Athènes commémore sa libération du joug nazi il y a 80 ans
Plus de 86 % de la communauté juive grecque a été exterminée ; 250 000 personnes ont succombé à la famine

Athènes a commémoré samedi 12 octobre sa libération, il y a 80 ans, de l’occupation nazie, marquée notamment par une terrible famine, un événement longtemps occulté en Grèce en raison de la guerre civile qui a suivi.
Dans le centre d’Athènes, l’ancien siège de la Gestapo abrite aujourd’hui un grand magasin.
Seul un monument discret rappelle qu’à cet endroit se trouvaient les bureaux et un centre de torture de la police secrète nazie durant l’occupation de la Grèce, de 1941 à 1944, par les troupes d’Hitler.
Des milliers de résistants ont été torturés et tués durant l’une des plus violentes périodes de l’histoire contemporaine grecque.
« Dans un autre pays européen, ces lieux seraient un musée », regrette Menelaos Charalampidis, historien spécialiste de l’Occupation dans un entretien à l’AFP.
Pas de monument
Les lieux de mémoire de cette période « ne sont pas mis assez en valeur et pour certains événements majeurs, il n’y a pas même pas de monument », affirme aussi l’expert.
Le 12 octobre 1944, l’armée populaire de libération nationale (Elas), un mouvement massif de maquisards, défile sur la place Syntagma en face du Parlement, saluée par des centaines de milliers de personnes.
C’est la fin d’une occupation meurtrière. La Grèce a été mise à feu et à sang par la Wehrmacht qui s’est heurtée à une résistance massive de la population.
Dans toute la Grèce, ce sont 250 000 personnes qui ont succombé à la famine, dont quelque 45 000 personnes à Athènes et au Pirée, le grand port proche. Et plus de 86 % de la communauté juive grecque a été exterminée.
Dans un ouvrage de référence « La Grèce d’Hitler », l’historien britannique Mark Mazower explique que la famine a résulté de « l’incapacité du gouvernement grec des collaborateurs […] d’approvisionner Athènes » et de la destruction du réseau de transports.

La libération d’Athènes sera rapidement éclipsée par les violences entre les forces de l’ordre et les communistes de l’Elas en décembre 1944. S’en suivent une guerre civile (1946-1949), la défaite des communistes et des décennies de tourmente politique.
« La guerre civile en Grèce, comme en Espagne, a profondément traumatisé la société, ce qui a empêché d’aborder certains événements du passé », analyse l’historienne Tassoula Vervenioti.
« Démocratie et liberté »
Or, prévient la chercheuse, « si on ne gère pas notre passé, il y a le risque de perdre les lieux de mémoire ».
La mairie appelle cette année les Athéniens à participer à des conférences et expositions pour « honorer tous ceux qui se sont battus pour la démocratie et la liberté ».
« Nous gardons la mémoire vivante pour que les plus jeunes puissent apprendre et décider avec force et vigueur de leur avenir », a récemment affirmé le maire socialiste de la capitale, Haris Doukas.
Pour Menelaos Charalampidis, « la résistance nationale contre les Nazis en Grèce, marquée surtout à gauche, a été condamnée à l’oubli en raison de la confrontation farouche entre les partis de droite et les communistes » durant la Guerre froide.
Ce n’est qu’en 1981, lors de l’arrivée au pouvoir du premier gouvernement socialiste, que la « Résistance nationale » a été officiellement reconnue.
En outre, les recherches historiques ont longtemps été entravées car certaines archives de la police étaient inaccessibles.
En 2017, le gouvernement de gauche d’Alexis Tsipras a créé une Direction de l’Histoire de la police grecque. Mais jusqu’ici les archives de la police ne sont pas intégrées à l’Organisme des archives de l’Etat ce qui ne garantit pas leur accès systématique, selon des experts.
Depuis quelques années, l’intérêt des Athéniens pour leur passé grandit.
Des dizaines se pressent ainsi aux « promenades historiques » de Menelaos Charalampidis sur les traces de l’occupation nazie dans la ville.
A l’opposé de nombreux pays européens qui commémorent la capitulation du Troisième Reich, la Grèce célèbre son entrée dans la Seconde Guerre mondiale, le 28 octobre 1940.
Ce jour de fête nationale rappelle le « Non » lancé par le dictateur grec Ioannis Metaxas à Emmanuele Grazzi, l’ambassadeur italien qui lui demandait de céder aux forces italiennes de Benito Mussolini.