Des chrétiens pro-israéliens en Israël pour soutenir le pays
Des centaines de sympathisants venus du monde entier témoignent de leur solidarité en se rendant sur les lieux du carnage du Hamas et en aidant les rescapés
Depuis l’abri anti-bombes de l’aéroport Ben Gurion où il a trouvé refuge lorsque les sirènes ont retenti, Jani Salokangas dit qu’il aurait aimé pouvoir rester en Israël plutôt que de reprendre l’avion pour retrouver sa femme et ses cinq enfants en Finlande.
« Je suis triste de devoir partir. J’aurais aimé rester et faire quelque chose », explique Salokangas, dirigeant communautaire chrétien pro-israélien âgé de 40 ans, qui était en Israël le 7 octobre à la tête d’une délégation de 80 personnes de son église.
Il est revenu en Israël le mois dernier, soit quatre mois après le déclenchement de la guerre par le Hamas le 7 octobre, avec une autre délégation finlandaise qu’il a conduite dans le sud d’Israël dans le cadre d’un voyage de solidarité au cours duquel les participants ont fait du bénévolat, recueilli les témoignages des crimes du Hamas et beaucoup prié pour Israël.
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Cette délégation est l’une des dizaines, composées de groupes chrétiens, à être revenues en Israël pour témoigner leur solidarité – parfois sous les tirs de roquettes – au plus près de l’épicentre de la tragédie. Se sentant intimement liés à Israël et au judaïsme, leurs membres voient dans la guerre les prémices d’une alliance judéo-chrétienne à la fois rénovée et renforcée, mise à mal l’an dernier par les agissements de Juifs fanatiques à Jérusalem.
Pour David Parsons, vice-président de l’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem, ces actes – harcèlement de prêtres et de pèlerins dans la Vieille Ville, rassemblement violent le 28 mai près du mur Occidental contre un office de prière chrétien – étaient « inquiétants ». Mais « après le 7 octobre, la plupart des chrétiens pro-Israël ont rapidement oublié [ces incidents] », ajoute Parsons, dont l’éminent groupe chrétien pro-Israël a été fondé en 1980.
Dans un article paru en juin dans le quotidien israélien en hébreu Maariv, le président de l’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem, le Dr Juergen Buehler, qualifiait les événements du 28 mai de sans précédent. « C’est l’une des rares fois où j’ai eu peur de me faire agresser en Israël. Je n’avais jamais connu une telle hostilité auparavant », affirmait Buehler, ministre du culte et physicien d’origine allemande installé en Israël depuis 1994 et dont les deux fils servent dans des unités de combat de l’armée israélienne.
Les insultes de mai dernier « étaient dirigées contre des gens qui avaient dépensé beaucoup d’argent pour venir en Israël et qui ont vécu une très mauvaise expérience en Terre sainte. Je trouve cela vraiment regrettable », expliquait Buehler au Maariv.
Fort de plusieurs centaines de manifestants, le rassemblement était dirigé par le maire adjoint de Jérusalem, Aryeh King. Certains d’entre eux ont affronté à la police, ont crié aux chrétiens rassemblés près du mur Occidental de « rentrer chez eux » et de « cesser de faire du prosélytisme ».
Cette manifestation venait à la suite d’une série d’incidents impliquant le clergé à Jérusalem. Dans des dizaines de cas, des juifs orthodoxes ont été filmés en train de cracher au sol devant des membres du clergé et d’autres chrétiens. Un autre incident de ce type a eu lieu ce mois-ci et a conduit à l’arrestation de deux personnes soupçonnées d’avoir craché sur le sol en passant près d’un prêtre catholique, un acte qui pourrait être poursuivi comme un crime de haine.
Cependant, les événements du 7 octobre, où quelque 3 000 terroristes du Hamas ont déferlé sur Israël et assassiné près de 1 200 personnes, entre autres crimes de guerre, « ont éclipsé les problèmes auxquels nous avons été confrontés auparavant et ont vraiment renforcé l’attachement du monde chrétien à Israël », a ajouté Parsons.
« Il est question d’un attachement émotionnel qui fait que, lorsque d’innombrables chrétiens pro-israéliens se lèvent le matin, la première chose qu’ils font est de consulter les informations les plus récentes sur ce qui se passe ici », a ajouté Parsons, qui est né en Caroline du Nord mais qui vit en Israël depuis une trentaine d’années avec sa femme née aux Pays-Bas. Le couple a un fils de 24 ans, né en Israël.
Des attitudes changeantes parmi les anciens partisans les plus fidèles
Les tensions liées au harcèlement anti-chrétien coïncidaient avec des changements plus profonds dans les attitudes à l’égard d’Israël au sein des cercles évangéliques, selon un nouvel ouvrage consacré à cette question par deux universitaires, Motti Inbari et Kirill Bumin. Les auteurs révèlent dans ce livre, intitulé « Christian Zionism in the Twenty-First Century : American Evangelical Opinion on Israel », à travers une série de sondages qu’alors que le soutien à Israël a diminué parmi les évangéliques alors que le soutien aux Palestiniens augmente.
Un sondage réalisé en 2018 auprès d’évangéliques de moins de 30 ans indiquait un soutien à Israël de 68,9 % et aux Palestiniens de 5 %. En revanche, dans un sondage de suivi réalisé en 2021, le soutien à Israël a chuté à seulement 33,6 %, tandis que le soutien aux Palestiniens a grimpé à 24,3 %. Selon Inbari, ces chiffres pourraient refléter « une rébellion juvénile » de la part des évangéliques « défiant la politique de leurs parents ». Les réseaux sociaux, a-t-il ajouté, pourraient également jouer un rôle.
Le soutien à Israël unit néanmoins des millions de chrétiens évangéliques du monde entier et des milliers d’entre eux vivent dans des sociétés où Israël n’est pas très populaire, comme la Norvège.
Dag Juliussen, responsable des opérations de l’Ambassade chrétienne internationale de Jérusalem en Norvège, affirme que la guerre galvanise le soutien à Israël en Norvège, où des centaines de personnes ont récemment participé à une veillée de solidarité soutenue officiellement par les évêques catholiques du pays pour la première fois dans l’histoire.
Âgé de 51 ans et père de trois enfants, il vit près d’Oslo. Il a lui aussi quitté Israël après le 7 octobre ainsi que les membres d’une délégation dont il était responsable. Comme Salokangas, Juliussen est revenu ce mois-ci avec la première grande délégation chrétienne de Norvège depuis la guerre.
« Nous sommes ici pour réconforter le peuple juif, ce qui est notre mission, mais nous sommes aussi ici pour témoigner de ce qui a été fait à Israël et à son peuple », a indiqué Juliussen.
Chrétiens pour Israël, un groupe basé aux Pays-Bas, a organisé l’une des premières délégations en Israël après le 7 octobre et a amené des dizaines de militants dans le sud, alors même que le Hamas tirait quotidiennement des centaines de roquettes sur ce pays. L’une des activités de la délégation a consisté à planter des tulipes, la fleur nationale des Pays-Bas, à Sderot.
Pendant la guerre, le groupe Chrétiens pour Israël a organisé de nombreux rassemblements aux Pays-Bas, où Israël est poursuivi devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour génocide, une allégation qu’Israël et ses alliés rejettent catégoriquement.
Une relation de long terme
De nombreuses délégations chrétiennes en visite entretiennent des relations de longue date avec les communautés proches de Gaza, auxquelles les organisations chrétiennes font des dons depuis des années parce que le Hamas les prend pour cible de ses roquettes depuis 2001.
Le 5 octobre, l’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem a emmené 600 chrétiens rencontrer Ofir Libstein, chef du conseil régional de Shaar Hanegev, près de Sderot. Le 7 octobre, Libstein a été assassiné par des terroristes.
« Ce sont des gens que nous connaissons depuis des années, des endroits que nous avons déjà visités, ce conflit n’est pas abstrait pour nous », a affirmé Paul Webber, 60 ans, père de cinq enfants, qui vit en Arizona. Le mois dernier, Webber a dirigé une délégation de membres de Passages, un groupe pro-israélien qui a permis à plus de 11 000 jeunes chrétiens de se rendre en Israël.
Les survivants rencontrés par la délégation de Passages le mois dernier, a-t-il ajouté, « semblaient marqués, changés pour la vie […] on pourrait dire qu’ils revoient sans cesse les scènes d’horreur dont ils ont été témoins », a-t-il déclaré. « Il n’y a pas de mots pour décrire cela. Il n’y a pas de mots pour décrire les horreurs, tout ce mal qui a été commis là-bas. »
Passages a fait don de 500 000 dollars en vue d’apporter un soutien psychologique aux survivants de Kfar Aza et de Netiv Haasara, deux des communautés les plus durement touchées le 7 octobre, avec lesquelles Passages entretient une relation de longue date.
Un autre montant de 20 millions de dollars destiné aux habitants du sud d’Israël provient de l’International Fellowship of Christians and Jews, dirigé par Yael Eckstein, fille du fondateur de l’IFCJ, Yechiel Eckstein. Cette grande organisation caritative s’appuie sur les dons des chrétiens pour aider chaque année des milliers d’Israéliens et d’autres Juifs.
Il n’y a pas de mots pour décrire l’horreur, le mal qui s’y est déroulé ».
L’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem a collecté des millions de dollars supplémentaires, dont une partie a été affectée à l’amélioration des abris et à d’autres mesures de préparation en cas de guerre.
« J’espère qu’à mesure que les juifs verront les chrétiens prendre une position plus visible, les relations changeront pour le mieux. J’espère que cela nous rapprochera en tant que famille », a déclaré Webber.
Le Norvégien Juliussen doute toutefois que la solidarité chrétienne puisse faire changer d’avis les extrémistes juifs.
« Ceux qui pensent réellement que les chrétiens font du prosélytisme verront probablement ces actes comme une stratégie missionnaire, malheureusement », a-t-il déclaré. La voie à suivre, selon lui, est celle de « l’amour que nous, chrétiens, devons maintenir malgré les défis ».
Selon l’évêque Paul Lanier, président du conseil d’administration de l’Association internationale des chrétiens et des juifs, la guerre contre le Hamas a relativisé les tensions impliquant des juifs radicaux.
Les événements lors de la prière du 28 mai au mur Occidental a choqué et troublé Lanier, tout comme les incidents de harcèlement précédents, a déclaré le responsable de l’église de Winston-Salem, en Caroline du Nord. « Voir des personnes cracher sur des chrétiens qui ne faisaient qu’observer leur foi dans la rue était grotesque », se souvient-il.
Le 3 octobre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a condamné publiquement le harcèlement contre les chrétiens et « s’est attaqué à ce problème », a indiqué Lanier, 63 ans et père de deux enfants.
« Nous avons le luxe, en temps de paix, de pinailler et de devenir territoriaux », a poursuivi Lanier. « Je pense qu’il ne fait aucun doute que le massacre a totalement éclipsé la question, qui, je pense, est désormais derrière nous. »
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