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Dans le fief des djihadistes de l’EI en Syrie, « tout est noir »

Les membres de l'EI sont bien payés et le groupe fonctionne comme une mafia

Des membres armés du groupe terroriste Etat islamique (Crédit capture d'écran YouTube)
Des membres armés du groupe terroriste Etat islamique (Crédit capture d'écran YouTube)

Le fief du groupe Etat islamique (EI) en Syrie est monochrome: tout y est noir, depuis les turbans des hommes jusqu’aux voiles des femmes. Même les passeports.

« Les drapeaux noirs de l’EI sont partout. Les femmes sont couvertes de la tête aux pieds par des burqas noires et ne peuvent sortir de chez elles que si elles sont accompagnées de leur père, leur frère ou leur mari », déclare Abou Youssef, militant de la province de Raqa, bastion de l’EI dans le Nord syrien.

Et les passeports de l’EI ? « Noirs ».

A Raqa, l’EI régit tous les aspects de la vie. Les djihadistes — seuls autorisés à posséder des armes — paradent dans les rues, kalachnikov ou pistolets au poing, et deux forces de sécurité distinctes sont chargées de contrôler les femmes et les hommes, raconte Abou Youssef via internet.

« La brigade Khansaa est composée de femmes membres de l’EI. Elles sont armées et ont le droit d’arrêter et de fouiller n’importe quelle femme dans la rue », explique le militant.

La brigade Hesbeh agit de même avec les hommes, se chargeant elle aussi d’imposer la vision de l’EI de la loi islamique.

L’EI a également « des ministères pour tout ce que vous pouvez imaginer: éducation, santé, eau, électricité, affaires religieuses et défense. Tous les ministères occupent d’anciens immeubles du gouvernement ».

« Il y a même une autorité de protection des consommateurs », ironise-t-il.

L’éducation est basée sur une stricte interprétation de la loi islamique, et des camps d’entraînement pour les jeunes garçons ont été mis en place, précise-t-il.

– ‘Rien d’amusant’ –

Les jihadistes interdisent aux habitants de profiter des lieux publics auxquels eux-mêmes ont accès, rapportent régulièrement des militants à Raqa, qui ont diffusé sur internet des photos montrant des cafés remplis uniquement de djihadistes.

A Deir Ezzor, ville de l’Est syrien où les habitants ont vainement tenté de repousser l’EI, tous les cafés ont fermé.

« Rien de bon ou d’amusant n’est autorisé », déclare le militant Rayan al-Fourati, via internet.

« C’est impossible d’imaginer quelqu’un fumer, ou vendre du tabac. C’est impossible de voir une femme sans voile intégral. Et chaque jour, quand le muezzin appelle à la prière, tout le monde ferme sa boutique et va à la mosquée, sous peine de prison ».

Les djihadistes, eux, bénéficient de nombreux avantages.

Le salaire de base de l’EI est de 300 dollars par mois, selon Fourat al-Wafaa, un militant de Raqa utilisant un pseudonyme. « Dans les circonstances actuelles, cela représente beaucoup d’argent », déclare-t-il via internet.

Mais cette générosité ne s’étend pas aux habitants.

« L’EI n’est pas vraiment un Etat. Il donne à ses membres tous les avantages qu’ils veulent, mais les autres citoyens n’en bénéficient pas », explique Fourat.

« C’est une mafia qui gouverne par la terreur. Et les gens sont forcés par la faim à rejoindre leurs rangs, car c’est la seule manière d’avoir un salaire décent ».

D’autant que l’EI prélève des impôts : des commerçants, déjà appauvris par la guerre, doivent ainsi payer 60 dollars par mois.

« Même ceux qui sont trop pauvres pour payer doivent s’y plier. Alors les gens rejoignent (l’EI) car ils doivent choisir entre mourir de faim ou les rejoindre et se livrer eux aussi à l’extorsion », déclare le militant.

– Mouvement de colonisation –

Pour Rayan al-Fourati, qui a récemment fui Deir Ezzor, l’EI s’apparente à un mouvement de colonisation.

« Il y a des djihadistes étrangers, même des Américains, qui vivent avec leurs familles là où nous vivions avant », déclare-t-il, utilisant un pseudonyme.

Les djihadistes ont pris possession de champs pétroliers et gaziers, de centrales électriques et de barrages, qu’ils maintiennent en activité, versant un salaire supplémentaire aux employés de ces infrastructures, qui continuent également à recevoir de l’argent du gouvernement syrien.

Selon Rayan, les employés appartenant à la minorité alaouite du président Bashar el-Assad ont fui quand l’EI est arrivé dans la province. Mais les autres sont restés, après avoir « reçu des garanties qu’on ne leur ferait pas de mal ».

Selon Nael Moustafa, un autre militant vivant toujours à Raqa et contacté via internet, les jihadistes n’hésitent pas à fouiller les maisons, les téléphones et les ordinateurs à la recherche de preuves de ce qu’ils considèrent comme des pratiques « immorales ».

« Ils pensent que tout appartient à Dieu et se trouve donc sous leur contrôle », souligne-t-il.

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