Avant de s’allier à HaBayit HaYehudi, Otzma Yehudit a dû se désavouer
Défendant son alliance avec les disciples de Kahane, Rafi Peretz a dit avoir accepté cette union à la condition que ces derniers promettent de s'opposer aux attaques "prix à payer"
Le dirigeant de HaBayit HaYehudi Rafi Peretz a expliqué qu’avant d’accepter une alliance avec Otzma Yehudit en vue des prochaines élections, il avait exigé que la formation dénonce les attaques commises contre des Palestiniens innocents.
« Nous avons clarifié un certain nombre de points de dissension avant de procéder à la formation d’un bloc pratique, » a indiqué Peretz en faisant référence à l’Union des partis de droite, l’alliance formée le mois dernier avec Otzma Yehudit.
S’entretenant avec le Times of Israel à son QG de campagne à Airport City dimanche dernier, le dirigeant de HaBayit HaYehudi a assuré qu’après avoir reçu des réponses satisfaisantes à trois de ses principales demandes, il a été prêt à souscrire à cette union controversée.
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« Les attaques « prix à payer » : vous êtes pour ou contre ? » aurait demandé Peretz selon ses propres dires aux dirigeants d’Otzma Yehudit, faisant référence aux vandalisme et autres crimes de haine commis par des ultra-nationalistes juifs en représailles à des violences palestiniennes ou à des politiques gouvernementales perçues comme défavorables au mouvement pro-implantations.
« Ils m’ont répondu : ‘nous sommes contre [ce type d’attaques]’, » a-t-il assuré, citant les dirigeants d’Otzma Yehudit, formation qui comprend l’ancien député de l’Union nationale Michael Ben Ari et l’avocat militant Itamar Ben Gvir. Ben Gvir est connu pour avoir défendu devant la justice des Juifs soupçonnés de terrorisme et notamment auteurs d’attaques du type « prix à payer. » La candidature de Ben Ari a été disqualifiée la semaine dernière par la Cour suprême en raison de son incitation au racisme.
Le second point sur lequel Peretz a demandé des clarifications a concerné les attaques et le dénigrement pratiqués à l’encontre des soldats israéliens, voulant ainsi faire référence au nombre croissant d’incidents observés lors des démolitions d’avant-postes où de jeunes protestataires de droite ont agressé les forces de sécurité israéliennes.
Le dirigeant de HaBayit HaYehudi a indiqué que la direction d’Otzma Yehudit lui avait assuré qu’ils s’opposaient à de tels agissements.
Enfin, Peretz a demandé aux disciples auto-proclamés de Meir Kahane s’ils étaient « prêts à affirmer sans équivoque qu’en aucun cas, vous n’encouragerez la violence contre des Arabes innocents. »
Visiblement, c’est l’idolâtrie vouée par les dirigeants d’Otzma Yehudit à des extrémistes juifs comme Baruch Goldstein, qui avait abattu 29 musulmans priant au tombeau des Patriarches à Hébron en 1994, qui a poussé Peretz à demander des précisions sur ce sujet en particulier.
Après avoir reçu une réponse positive à sa troisième question également, l’ancien Grand rabbin de l’armée s’est dit favorable à la mise en place de l’alliance, ce que Ben Gvir a confirmé au Times of Israel.
Il a refusé de faire de quelconques promesses, mais a déclaré qu’il comptait séparer HaBayit HaYehudi et l’Union nationale — l’autre formation de ligne dure de l’alliance — d’Otzma Yehudit au lendemain des élections.
Néanmoins, il a pris la défense de Ben Ari, qui a fait l’objet d’une décision « discriminatoire » selon lui après l’interdiction de la candidature du n°5 de sa liste par la Cour suprême. Celle-ci a par ailleurs autorisé le responsable politique d’extrême gauche Ofer Kassif de l’alliance Hadash-Taal ainsi que la liste arabe israélienne Raam-Balad.
Peretz a reconnu que Ben Ari « pouvait parler un langage un peu dur, mais qu’il ne parlera jamais en mal de l’État d’Israël ou des soldats de l’armée israélienne. » Kassif, à l’inverse, les a comparés au régime nazi.
Le dirigeant de HaBayit HaYehudi a estimé que la décision de fusionner avec Otzma Yehudit — dans un accord orchestré par le Premier ministre Benjamin Netanyahu — est née d’un sens de la « responsabilité nationale » : empêcher un gouvernement de gauche. Peretz a admis également que la crainte de ne pas obtenir suffisamment de voix pour atteindre le seuil électoral requis a également fait « partie de l’équation. »
Le parti religieux sioniste pas seulement pour les religieux
Le dirigeant de 63 ans a été élu à la tête de HaBayit HaYehudi début février, remplaçant Naftali Bennett, qui avait abandonné le parti national religieux plusieurs semaines auparavant afin de créer le parti HaYamin HaHadash avec Ayelet Shaked.
L’ancien pilote de l’arme de l’air s’est depuis efforcé de stopper l’hémorragie des soutiens, le parti fluctuant entre huit et cinq sièges selon les sondages.
Cette crainte est particulièrement pertinente au vu de la course serrée entre les deux partis majeurs — le Likud et Kakhol lavan — à deux semaines à peine du vote du 9 avril.
Comme lors des dernières élections, Netanyahu a averti qu’il risquait de perdre son poste de Premier ministre. Ce message également véhiculé en 2015 avait poussé les électeurs de HaBayit HaYehudi à se détourner du parti et à voter « stratégiquement » pour le Likud. Ce report de voix avait permis au Likud de remporter 30 sièges, au détriment du parti religieux qui en avait glané huit – contre les 12 dont il disposait précédemment à la Knesset.
Alors qu’un scénario similaire semble s’esquisser cette année, Peretz s’est dit moins inquiet que son électorat abandonne la formation nationaliste. « Notre base est plus solide aujourd’hui. Elle n’oscille pas. »
« Nous nous sommes beaucoup investis pour rencontrer nos électeurs et leur expliquer pourquoi il fallait un parti fort à la droite de Netanyahu qui défendra clairement nos valeurs et notre souveraineté sur l’ensemble de la Terre d’Israël, »a-t-il indiqué.
Au vu de la forte approbation au sein du parti de la fusion avec les extrémistes d’Otzma Yehudit, Peretz pourrait bien lire l’avenir avec précision.
Néanmoins, le novice en politique souhaite également « rappeler » aux Israéliens que bien que HaBayit HaYehudi (et l’Union des partis de droite qu’il dirige) soit le parti du mouvement sioniste religieux, il n’est pas réservé aux électeurs religieux.
« Le sionisme religieux n’appartient pas uniquement à un sous-ensemble spécifique, » a-t-il insisté, rejetant également la notion que son parti représenterait l’électorat religieux nationaliste de ligne dure alors que les autres partis de droite existeraient pour servir les Israéliens plus laïcs et modérés.
« Je suis un homme de la périphérie, » a indiqué celui qui réside à Naveh près de la bande de Gaza, tentant visiblement d’éloigner la liste qu’il dirige de son image historique de parti dirigé par une élite religieuse nationaliste.
« Mes étudiants venaient d’endroits où la religiosité était bien plus modérée, » a-t-il dit, évoquant la prépa militaire Otzem qu’il a fondée en 1992 et dirigée pendant des décennies.
Notre base est plus solide aujourd’hui. Elle n’oscille pas.
« Notre parti a une très grande envergure. Il s’étend des Druzes et Bédouins aux Israéliens traditionalistes et laïcs en passant par les Harédim, » a assuré Peretz, ouvrant les bras pour illustrer ses propos.
Il a souligné certaines valeurs que les institutions sionistes religieuses, dont son parti, souhaitent transmettre : le sens du service, le volontariat, l’éducation — « ce ne sont pas des valeurs religieuses. »
« C’est vrai, nous ne sommes pas un parti qui se dit moitié religieux et moitié laïc, » a-t-il dit en référence au parti de Naftali Bennett. « Nous ne sommes pas gênés par le fait de consulter des rabbins et nous brandissons fièrement le drapeau de la Torah. »
En quittant HaBayit HaYehudi en décembre, Bennett et Shaked se sont justifiés en affirmant être menottés par la direction religieuse nationaliste, « dans la poche », selon eux, de Netanyahu.
Sous Bennett, HaBayit HaYehudi s’est largement fait discret sur les questions liées à la religion et l’Etat, préférant s’engager dans des combats autres.
Peretz a promis que sous sa direction, la formation ne « resterait pas dans le flou en ce qui concerne le caractère juif de l’Etat. » Il a souligné qu’il maintiendrait le statu-quo en termes de respect de Shabbat dans la sphère publique ainsi que le protocole mis en place pour la prière au mur Occidental.
« Il faut dire très clairement que les hommes et les femmes doivent être séparés au Kotel, » a-t-il assuré, établissant ensuite clairement que les femmes ont le droit de « prier comme elles veulent » dans la zone qui leur est réservée.
Il a également fait part de son soutien à l’accord, actuellement gelé, qui permettrait l’élargissement de l’espace de prières pluraliste au mur Occidental et l’établissement d’une autorité unique en son genre de responsables juifs non-orthodoxes pour le site.
En juillet 2017, Netanyahu — sous la pression de ses partenaires de coalition ultra-orthodoxes – avait décidé de retarder l’avancement de cet accord conclu entre le gouvernement et des responsables juifs non orthodoxes en janvier 2016.
« S’il y a un accord, je ne vais pas appeler à son annulation. Je respecte profondément les Juifs de la diaspora, » a soutenu Peretz.
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