Aurore Bergé annonce des propositions pour lutter contre l’antisémitisme
Le texte appelle notamment à "adapter la réponse pénale aux manifestations contemporaines" de la haine antisémite "pour sanctionner en particulier le détournement de la critique du sionisme à des fins antisémites"

Eduquer mais aussi adapter le droit : le gouvernement a reçu lundi un rapport comportant des mesures contre l’antisémitisme, la ministre chargée de la lutte contre les discriminations Aurore Bergé insistant sur son esprit universaliste et « déclinable » face aux autres formes de racisme.
Ce rapport, demandé lors des assises de l’antisémitisme en février, doit notamment empêcher un « réenracinement dans la société » de l’antisémitisme, a noté Mme Bergé lors d’une conférence de presse.
Elle a jugé « très important » de le faire dans un « contexte universaliste », rendant hommage notamment au jeune Malien assassiné vendredi dans une mosquée du Gard et jugeant « insupportable, intolérable dans la République » toute forme de haine anti-religieuse.
En 2024, un total de 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, selon le ministère de l’Intérieur. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) avait déploré en janvier le niveau « historique » de ces attaques, et une « explosion » après celle sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, suivie d’une riposte meurtrière d’Israël à Gaza.
Le rapport rédigé par Marie-Anne Matard-Bonucci, de l’université Paris-8, et le conseiller d’Etat Richard Senghor, préconise de créer un Institut de formation et de recherche sur le racisme et l’antisémitisme, de mettre en place dans les écoles, collèges et lycées « un réseau de référents-établissement », et d’inclure dans les concours des enseignants des sujets sur ces thématiques.
Il demande aussi de « recontextualiser l’histoire des antisémitismes et des racismes dans les programmes scolaires » en enseignant plus l’histoire du Moyen-Orient, et de former davantage les agents publics.
Côté répression, ce texte appelle à « adapter la réponse pénale aux manifestations contemporaines » de la haine antisémite « pour sanctionner en particulier le détournement de la critique du sionisme à des fins antisémites ».
Nouveau délit
De tels propos ne peuvent plus être considérés comme « une forme d’opinion, mais bien comme des délits », argumente Mme Bergé, le rapport proposant de « sortir les 5 infractions à caractère raciste et antisémite du droit de la presse pour les intégrer dans le droit pénal général ».
Richard Senghor a toutefois fait valoir que les législateurs et le gouvernement allaient devoir trouver la « ligne de crête » entre « répression de cette nouvelle forme d’antisémitisme et la protection de la liberté constitutionnelle d’expression ». Notamment dans le domaine académique.
Un projet de loi sur la lutte contre l’antisémitisme dans l’Enseignement supérieur doit être présenté à l’Assemblée nationale dans les prochains jours après avoir été voté par le Sénat.

La ministre a aussi évoqué une proposition de loi de la députée Caroline Yadan déposée fin 2024, qui n’est toutefois pas encore inscrite au calendrier parlementaire.
La co-directrice du rapport, Mme Matard-Bonucci, a souligné que « l’instrumentalisation politique de l’antisémitisme » est la plus « répandue aux deux extrémités de l’échiquier politique » et que si la « matrice historique » de l’antijudaïsme est « le christianisme, il est aujourd’hui davantage présent parmi les musulmans ».
Elle s’est toutefois empressée de préciser que cela ne signifie pas que tous les musulmans sont antisémites.
Pendant la cérémonie de présentation du rapport, Mme Bergé a de nouveau attaqué le parti de gauche radical La France Insoumise, parlant d’une « responsabilité historique de l’extrême gauche » dans la remontée de l’antisémitisme en France et qualifiant LFI de parti qui « a fait de la haine d’Israël non pas un dérapage mais une stratégie électorale ».
Ces derniers mois, Mme Bergé a dénoncé à plusieurs reprises les propos du leader de LFI Jean-Luc Mélenchon qui a notamment parlé d’antisémitisme « résiduel » en France ou dont le parti a récemment publié une affiche visant l’animateur TV Cyril Hanouna reprenant l’iconographie antisémite du début du XXe siècle.
Le président du Crif Yonathan Arfi a jugé que le rapport « témoigne d’une vraie volonté politique d’avancer », notamment pour que « le caractère antisémite de l’antisionisme soit beaucoup mieux pris en compte ».
Le Crif avait cependant « poussé pour que soit mis en place quelque chose de plus systématique contre la haine en ligne », « l’un des lieux de radicalisation » xénophobe, conclut M. Arfi, interrogé par l’AFP.
Le rapport propose en la matière d’établir une « responsabilité pénale des directeurs de publication et des propriétaires d’organes de presse ou sites étrangers ».