Blinken : L’accord sur les otages est proche, Trump prendra la suite s’il n’est pas finalisé
Le secrétaire d'État se dit prêt à passer le relais des projets d'après-guerre à Gaza et de normalisation avec l'Arabie saoudite ; des voix mettent en garde contre la mise en œuvre des lois anti-UNRWA
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré mercredi que les médiateurs étaient « très proches » de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu et de libération d’otages entre Israël et le Hamas, même si la finalisation intervenait du temps de la prochaine administration.
« J’espère que nous réussirons dans le temps qui nous reste, mais à défaut, le plan du président Biden pour un cessez-le-feu et la libération des otages sera remis à la nouvelle administration. Et lorsque nous obtiendrons cet accord – et c’est un fait que nous l’obtiendrons –, il sera basé sur le plan proposé par le président Biden en mai dernier » a déclaré Blinken lors d’une conférence de presse avec son homologue français à Paris.
Le plan dévoilé par Biden en mai dernier s’inspirait d’une proposition israélienne validée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avec une libération d’otages en trois étapes.
À l’heure actuelle, les médiateurs des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte travaillent surtout à la première phase de ce projet, au cours de laquelle certains otages – femmes, personnes âgées et malades en état grave – seraient libérés en l’échange de centaines de prisonniers de sécurité palestiniens, d’un retrait partiel de Tsahal de Gaza et d’un afflux massif d’aide humanitaire dans la bande de Gaza.
Transitoire, ce cessez-le-feu durerait environ six semaines et permettrait la libération de 34 otages, expliquent des sources bien informées des négociations au Times of Israel.
M. Blinken a rappelé que l’administration Biden avait consacré beaucoup de temps à la promotion d’une initiative pour l’après-guerre à Gaza, comportant des dispositions en matière de sécurité, de gestion et de reconstruction de la bande de Gaza.
« Là aussi, nous sommes prêts à passer le relais à l’administration [Trump] afin qu’elle puisse s’en servir lorsque l’occasion se présentera », a-t-il ajouté.
Il a ensuite souligné le travail accompli par l’administration Biden pour parvenir à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite.
« Tout cela est prêt à être mis en œuvre si l’occasion se présente, avec un cessez-le-feu à Gaza, ainsi que des accords sur la voie à suivre pour les Palestiniens », a ajouté Blinken. « Il y a donc d’énormes opportunités à saisir là-bas. »
Blinken a indiqué que le projet du « Jour d’après » de l’administration sortante pour Gaza et le projet de normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite étaient prêts à être mis en œuvre, mais ces deux initiatives se heurtent encore à des obstacles importants en raison du refus de Netanyahu de permettre à l’Autorité palestinienne de prendre pied à Gaza et d’accéder à la demande de Riyad concernant une solution à deux États.
Tandis que Blinken évoquait les opportunités pour le président élu Trump de tirer parti du travail de l’administration sortante, les assistants de Biden informaient en privé leurs homologues de l’administration Trump des problèmes récurrents dans la région.
Lors de l’un de ces briefings avec Joel Rayburn, membre de l’équipe de transition de Trump et prochain secrétaire d’État adjoint aux affaires du Proche-Orient, des responsables du Département d’État ont expliqué que l’entrée en vigueur de la loi israélienne adoptée il y a peu pour porter un coup fatal à l’agence de l’ONU connue sous le nom d’UNRWA, à Gaza, pourrait donner lieu une « catastrophe » humanitaire.
Cette loi interdit en effet tout contact entre Israël et l’UNRWA, ce qui risque de gravement porter atteinte à son activité dans la bande de Gaza : il est prévu qu’elle entre en vigueur à la fin du mois.
Selon le site d’information Axios, des membres de l’administration Biden auraient indiqué à Rayburn qu’aucun projet alternatif d’aide humanitaire aux Palestiniens n’avait été proposé.
L’administration Biden sortante passe le relais à la nouvelle administration Trump sur les pourparlers concernant les otages et le nouvel envoyé pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a déclaré mardi qu’il se rendrait à Doha mercredi soir pour participer aux négociations, qui, selon lui, pourraient être conclusives.
Avant de partir, il devait s’entretenir avec le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, proche confident de Netanyahu, actuellement aux États-Unis pour des réunions avec les principaux conseillers de Biden et Trump.
Witkoff a par ailleurs déclaré mercredi à la chaîne N12 que l’accord relatif aux otages était la « mission prioritaire de Trump avant son investiture » et que le président élu lui avait demandé « de faire le nécessaire pour que l’accord soit conclu ».
« Il préfère une solution diplomatique, mais si ça ne se passe pas de cette manière, alors les conséquences seront lourdes », a déclaré Witkoff.
Trump a redit mardi que « ce serait l’enfer » au Moyen-Orient si les otages n’étaient pas libérés d’ici son investiture, le 20 janvier prochain.
Selon une source proche du dossier, Witkoff travaillera sans doute en étroite collaboration avec Eric Trager, futur directeur principal du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
Membre Républicain de la commission des forces armées du Sénat, Trager a travaillé au Washington Institute for Near East Policy, groupe de réflexion pro-Israël à Washington. Il succèdera à Brett McGurk, qui a joué un rôle majeur dans l’élaboration de la politique du président américain sortant Joe Biden au Moyen-Orient.
Il n’est pas certain que Trager aura autant d’influence que son prédécesseur, compte tenu des nominations de Witkoff, de son adjoint Morgan Ortagus, de l’envoyé pour les otages Adam Boehler et du conseiller principal pour les affaires arabes et du Moyen-Orient, Massad Boulos.
Trager a adopté des positions bellicistes en matière de politique étrangère concernant le Moyen-Orient et ses recherches ont surtout tourné autour de l’Égypte et des Frères musulmans.
Mercredi toujours, les proches des sept otages américano-israéliens encore à Gaza ont annoncé qu’ils assisteraient à l’investiture de Trump.
Lors de leur séjour à Washington, les familles ont prévu de prendre contact avec les membres de la nouvelle administration Trump et des membres du Congrès, ont-elles déclaré ensemble en demandant aux dirigeants de donner la priorité à la libération de leurs proches.
Si les équipes de Trump et Biden parlent de négociations sur le point de se conclure, un diplomate arabe de haut rang impliqué dans les pourparlers a déclaré mercredi au Times of Israel que d’importants obstacles subsistaient et que les progrès se faisaient à pas comptés.
Mercredi encore, le cabinet Netanyahu a démenti une information des médias libanais selon laquelle les négociateurs examinaient la possibilité d’une trêve de six à huit semaines au cours de laquelle Israël recevrait la liste des otages encore en vie.
Au même moment, des proches d’otages détenus à Gaza ont manifesté devant le siège du Likud, à Tel Aviv, pour demander un accord permettant la libération de tous les otages sans exception. Les manifestants ont bloqué la circulation sur la rue King George en défilant avec une pancarte surlaquelle on pouvait lire, en anglais : « Finissez cette guerre. Concluez un accord sur les otages maintenant. »