Des milliers de Syriens dans la rue pour fêter la victoire de la « révolution »
"Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni", ont scandé les fidèles, lors de la première prière du vendredi depuis la fuite d'Assad
Des milliers de Syriens en liesse sont descendus vendredi dans la rue à travers le pays pour fêter la « victoire de la révolution » après la chute du dictateur syrien Bashar el-Assad.
« Je félicite le peuple syrien pour la victoire de la révolution et je l’appelle à descendre dans la rue pour exprimer sa joie », a dit Abu Mohammad al-Jolani, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie, à la tête de la coalition armée qui a renversé Assad.
Voisine de la Syrie, la Turquie qui a salué la chute du dictateur syrien a annoncé la réouverture samedi de son ambassade à Damas. De son côté, une délégation du Qatar se rend dimanche en Syrie pour préparer la réouverture de l’ambassade selon un diplomate.
À l’issue d’une offensive de onze jours, une coalition de groupes rebelles islamistes dominée par HTS s’est emparée le 8 décembre de la capitale Damas, mettant fin à un demi-siècle de pouvoir de la famille Assad.
Des milliers d’hommes, femmes et enfants, ont convergé dans le centre des principales villes, à Damas, Homs et Alep dans le nord, ou encore Soueïda, dans le sud.
Beaucoup ont brandi le drapeau à trois étoiles – en symbole des trois principales villes – adopté par les nouvelles autorités dans une ambiance festive rappelant les grandes manifestations du début de la guerre en 2011 avant que leur répression dans le sang ne dégénère en un conflit dévastateur.
Syrians are out on the streets in their tens of thousands — celebrating the fall of #Assad's regime.
These scenes are just amazing — from #Damascus, #Homs, #Hama & #Aleppo, pure jubilation. pic.twitter.com/HVRY7UyPKa
— Charles Lister (@Charles_Lister) December 13, 2024
« Les Assad père et fils nous ont oppressés mais nous avons libéré notre pays de l’injustice », s’enthousiasme à Alep un policier de 47 ans, tandis qu’une sono diffuse slogans et chants.
« Aujourd’hui, c’est le vendredi de la victoire », lance Tesnim Chelha au milieu des célébrations à Homs.
« Il est parti »
« Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni », ont scandé les fidèles à la mosquée des Omeyyades à Damas, où s’est rendu le Premier ministre chargé de la transition, Mohammad al-Bachir, pour la première prière hebdomadaire du vendredi depuis la fuite d’Assad en Russie.
« Nous avons été séparés pendant plus de 40 ans. Aujourd’hui, nous sommes venus pour faire la fête à Damas, car celui qui nous a séparés est parti », dit Susan Soliman, venue de Tartous (ouest).
Mais la liesse est aussi teintée de gravité.
Sur les murs de la mosquée, des dizaines de photos de personnes disparues aux mains des anciens services de sécurité sont accrochées, témoignant de la douloureuse quête de proches menée par de nombreux Syriens après des décennies de féroce répression.
Le pays, meurtri par près de 14 ans de guerre, est confronté à de nombreux défis, face auxquels les nouvelles autorités tentent de rassurer, et la communauté internationale se mobilise.
Les dirigeants du G7, réunis en visioconférence, ont appelé à « une transition pacifique et ordonnée ».
La Syrie a été aussi au menu d’une rencontre samedi en Jordanie, de ministres et haut diplomates américains, européens, arabes et turcs.
Préparée il y a un an
En tournée régionale, le secrétaire d’Etat Antony Blinken a répété en Irak et en Turquie que les Etats-Unis œuvreraient pour empêcher toute résurgence du groupe sunnite terroriste État islamique (EI).
HTS, dont le chef Jolani se fait appeler désormais de son vrai nom, Ahmad al-Chareh, a pris la grande partie du pays durant l’offensive. Il affirme avoir rompu avec le djihadisme mais reste classé « terroriste » par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
Un commandant de HTS, Abu Hassan al-Hamwi, a déclaré au journal Guardian que l’offensive avait été planifiée il y a un an mais que le groupe avait fin novembre estimé le moment venu de la lancer.
Plusieurs acteurs soutenus par différentes puissances ont été impliquées dans la guerre en Syrie, qui a fait plus d’un demi-million de morts et poussé à la fuite quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population.
Dans le nord-est syrien, les Etats-Unis maintiennent environ 900 soldats et soutiennent les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, qui ont défait l’EI durant la guerre.
« Plus aucun sens »
La Turquie soutient des groupes rebelles islamistes syriens engagés contre les FDS qu’elle qualifie de groupe terroriste. Les FDS, qui ont installé une administration autonome dans le nord-est du pays, ont salué la chute d’Assad.
Le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a affirmé que son pays avait convaincu la Russie et l’Iran, proches alliés d’Assad, de ne pas intervenir pendant l’offensive rebelle. « Les Russes et les Iraniens ont vu que ça n’avait plus aucun sens [d’intervenir]. »
À la frontière sud de la Syrie, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a ordonné à l’armée de « se préparer à rester » tout l’hiver dans la zone-tampon avec la Syrie, située à la lisière du plateau du Golan. Les troupes israéliennes y sont entrées après la chute d’Assad.
Israël a mené ces derniers jours des centaines de frappes en Syrie contre des sites militaires stratégiques pour empêcher, selon Blinken, que les équipements de l’armée syrienne ne tombent entre de « mauvaises mains ».
Sur le plan humanitaire, l’Union européenne a annoncé le lancement d’un pont aérien destiné à la Syrie, via la Turquie, pour transporter des dizaines de tonnes d’aides.