en 2017, déclare Borya. Cette année-là, ils ont décidé d’organiser une bar mitzvah pour leur plus jeune fils, Alexei.

« C’est accueillant ici, c’est un endroit dans lequel on se sent immédiatement à l’aise », confie Borya Maisuraje. « Nous l’avons suggéré à Alexei et il a immédiatement dit oui. »

Monaco n’a pas d’école juive, bien que les deux synagogues proposent des cours du dimanche et des cours d’hébreu, ainsi que des activités pour la jeunesse pendant les vacances. Les parents les plus pratiquants envoient leurs enfants dans l’une des écoles juives de Nice, une ville française située à une dizaine de kilomètres. C’est également là-bas que les Monégasques s’approvisionnent en nourriture casher.

Contrairement à Nice, où de nombreux Juifs ne se sentent pas en sécurité, se promener avec une kippa ne pose pas de problème à Monaco – les incidents antisémites y sont extrêmement rares et la police a une présence robuste. Il y a environ un policier pour 70 habitants, soit plus de quatre fois la moyenne de l’Union européenne.

Une vue du Port Hercule de Monaco en 2017 (Crédit ; John Greim/LightRocket via Getty Images/ via JTA)

Principauté parlementaire dotée de sa propre maison royale, Monaco a une superficie de 2 kilomètres carré et est le pays le plus densément peuplé du monde, selon la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies.

Les millionnaires constituent un tiers de la population, un ratio plus élevé que partout ailleurs dans le monde, selon le rapport sur la richesse de 2019 de Knight Frank. Le PIB annuel par habitant était de 185 000 dollars en 2018, soit plus de trois fois le chiffre des États-Unis.

Les synagogues Safra et Habad ont chacune un mikveh et un grand jardin. Ce dernier aménagement leur a permis d’accueillir des services en plein air pendant les fêtes du Nouvel An, malgré les mesures locales qui ont soit limité sévèrement, soit interdit les rassemblements dans des espaces fermés pour freiner la propagation du coronavirus.

Selon Matusof, le climat méditerranéen doux de Monaco permet à la communauté de passer confortablement des heures dans la souccah, la cabane rituelle que les Juifs construisent pour Souccot.

« Nous avons toujours apprécié d’avoir une cour, car cela signifie que notre synagogue a sa propre souccah pendant Souccot », se réjouit le rabbin. « Nous n’avons jamais pensé que notre souccah finirait par être notre synagogue ».

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