Espagne : le parquet va enquêter sur la mort de milliers d’Espagnols dans des camps nazis
Le ministère public souhaite savoir s'il y a eu une "stratégie conjointe" entre Franco et "le régime nazi dans la détention et le transfert ultérieur de milliers d'Espagnols exilés en France, vers différents camps d'extermination"

Le parquet espagnol a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête sur la mort de près de 4 500 Espagnols dans des camps d’extermination nazis où ils ont été déportés après s’être exilés en France pour fuir la dictature franquiste.
Le ministère public souhaite déterminer s’il y a eu une « stratégie conjointe entre la dictature espagnole dirigée par [le général] Francisco Franco et le régime nazi dans la détention et le transfert ultérieur de milliers d’Espagnols exilés en France, vers différents camps d’extermination », précise-t-il dans un communiqué.
Des centaines de milliers d’Espagnols ont fui vers la France lors de la Guerre civile, entre 1936 et 1939, ou à la fin de ce conflit, qui s’est achevé par la défaite des républicains et l’établissement de la dictature du général Francisco Franco.
Quelque 450 000 personnes ont ainsi franchi les Pyrénées après la victoire de Franco lors de la « Retirada » (la retraite), avant d’être pour certaines enfermées dans des camps par le gouvernement français d’Edouard Daladier (Parti radical).
Quelques mois plus tard, pendant l’occupation d’une partie de la France par l’Allemagne nazie et le régime collaborationniste de Vichy, des milliers de ces Espagnols réfugiés en France ont été déportés vers les camps nazis.
Le parquet espagnol évoque jeudi le chiffre de 4 435 Espagnols morts dans ces camps d’extermination, un chiffre établis sur la base d’actes de décès.
Ils avaient été envoyés principalement vers « Mauthausen [en Autriche] et Gusen [en Allemagne], où ils ont été soumis au travail forcé, à la torture, où ils ont disparu ou ont été assassinés », souligne la section Droits humains et mémoire démocratique du ministère public, qui mènera l’enquête.

Cette annonce intervient alors que l’on célèbre « le 80e anniversaire de la libération du camp d’extermination de Mauthausen », explique encore le communiqué.
Cette initiative découle « des dispositions de la loi sur la Mémoire démocratique », impulsée par le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez et approuvée à la mi-2022, ajoute-t-il encore.
Cette législation vise à réhabiliter les victimes de la dictature de Franco (1939-1975).
La loi sur la Mémoire démocratique a été la deuxième initiative importante de Sánchez dans ce domaine, après l’exhumation de Franco de son monumental mausolée près de Madrid pour l’enterrer dans un cimetière du nord de la capitale espagnole.
L’opposition de droite a vertement critiqué cette loi, accusant la gauche de rouvrir les blessures du passé sous couvert de mémoire, et a promis de l’abroger si elle revient au pouvoir.