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Assassinat de Samuel Paty : le rôle du prédicateur Sefrioui

Deux témoins cités mercredi ont esquissé des portraits très différents du prédicateur islamiste jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris

Abdelhakim Sefrioui, président du collectif Cheikh Yassine, lors de son arrestation par des CRS après une manifestation anti-Israël non autorisée, à Paris, le 29 décembre 2012. (Crédit : Miguel Medina/AFP)
Abdelhakim Sefrioui, président du collectif Cheikh Yassine, lors de son arrestation par des CRS après une manifestation anti-Israël non autorisée, à Paris, le 29 décembre 2012. (Crédit : Miguel Medina/AFP)

Qui est Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, le prédicateur islamiste jugé devant la cour d’assises spéciale de Paris pour son rôle dans l’assassinat du professeur Samuel Paty ? Deux témoins cités mercredi ont esquissé des portraits très différents.

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie de 47 ans, a été poignardé puis décapité près d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine, au nord-ouest de Paris, où il enseignait.

L’assassin, Abdoullakh Anzorov, un jeune Russe tchétchène, demandeur d’asile en France, a été tué par la police peu après.

Deux de ses amis sont poursuivis pour complicité d’assassinat, crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les six autres, dont Sefrioui, qui sera interrogé le 3 décembre, sont jugés pour participation à une association de malfaiteurs terroriste, encourant 30 ans de réclusion.

« Sefrioui est un homme de foi (…) mais pas du tout radical », a assuré sa compagne, Ikram H., 34 ans, venue à la barre coiffée d’un voile blanc.

L’imam Hassen Chalghoumi, le 19 septembre 2018. (Crédit : Ludovic Marin/Pool Photo via AP)

« Sefrioui se proclame imam. Pour moi, c’est un islamiste fanatique », a jugé au contraire l’imam de Drancy (banlieue parisienne) Hassen Chalghoumi, pris personnellement à partie par l’accusé au début des années 2010.

Ikram H. et Abdelhakim Sefrioui, de 31 ans son aîné, se sont connus en 2009 à l’occasion de rassemblements du collectif Cheikh-Yassine, le fondateur du groupe terroirste palestinien du Hamas, créé par Sefrioui en 2004 et connu pour ses manifestations appelant à la destruction d’Israël.

Mais pour autant, assure sa compagne, « le collectif Cheikh-Yassine c’était d’abord une bande d’amis ».

« Voyou »

« Choisir le nom Cheikh Yassine, le fondateur du mouvement terroriste Hamas pour baptiser son mouvement est significatif, c’est le gourou de l’islamisme », assure l’imam de Drancy.

Tandis qu’Ikram H. soutient que son compagnon « n’a rien contre les juifs », Hassen Chalghoumi rappelle que l’accusé l’a surnommé « l’imam des juifs ».

Le 8 octobre 2020, dans le bureau de la principale, le père de l’élève qui a menti et Sefrioui dénoncent un professeur « voyou » et demandent des comptes. Abdelhakim Sefrioui menace la principale d’organiser « une manifestation de musulmans » devant le collège et devant le rectorat. Sefrioui trouve « inadmissible » d’avoir dû attendre dehors avant d’être reçu par la principale.

« Si on avait été juifs, ça ne se serait pas passé comme ça », lance-t-il à la principale.

L’imam de Drancy, souvent débordé par l’émotion, voit en Sefrioui l’homme à l’origine des campagnes de haine contre lui. « Il m’a diabolisé. Il a ouvert la boîte de Pandore, mis ma tête à prix ».

Vivant sous protection policière, obligé de changer de domicile tous les trois jours, sa famille contrainte à l’exil et de changer d’identité, Hassen Chalghoumi, 52 ans, raconte sa première rencontre avec Sefrioui en 2010 devant sa mosquée à Drancy.

L’imam s’était prononcé en faveur de l’interdiction du voile intégral dans l’espace public. Cette position lui avait valu les foudres des islamistes les plus radicaux et notamment d’Abdelhakim Sefrioui qui a organisé plusieurs manifestations aux abords et dans la mosquée de Drancy.

Un enquêteur de l’antiterrorisme avait diffusé devant la cour en début de semaine des vidéos de ces rassemblements. L’imam de Drancy avait alors été qualifié de « voyou » par les manifestants, comme Samuel Paty dans la vidéo.

Des proches et collègues de Samuel Paty pendant la Marche Blanche à Conflans-Sainte-Honorine, le 20 octobre 2020. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)

« Fatwa » 

Cette qualification équivaut à « une fatwa », affirme l’imam. « Un voyou est un homme qui n’a aucune valeur. Ce n’est pas la peine d’utiliser le mot tuer », explique-t-il, en soulignant que « l’instigateur d’une fatwa n’a pas à passer à l’acte. Le gourou prépare le terrain pour un exécutant ».

Le terme « voyou » n’était « pas glorieux », concède Ikram H. qui estime que le discours de son compagnon dans cette vidéo « n’est pas violent mais juste virulent »…

Les avocats d’Abdelhakim Sefrioui soutiennent qu’Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, n’a pas vu la vidéo.

« Qu’importe », leur répond l’imam de Drancy en rappelant que cette vidéo « a circulé partout » notamment auprès d’une jeunesse « malheureusement naïve et fragile ».

Anzorov avait 18 ans au moment des faits.

Quand la cour demande à la compagne de l’accusé si sa vidéo « a contribué à mettre de l’huile sur le feu », elle répond par un sobre « non ». « Si Abdelhakim n’avait pas existé, le crime aurait quand même eu lieu », affirme-t-elle.

« Sans Abdelhakim Sefrioui, Samuel Paty serait toujours dans sa classe », souligne au contraire Hassen Chalghoumi.

« C’est par cette campagne médiatique qu’Anzorov a appris l’existence de Samuel Paty et du collège », avait dit une enquêtrice quelques jours plus tôt.

L’enquête a révélé qu’Anzorov a pris directement contact avec Brahim Chnina.

« Merci pour votre soutien », lui a écrit Chnina le soir du 9 octobre.

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