Israël en guerre - Jour 344

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Des lettres montrent qu’Israël a cherché l’aide qatarie à Gaza dans les années menant au 7 octobre

Netanyahu a voulu pendant longtemps éviter de parler ouvertement de son accord avec Doha - mais des lettres écrites par ses conseillers révèlent que Jérusalem estimait que cette assistance était déterminante pour la stabilité régionale

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, au Bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 10 décembre 2023. L'émir du Qatar Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani au Palais de Lusail à Doha, le 6 février 2024. (Crédit : Ronen Zvulun/AP, Mark Schiefelbein/AFP)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, au Bureau du Premier ministre de Jérusalem, le 10 décembre 2023. L'émir du Qatar Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani au Palais de Lusail à Doha, le 6 février 2024. (Crédit : Ronen Zvulun/AP, Mark Schiefelbein/AFP)

Une série de documents obtenus par le Times of Israel révèle la manière dont les hauts-responsables israéliens ont cherché le soutien financier du Qatar pour stabiliser la situation humanitaire à Gaza dans les années et dans les mois qui ont précédé l’attaque meurtrière du 7 octobre, exprimant leur satisfaction face à l’assistance qui était alors fournie par l’émirat.

« Cette aide a, sans aucun doute, joué un rôle fondamental s’agissant d’améliorer de manière continue la situation humanitaire dans la bande de Gaza, ce qui a permis de maintenir la stabilité et la sécurité de la région », écrit ainsi Yossi Cohen, ex-chef du Mossad, dans un courrier adressé en 2020 à l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani. Il lui fait part, dans la même missive, « de ses remerciements et de son appréciation pour l’aide humanitaire qui a été apportée, ces dernières années, par l’État du Qatar » à l’enclave côtière.

Le Premier ministre a longtemps cherché à éviter de parler ouvertement des fonds que ses gouvernements successifs avaient pu obtenir de la part du Qatar pour soutenir Gaza, au cours de la dernière décennie. Mais ces centaines de millions de dollars versés ont à nouveau attiré l’attention après le début de la guerre que mène l’État juif contre le Hamas, alors que cette initiative qui visait apparemment à maintenir le calme sur la frontière sud de l’État juif en améliorant la situation économique à Gaza s’est soldée par un échec aux conséquences dramatiques.

Toutefois, Netanyahu a continué à dire que l’assistance qatarie avait été nécessaire pour prévenir « une catastrophe humanitaire » au sein de l’enclave côtière.

Si le Premier ministre insiste sur le fait que ce n’était pas son objectif, les critiques de cette assistance affirment depuis longtemps que l’aide versée par l’émirat a aidé à renforcer le Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne (AP), considérée comme plus modérée, qui cherche une solution à deux États dans le cadre de la résolution du conflit israélo-palestinien – un cadre auquel Netanyahu s’oppose.

Les courriers, rédigés en arabe et en anglais, qui ont été obtenus par le Times of Israel indiquent qu’Israël a cherché à garantir que les fonds ne soient pas directement versés au Hamas. Néanmoins, alors que Doha finançait les projets humanitaires dans la bande, le Hamas, qui déclare ouvertement vouloir détruire Israël, n’avait plus à se préoccuper des fonds nécessaires pour soutenir ce type d’initiative en faveur de la population palestinienne – le laissant libre de disposer de l’argent qu’il avait en sa possession et de le consacrer à ses activités militaires.

Depuis 2018, le Qatar a versé périodiquement des millions de dollars en liquide pour payer le carburant alimentant l’unique centrale électrique de la bande, pour rémunérer les fonctionnaires du Hamas et pour soutenir des dizaines de milliers de familles dans le besoin.

Dans une deuxième lettre datant de 2021, Ronen Levy — qui, à l’époque, dirigeait l’Administration du Moyen-Orient, de l’Afrique et des Liaisons spéciales au sein du Conseil de sécurité nationale – reconnaît le soutien financier apporté par Doha par le biais de la Commission de Reconstruction de Gaza, une commission qatarie, dans l’avancée « de projets civils et d’infrastructures dans l’électricité, dans les zones résidentielles, dans le secteur de la médecine et dans le soutien plus général à la population ».

« Nous répétons qu’il est important de continuer le transfert de l’aide financière humanitaire qatarie par le mécanisme existant, c’est-à-dire par l’ambassadeur [Mohammad] al-Emadi, le chef de la Commission pour la Reconstruction de Gaza au Qatar, dans le but de conserver les résultats sus-mentionnés », écrit Levy au ministère qatari des Affaires étrangères, Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al Thani.

Dans une troisième lettre envoyée quatre mois seulement avant l’attaque du 7 octobre, le Coordinateur des Activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), Ghassan Alian, informe l’ambassadeur de l’émirat, Mohammad al-Emadi, de l’avancée de l’approbation, par Israël, du projet « Gaz pour Gaza », dont l’objectif est de remplacer le carburant diesel qui alimente la centrale électrique de la bande par du gaz israélien.

« Nous sommes à votre disposition et nous veillerons à accompagner la mise en œuvre de ce projet », écrit Alian, qui semble solliciter l’assistance continue du Qatar dans le cadre de cette initiative.

L’ancien chef du Mossad Yossi Cohen ; le directeur du ministère des Affaires étrangères Ronen Levi ; le responsable du COGAT Ghassan Alian, l’envoyé du Qatar à Gaza Mohammad al-Emadi ; le ministre qatari des Affaires étrangères Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani et l’émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani. (Crédit : Collage/Flash90, State Department, AP)

Un haut-responsable israélien a confirmé l’authenticité de ces courriers, comme l’a fait une autre source proche du dossier.

Israël avait évalué que le Hamas s’intéressait davantage à la nécessité de garantir les aides économiques offertes à la bande et de maintenir le calme à Gaza – une évaluation qui, selon de nombreux observateurs, serait largement responsable de la complaisance affichée par Jérusalem à l’égard du groupe terroriste, une complaisance qui aura notamment permis, à terme, à l’organisation au pouvoir à Gaza de lancer son attaque du 7 octobre. Ce jour-là, des milliers d’hommes armés avaient franchi la frontière et ils avaient pris d’assaut les communautés et les bases militaires du sud d’Israël, tuant 1200 personnes, des civils en majorité, et enlevant 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.

Le ministère des Affaires étrangères qatari, le Bureau du Premier ministre, Cohen et le COGAT n’ont pas répondu à notre demande de réaction. Levy, pour sa part, a refusé tout commentaire.

Un autre officiel israélien, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, a fait remarquer que la relation avec le Qatar était strictement gérée par le Mossad et par le COGAT, et que toute lettre envoyée par le Conseil national de la sécurité avait été écrite à la demande de l’une de ces deux agences.

« Le soutien du Qatar, à Gaza, s’est fait conformément aux décisions prises par le sommet de la hiérarchie politique, avec l’approbation du cabinet », a ajouté le responsable israélien. « Cette aide était définie en tant qu’assistance allouée à des desseins humanitaires uniquement. »

Mohammed al-Emadi, président de la Commission nationale du Qatar pour la reconstruction de Gaza, s’exprime lors d’une conférence de presse dans la ville de Gaza, le 25 janvier 2019. (Mahmud Hams/AFP)

Le Qatar a été salué par l’un des proches conseillers de Netanyahu lorsqu’il a réussi à faire libérer quatre otages israéliens, au mois d’octobre. L’émirat a ensuite finalisé un accord entre Israël et le Hamas, le mois suivant, qui a permis à plus de cent captifs de recouvrer la liberté. Mais l’impasse survenue dans les négociations qui ont suivi ont aigri les relations entre Jérusalem et Doha, Netanyahu accusant les Qataris de ne pas appliquer des pressions suffisantes sur le Hamas.

La semaine dernière, toutefois, deux officiels ont expliqué au Times of Israel que l’émir du Qatar avait proposé d’expulser les leaders du Hamas, qui vivent à Doha, pendant une rencontre avec le Secrétaire d’État américain Antony Blinken, quelques jours après le 7 octobre.

La proposition faite par Al Thani avait été repoussée, le diplomate américain de premier plan indiquant qu’il était préférable que le Qatar utilise ses contacts avec le Hamas – par le biais du bureau dont Doha a approuvé l’installation en 2012, sur la demande de Washington – pour jouer le rôle de médiateur entre les parties en lice dans le but de finaliser un accord sur les otages, ont raconté les responsables.

Blinken a néanmoins clairement établi qu’il ne pourrait plus y avoir, au Qatar, d’immobilisme face au Hamas une fois que la guerre serait terminée, ont noté les officiels.

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