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« Du fleuve jusqu’à la mer », le slogan qui a entraîné la sanction de Rashida Tlaib

Ce n'est pas la première fois que l'Américano-palestinienne, représentante du Michigan au Congrès, est mise au ban pour avoir utilisé cette phrase qui, selon les critiques, appelle à la destruction de l'État juif

La représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, prenant la parole lors d'une manifestation pro-palestinienne, à Washington, le 20 octobre 2023. (Crédit : Jose Luis Magana/AP)
La représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, prenant la parole lors d'une manifestation pro-palestinienne, à Washington, le 20 octobre 2023. (Crédit : Jose Luis Magana/AP)

JTA — Dans une vidéo publiée dimanche sur les réseaux sociaux, la représentante Rashida Tlaib a lancé moultes accusations à l’encontre du président américain Joe Biden – le blâmant pour avoir approuvé un « génocide » en permettant à Israël de continuer sa guerre visant à démanteler le groupe terroriste du Hamas qui gouverne la bande de Gaza.

Mais une phrase de six mots, dans le clip, a entraîné la colère d’un chœur croissant de critiques – et des conséquences officielles bien réelles au Congrès : « Du Fleuve jusqu’à la mer ».

Un slogan qui apparaît généralement en première partie du cri de ralliement : « Du fleuve jusqu’à la mer, la Palestine sera libre », une référence au territoire qui sépare le fleuve Jourdain de la mer méditerranée et qui comprend à la fois Israël, la Cisjordanie et Gaza. C’est une formule qui, selon les groupes de veille juifs, est antisémite. Aux États-Unis, son usage par un commentateur pro-palestinien de CNN a déjà amené ce dernier à perdre son travail – et cette phrase a déjà obligé Tlaib, dans le passé, à ultérieurement faire acte de contrition.

Lundi soir, la Chambre des représentants a sanctionné Tlaib à l’issue d’un vote – et en partie à cause de la formule. Un groupe de membres démocrates du congrès – Tlaib appartient elle-même au parti démocrate – a ainsi évoqué « un mot d’ordre » qui est la marque de ceux qui veulent « la destruction de l’État d’Israël et le génocide du peuple juif ».

En réponse au tollé, Tlaib a écrit sur les réseaux sociaux que ce slogan était « un appel ambitieux à la liberté, aux droits de l’Homme, à la coexistence pacifique ; pas à la mort, à la destruction ou à la haine ». Tlaib soutient l’établissement d’un seul état binational qui rassemblerait Juifs et Palestiniens sur le territoire où se trouvent actuellement Israël, la Cisjordanie et Gaza.

Voici un aperçu de la controverse entraînée par l’expression « Du fleuve jusqu’à la mer », qui explique pourquoi les groupes juifs invoquent un slogan antisémite et la manière dont la formule est aujourd’hui utilisée dans le cadre de la guerre qui oppose Israël et le Hamas – une guerre qui a commencé par un assaut terroriste très coordonné depuis la bande de Gaza qui a fait 1400 morts du côté israélien, des civils en majorité. Les hommes du Hamas ont aussi enlevé 240 personnes qui sont actuellement retenues en otage dans la bande de Gaza.

La représentante américaine, Rashida Tlaib, prenant la parole lors d’une audience du comité au Capitole, à Washington, le 8 juin 2022. (Crédit : AP Photo/Andrew Harnik)

La brutalité des massacres a attiré l’attention dans le monde entier – alors que des images de familles entières assassinées, torturées, démembrées – de nombreuses victimes ont été brûlées vives – ont été révélées. Les hommes armés du Hamas ont pris le contrôle de nombreux villages israéliens à la frontière de la bande de Gaza, allant de porte en porte pour tuer les résidents, ne faisant aucune différence entre hommes et femmes, enfants ou personnes âgées. De nombreux bébés, enfants et personnes âgées ont ainsi été massacrés et les survivants ont affirmé que de nombreuses femmes avaient été violées.

La phrase est un fondement des manifestations palestiniennes – et elle apparaît dans la charte du Hamas

Le fleuve Jourdain et la mer méditerranée forment les frontières orientales et occidentales respectivement de ce qu’était l’ancien mandat britannique de Palestine avant 1948. Une zone qui est également le cœur de la Terre biblique d’Israël (même si l’ancien royaume juif était plus large).

En 1947, les Nations unies avaient divisé la terre pour la séparer entre un état juif et des états arabes, une décision qui avait été acceptée par les dirigeants juifs et rejetée par le leadership arabe plus largement qui revendiquait la totalité du territoire. Des mouvement politiques issus de la droite israélienne exigent, de la même manière, d’avoir droit à l’intégralité du territoire pour Israël.

Des manifestants brandissent des pancartes en solidarité avec les Palestiniens de Gaza lors d’un rassemblement à Alger, le 19 octobre 2023. (Crédit : AFP)

Israël s’était emparé du contrôle de tout le territoire sur une période qui était allée de la Guerre des Six jours, en 1967, jusqu’au retrait de Gaza, en 2005 – même si l’État juif n’a jamais annexé la Cisjordanie et qu’avant 2014, le pays avait entamé des rounds de négociations successifs avec les dirigeants palestiniens concernant un potentiel désengagement.

Depuis les années 1960, « Du fleuve jusqu’à la mer » est un slogan qui est utilisé par les mouvements nationalistes palestiniens comme l’Organisation de libération de la Palestine et, plus tard, comme le Hamas.

La charte du Hamas, écrite en 2017, établit dans ses principes que le groupe terroriste rejette « toute alternative autre que la libération complète et entière de la Palestine, du fleuve jusqu’à la mer ». Dans un discours prononcé en 2012, le leader du Hamas, Khaled Mashaal, avait déclaré que « la Palestine nous appartient du fleuve jusqu’à la mer, du sud jusqu’au nord. Il n’y aura pas de concession sur un seul millimètre du territoire ».

Pour Israël et les groupes juifs, c’est un appel à la destruction du pays

Parce que le slogan tout entier appelle à une Palestine « libre » sur l’intégralité du territoire – qui comprend aujourd’hui le territoire d’Israël – les Israéliens et leurs soutiens au Congrès et au-delà considèrent la formule comme un appel à la destruction de l’État juif. Qualifiant l’expression « d’antisémite », l’Anti-Defamation League (ADL) indique, sur son site internet, que la phrase « signifie tout simplement le démantèlement de l’État juif. C’est une formule antisémite qui nie le droit à l’auto-détermination des Juifs, en envisageant notamment l’expulsion des Juifs de leur foyer ancestral ».

L’American Jewish Committee (AJC) partage le même point de vue, disant que l’expression désigne « la suppression de l’État d’Israël et de sa population. C’est aussi un cri de ralliement pour les groupes terroristes et pour leurs sympathisants ».

Avant le vote de motion de censure qui a eu lieu lundi, les représentants démocrates Brad Schneider, Ritchie Torres et Norma Torres ont fait circuler une déclaration signée par 70 autres députés du parti qui affirmait que « nous rejetons l’utilisation de la phrase ‘du fleuve jusqu’à la mer’, une phrase utilisée par un grand nombre, y-compris par le Hamas, comme cri de ralliement appelant à la destruction de l’État d’Israël et au génocide du peuple juif ».

La motion de censure présentée lundi, avancée et préparée par le parti républicain mais qui a remporté 23 votes démocrates, a estimé que la formule était « un appel génocidaire à la violence et à la destruction de l’État d’Israël et de son peuple ».

La formule est très critiquée à l’étranger également. A la fin du mois dernier, le chancelier autrichien Karl Nehammer avait indiqué que scander ce slogan deviendrait un délit dans son pays. Les députés britanniques et néerlandais ont aussi déclaré qu’utiliser la formule devait être passible de sanctions pénales dans le cadre des manifestations.

Un participant tenant une pancarte alors que des étudiants se rassemblent lors d’un « Walkout pour lutter contre le génocide et libérer la Palestine » sur la Bruin Plaza de l’UCLA, à Los Angeles, le 25 octobre 2023. (Credit : Frederic J. Brown/AFP)

Les politiciens israéliens ont, eux aussi, utilisé occasionnellement le slogan

Les politiciens israéliens ont, eux aussi, utilisé cette formule pour désigner le territoire tout entier – quoique plus rarement. En 2020, le député de droite Gideon Saar, ancien allié du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui est devenu l’un de ses critiques les plus féroces, avait déclaré que « entre le fleuve Jourdain et la mer méditerranée, il n’y aura pas d’autre état indépendant » – rejetant la possibilité de l’établissement d’un état palestinien aux côtés d’Israël.

Uri Ariel, membre du parti d’extrême-droite Hatzionout HaDatit, avait expliqué en 2014 que « entre le fleuve Jourdain et la mer méditerranée, il n’y aura qu’un seul État qui est Israël ».

Netanyahu, qui s’oppose également à la fondation d’un état palestinien, accorde pour sa part sa préférence à l’expression « à l’Ouest de la Jordanie », qui se réfère au même territoire.

Les activistes pro-palestiniens utilisant le slogan ont fait face aux conséquences

Tlaib défend son utilisation de cette formule aujourd’hui mais, dans le passé, elle semblait avoir reconnu son caractère problématique. En 2020, elle avait partagé un post, sur Twitter, où elle avait eu recours à la formule consacrée mais elle l’avait ultérieurement supprimé face à l’indignation générale.

Et en 2018, Marc Lamont Hill, commentateur politique pro-palestinien et professeur à la Temple University, avait été limogé par CNN après avoir employé l’expression dans un discours prononcé devant les Nations unies. Il avait ultérieurement présenté ses excuses.

Plus récemment, il a mis en doute l’idée que la phrase pourrait appeler à la destruction de l’État juif, notant qu’elle était utilisée par certains Israéliens.

« Vous dites que ‘du fleuve jusqu’à la mer’ est ‘universellement’ compris comme signifiant la destruction de l’État juif. Sur quelle base fondez-vous cette affirmation ? Est-ce que cela signifiait ‘destruction’ quand c’était le slogan utilisé par le parti du Likud ? Ou quand la phrase est utilisée par la droite israélienne, voire par les sionistes libéraux ? », a-t-il écrit sur X, anciennement Twitter, au mois de septembre.

Marc Lamont Hill prend la parole aux Nations Unies le 28 novembre 2018. (Capture d’écran : YouTube)

Dans une réponse à son post initial, dimanche, Tlaib a écrit que « la phrase ‘du fleuve jusqu’à la mer’ est un appel ambitieux à la liberté, aux droits de l’Homme, à la coexistence pacifique ; pas à la mort, à la destruction ou à la haine. Mon travail et mon activisme ont toujours évolué toujours autour de la question de la justice et de la liberté pour tous les peuples, indépendamment de leur foi ou de leur appartenance ethnique ».

Face à la motion de censure, lundi, Tlaib a fait remarquer qu’elle était la seule Américano-palestinienne à siéger au Congrès.

« Mon point de vue, ici, est nécessaire et il l’est plus que jamais », a-t-elle écrit sur X. « Je ne me laisserai pas réduire au silence et je ne laisserai personne dénaturer mes paroles ».

Dans un discours prononcé devant le Congrès, lundi, Tlaib n’a pas utilisé la formule « du fleuve jusqu’à la mer » et elle a indiqué que ses critiques se focalisaient depuis toujours sur le gouvernement israélien.

« Mes critiques ont toujours visé le gouvernement israélien et les actes de Netanyahu », a-t-elle dit. « L’idée même que la critique du gouvernement israélien serait antisémite établit un précédent très dangereux ».

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