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C’est dans la « nature » des Arabes de tuer, laisse entendre le chef de la police

Les politiciens arabes appellent à limoger Shabtai, qui accuse Ben Gvir d'avoir laissé fuiter le contenu d'une conversation téléphonique en pleine querelle sur la garde nationale

Le député Itamar Ben Gvir, à gauche, et le chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, assistent à une réunion de la commission spéciale à la Knesset à Jérusalem, le 14 décembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le député Itamar Ben Gvir, à gauche, et le chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, assistent à une réunion de la commission spéciale à la Knesset à Jérusalem, le 14 décembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Au cours d’un entretien téléphonique avec le ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, qui aurait laissé fuiter le contenu de la conversation auprès des médias, le commissaire de la police israélienne, Kobi Shabtaï, a affirmé que c’était dans la « nature » et dans la « mentalité » des Arabes israéliens de tuer.

Des propos qui auraient été tenus alors que les deux hauts-responsables discutaient sur la garde nationale que Ben Gvir cherche à établir, en partie pour combattre le crime dans les communautés arabes qui a atteint un niveau record.

« Un meurtre après l’autre. Toutes les limites ont été franchies. Nous avons besoin d’une garde nationale forte », a dit Ben Gvir au cours de cet échange, selon une retranscription qui a fuité mardi auprès de la Douzième chaîne.

« M. le ministre, il n’y a rien à faire. Ils s’entretuent. C’est dans leur nature. C’est dans la mentalité des Arabes », a répondu Shabtai.

Cela fait plus d’une semaine que Ben Gvir et Shabtai sont en conflit sur la question de la garde nationale, alors que le commissaire de police a mis en garde contre un placement direct de cette dernière sous l’autorité du ministre d’extrême-droite. La décision prise par ce dernier de laisser fuiter les contenus de leur conversation privée semble marquer une nouvelle dégradation dans les relations entre le ministre en charge de la police et le commissaire.

Le bureau de Shabtai s’est insurgé face à cette fuite dans les médias, disant que le commissaire était choqué par « l’enregistrement » par Ben Gvir « de conversations personnelles entre le ministre et le commissaire » et dénonçant « des paroles qui ont été sorties de leur contexte dans un échange qui portait sur des tendances de comportement au sein de la société arabe ».

Le communiqué émis par la police n’a pas cherché à démentir les propos controversés attribués à Shabtai, déplorant une « tendance au sein de la communauté arabe », selon le commissaire, « où les membres refusent de révéler l’identité des meurtriers, même lorsqu’elle est connue des proches des victimes ».

La police sur les lieux d’une fusillade à Umm al-Fahm, dans le nord du pays, le 2 avril 2023. (Crédit : Police israélienne)

Le bureau de Shabtai a indiqué que la décision prise par Ben Gvir de laisser fuiter la conversation « remet en question les capacités de la police à rendre des comptes au ministre sans craindre que des sources soient révélées ou que des conversations soient dénaturées ».

Le bureau de Ben Gvir n’a, pour sa part, pas encore réagi.

Ayman Odeh, qui préside une alliance arabe radicale Hadash-Taal, a appelé à ce que Shabtai soit démis de ses fonctions suite à ces paroles. Il a par ailleurs affirmé que ces dernières étaient un mensonge.

« Le nombre de Palestiniens [arabes israéliens] tués dans des incidents criminels en Israël est sept fois plus élevé que le nombre de Palestiniens tués dans des incidents racistes en Cisjordanie, à Gaza et en Jordanie », a écrit Odeh sur Twitter. « Ce n’est pas dans la nature des Palestiniens, c’est dans la nature de l’establishment raciste. »

« Dans tout autre pays, un chef de la police raciste comme Shabtai serait renvoyé en une fraction de seconde. Shabtai, démissionnez ! », a-t-il ajouté.

Mansour Abbas, à la tête de la faction Raam, une formation islamiste arabe plus modérée, a estimé que Shabtai devait avoir l’opportunité de présenter des excuses.

« J’attends du commissaire de police qu’il retire ses propos obscènes sur la communauté arabe et qu’il présente ses excuses au public arabe, ou bien il devra démissionner de son poste », a noté Abbas, qui a vivement recommandé « au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au président Isaac Herzog de condamner avec force les déclarations racistes de Shabtai ».

Selon la Douzième chaîne, Abbas s’est ultérieurement entretenu avec Shabtai qui a affirmé que ses paroles avaient été sorties de leur contexte et qu’il n’avait eu aucunement l’intention de blesser les Arabes israéliens. Il a aussi souligné son engagement en faveur de la lutte contre les violences et contre le crime dans les villes arabes, disant qu’il considérait que les communautés étaient ses partenaires dans ce combat.

Le leader de Raam, le député Mansour Abbas, dirigeant une discussion et un vote sur un projet de loi visant à dissoudre la Knesset, le 29 juin 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Dans le reste de la conversation qui a été publiée mardi, Ben Gvir a insisté sur le fait que le crime devait être éradiqué dans les communautés arabes, malgré le pessimisme exprimé par le commissaire de police.

« Il faut empêcher les meurtres des Arabes et des Juifs », a-t-il dit.

« Nous travaillons à Ramle et à Lod », deux villes comptant des résidents Juifs et Arabes, a noté Shabtai. « Nous nous sommes entretenus avec d’importantes personnalités de la communauté arabe et nous tentons d’apaiser la situation ».

« Ce n’est pas suffisant de le dire », a riposté Ben Gvir. « Souvenez-vous de ce qui s’est passé avec les émeutes qui ont eu lieu dans les villes mixtes [au mois de mai 2021] pendant l’Opération Gardien des murs. Je comprends que c’est difficile mais c’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une garde nationale. Si vous montrez que vous êtes sérieux, alors elle pourra être placée sous votre commandement. Si ce n’est pas le cas, alors j’ouvrirai un nouveau chapitre et elle sera soumise à mon autorité. »

Les communautés arabes connaissent une recrudescence des violences, ces dernières années. Un grand nombre des Arabes israéliens en attribuent la responsabilité à la police qui, selon eux, a été dans l’incapacité de réprimer les puissantes organisations criminelles et qui détourne largement le regard face aux violences – conflits entre familles, guerres des gangs et violences faites aux femmes.

Selon Abraham Initiatives, le groupe de veille qui suit les violences dans la population arabe israélienne, 43 Arabes israéliens ont trouvé la mort dans des incidents violents depuis le début de l’année.

Mardi en début de matinée, Shabtai avait mis en garde contre la proposition du gouvernement concernant l’établissement d’une garde nationale placée sous l’autorité de Ben Gvir et ne relevant pas des compétences de la police, affirmant qu’une telle initiative briserait les forces de police de l’intérieur tout en portant préjudice à la sécurité des citoyens.

Des manifestants rassemblés à Tel Aviv pour protester contre le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et sa proposition de formation d’une garde nationale, le 29 mars 2023. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

Le cabinet avait voté, dimanche, l’approbation de la création de cette garde qui, sur la demande de Ben Gvir, serait placée directement sous son commandement.

S’exprimant lors d’une cérémonie organisée au Western Galilee College lors de l’inauguration d’un nouveau centre de recherche sur la sécurité individuelle, Shabtai avait noté que son opposition à l’arrangement proposé n’était pas un secret et il avait répété qu’il était nécessaire de conserver toutes les forces chargées du maintien de l’ordre sous un seul et unique commandement.

« La création d’une garde nationale subordonnée au bureau [de Ben Gvir] est une mesure inutile qui aura un prix très élevé, au point de nuire à la sécurité individuelle des citoyens », avait-il indiqué.

« Déconnecter du contrôle de la police la garde nationale anéantira la sécurité individuelle ; ce sera sera un gaspillage de ressources et cela conduira, à terme, à une désintégration de la police israélienne qui sera rongée de l’intérieur », avait-il ajouté.

Itamar Ben Gvir s’exprimant depuis le podium de la Knesset, le 22 mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Cette nouvelle unité controversée devrait être formée de 2 000 membres qui auront la charge de s’attaquer « aux crimes nationalistes » et au terrorisme, et qui devront aussi « restaurer la gouvernance là où c’est nécessaire ». Le calendrier de la mise en place de cette garde reste indéterminée et elle devrait prendre des mois. C’est une commission qui décidera si la garde, comme le réclame Ben Gvir, sera soumise à l’autorité du ministre de la Sécurité nationale.

La procureure-générale Gali Baharav-Miara avait tiré dimanche la sonnette d’alarme, disant au gouvernement qu’il y avait « une entrave juridique » à la version actuelle de la proposition et ajoutant que la police était apte à relever les défis qu’elle est amenée à affronter sans être par ailleurs en concurrence avec une autre unité.

Le Premier ministre avait promis à Ben Gvir, la semaine dernière, qu’il présenterait la question au vote lors de la réunion du cabinet. En échange de cet engagement, Ben Gvir avait accepté de mettre en pause l’avancée, à la Knesset, des législations entrant dans le cadre des réformes judiciaires radicales promues par le gouvernement.

L’autorité accordée à la garde nationale et la question de savoir à qui elle devra rendre des comptes seront discutées par une commission formée de représentants de différentes instances sécuritaires et autres agences gouvernementales qui livreront leurs conclusions dans les 90 jours, a annoncé un communiqué émis par le cabinet.

De nombreux anciens commandants de la police ont dénoncé ce plan et notamment Moshe Karadi, ex-commissaire, qui a estimé que Ben Gvir pourrait utiliser la garde pour lancer « un coup d’État ». Par ailleurs, des groupes issus de la société civile ainsi que des politiciens de l’opposition ont, eux aussi, exprimé leur inquiétude à l’idée de placer une telle unité sous le contrôle direct d’un ministre, affirmant que le maintien de l’ordre s’en trouvera politisé et que le principe d’égalité devant la force publique sera violé.

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