Des femmes et enfants de Lev Tahor en détention attaquent la police au Guatemala
Les autorités guatémaltèques signalent que les détenus de Lev Tahor perturbent l'ordre et refusent de coopérer ; des tests ADN sont effectués pour établir leur filiation
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
Des membres de la secte juive extrémiste Lev Tahor détenus au Guatemala auraient tenté d’attaquer la police mercredi, selon les autorités guatémaltèques.
L’incident s’est produit alors que les autorités continuent de gérer les retombées d’une opération menée le mois dernier, au cours de laquelle des dizaines d’enfants ont été retirés du complexe de Lev Tahor au Guatemala en raison d’accusations de maltraitance.
Depuis leur arrestation, les membres de Lev Tahor refusent de coopérer avec les autorités. Le secrétariat du bien-être social du Guatemala, qui dépend du bureau du président, a indiqué que mercredi soir, des femmes, des enfants et des adolescents en garde à vue avaient attaqué la police et des représentants du gouvernement.
Lors de l’incident, les membres du groupe ont détruit des meubles et des fournitures, brisé des fenêtres et blessé plusieurs personnes avec les éclats de verre. Selon un communiqué, le groupe a « perturbé l’ordre » dans le refuge pendant trois nuits consécutives.
Les femmes du groupe auraient également refusé à plusieurs reprises la nourriture fournie par les autorités, a déclaré le bureau d’aide sociale mardi. Le groupe adhère à une interprétation extrême des lois alimentaires casher et se nourrit quasi-exclusivement de fruits, de légumes et de matzot.
Le procureur général du Guatemala a indiqué que, plusieurs semaines après la mise en détention des enfants, les autorités n’avaient toujours pas réussi à identifier tous les liens de parenté des enfants et des adolescents placés sous la tutelle de l’État.
« Nous n’avons pas encore pu établir l’identité de leurs parents biologiques, et ils ne possèdent pas de documents d’identité », a expliqué le procureur général. « Des tests ADN seront effectués pour déterminer l’identité de leurs parents avant de recueillir leurs déclarations. »
Des membres du groupe qui ne sont pas en détention ont manifesté devant le refuge, selon les médias locaux. Le mois dernier, certains membres de Lev Tahor détenus se sont échappés du centre de détention avec l’aide des manifestants à l’extérieur, mais ils ont été rapidement rattrapés par les autorités.
Immédiatement après la détention des enfants le mois dernier, des membres adultes du groupe leur ont crié des instructions en yiddish, leur ordonnant de frapper et de mordre les policiers et de ne pas coopérer avec les enquêteurs.
Par le passé, le groupe s’est donné beaucoup de mal pour récupérer les enfants retirés de la communauté. Le chef de Lev Tahor, Nachman Helbrans, ainsi que d’autres membres dirigeants, sont actuellement emprisonnés à New York pour avoir enlevé deux enfants dont la mère avait quitté le groupe pour les protéger. Le père de Nachman, Shlomo Helbrans, fondateur de Lev Tahor, avait lui aussi été emprisonné pour enlèvement dans les années 1990.
Des opposants au groupe ont affirmé que les enfants avaient été soumis à un « lavage de cerveau » par les dirigeants de Lev Tahor et qu’ils nécessiteraient probablement une longue convalescence pour s’acclimater à la vie en société.
Les autorités israéliennes collaborent avec leurs homologues locales sur cette affaire. Les membres de Lev Tahor sont citoyens de plusieurs pays, dont Israël, les États-Unis et le Guatemala.
La procureure générale du Guatemala, María Consuelo Porra Argueta, a rencontré l’ambassadeur d’Israël, Alon Lavi, ainsi que d’autres responsables israéliens pour discuter de l’enquête sur Lev Tahor, a rapporté mardi le ministère de la Population.
Les deux parties ont convenu de constituer une équipe de procureurs pour approfondir l’enquête, et les diplomates israéliens ont exprimé leur soutien total à ces efforts.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré jeudi que sa délégation envoyée au Guatemala avait achevé sa mission. Cette délégation comprenait des représentants des ministères des Affaires étrangères et de la Justice, du bureau du procureur de l’État, de la police israélienne et des experts en sectes du ministère des Affaires sociales.
« Les autorités israéliennes déploient tous leurs efforts pour venir en aide aux mineurs israéliens et aux autres personnes vulnérables faisant partie de la secte », a déclaré le ministère des Affaires étrangères.
Mercredi, le gouvernement guatémaltèque a annoncé sur X que le président Bernardo Arevalo s’était entretenu par téléphone avec son homologue israélien, Isaac Herzog, au sujet des enfants de la secte Lev Tahor. Herzog a exprimé sa gratitude envers le gouvernement guatémaltèque pour le « sauvetage et l’assistance » apportés aux enfants.
L’enquête sur le groupe a conduit à au moins une arrestation.
La semaine dernière, la police du Salvador a annoncé avoir arrêté Jonathan Emmanuel Cardona Castillo, membre de Lev Tahor, pour traite d’êtres humains, viol et abus de mineurs. Castillo avait tenté de franchir la frontière entre le Guatemala et le Salvador, près de la ville d’Ahuachapán, lorsqu’il a été appréhendé.
Les autorités salvadoriennes travaillent à coordonner son extradition afin qu’il puisse être poursuivi au Guatemala, a indiqué la police.
Interpol, une organisation policière internationale, avait émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Castillo à la fin du mois de décembre. Castillo, âgé de 23 ans, est citoyen du Guatemala et du Salvador et parle l’hébreu et l’espagnol, selon l’avis d’Interpol.
Les autorités guatémaltèques ont mené une descente dans l’enceinte de Lev Tahor à la fin du mois dernier, après que quatre mineurs ont fui la communauté et alerté les autorités sur des accusations de traite d’êtres humains. Environ 160 enfants et adolescents ont été retirés du groupe.
La collocation Lev Tahor se traduit par « cœur pur » – mais ses initiatives, ses manœuvres et ses plans se distinguent par leur obscurantisme. En 2017, un tribunal israélien avait estimé que le groupe était « une secte dangereuse ».
Ses membres adhèrent à une interprétation extrême et idiosyncrasique du judaïsme et des lois alimentaires de casheroute, une interprétation qui isole les membres du monde extérieur. Les hommes passent la majorité de leurs journées à prier et à étudier des extraits spécifiques de la Torah. Les femmes et les jeunes filles, pour leur part, sont tenues de s’habiller en robes noires qui leur couvrent entièrement le corps, le visage et les yeux.
Fondée par les Helbrans à Jérusalem dans les années 1980, la secte Lev Tahor est depuis des années la cible d’accusations de maltraitance d’enfants. Le groupe est passé d’un pays à l’autre pendant des années, surveillé par les autorités – avec des membres cherchant refuge, selon les époques, au Canada, en Iran, en Bosnie et au Maroc, entre autres.
Enfin, ils se sont installés au Guatemala au milieu des années 2010, établissant un complexe fermé situé à proximité de la ville d’Oratorio, aux abords de la frontière avec le Salvador.
Les opposants de la secte disent qu’elle serait en voie de désintégration depuis l’arrestation de ses dirigeants suite à l’affaire de l’enlèvement à New York.
Le mois dernier, un porte-parole de Lev Tahor avait démenti les accusations d’abus portées contre le groupe lors d’un entretien avec le Times of Israel.
Le porte-parole, Uriel Goldman, a affirmé que Lev Tahor était victime d’une persécution religieuse et politique orchestrée par le gouvernement israélien. Il a reconnu que le groupe avait suscité la colère d’Israël en demandant, il y a plus de dix ans, le statut de réfugié au Canada en tant que communauté antisioniste, ce qui aurait porté atteinte à l’image d’Israël.
Goldman a déclaré que les membres du groupe étaient détenus dans des conditions de « camp de concentration » et ne bénéficiaient pas d’un hébergement adéquat.
« Il s’agit d’une persécution religieuse et nous savons que l’État d’Israël est derrière tout cela », a-t-il déclaré.