Frédéric Journès alerte : « L’antisémitisme est une attaque contre la République »

« Je suis triste parce que j’aime la République, et que, dans mon parcours personnel et moral, la République est liée à la protection des Juifs. » Les mots de Frédéric Journès, ambassadeur de France en Israël, introduisent la conférence organisée lundi par l’Institut français d’Israël, en partenariat avec le Comité français pour Yad Vashem : « La République contre l’antisémitisme ».

Devant un Grand Auditorium du Centre Suzanne Dellal à Tel-Aviv plein à craquer ce 21 avril, le diplomate dresse un constat amer : « En France, en Europe, dans le monde, les actes antisémites se multiplient. Ils prennent des formes plus diverses et plus désinhibées : agressions, insultes, profanations, mais aussi discours haineux, appels au boycott, et même déni du droit à l’existence. »

Il évoque les petits gestes devenus le quotidien de nombreux Juifs français : « Une de mes amies, Shirelle, a décroché sa mezouza de son appartement parisien ; un de mes collaborateurs m’a parlé de ses copains à Sarcelles qui planquent leur kippa sous une casquette en rasant les murs. Beaucoup de Français non juifs le voient autour d’eux et, eux aussi, n’en reviennent pas. »

Une prise de parole dans laquelle l’ambassadeur souligne que la résurgence de l’antisémitisme en France ne date pas des attentats du Hamas. Il cite les assassinats de Sarah Halimi, Mireille Knoll, Ilan Halimi, ainsi que les victimes de l’Hyper Cacher et de Toulouse.

« Mais depuis le 7 octobre, les choses ont changé d’échelle. »

« La République fait face à une vague inédite par son ampleur, et cela nécessite de savoir agir plus loin, et parfois différemment. » L’Institut français de Tel-Aviv souhaite ainsi « apporter un regard franco-israélien dans ce processus ». Voilà, selon les mots de Frédéric Journès, la raison d’être de cette soirée. Une conférence organisée à deux jours des commémorations de Yom HaShoah. Une date hautement symbolique pour celui qui a « découvert l’antisémitisme à l’âge de 11 ans, en regardant la série Holocauste sur le petit téléviseur de [sa] grand-mère. »

« L’antisémitisme et la Shoah forment pour moi un tout. Je n’ai jamais pu les dissocier : c’est le même échec invraisemblable de l’âme humaine. L’antisémitisme n’est donc pas seulement une attaque contre les Juifs. C’est une attaque contre nous tous. Contre nos valeurs. Contre ce qui fait une société, une République. »

Frédéric Journès poursuit son discours en invoquant la mémoire d’Alfred Dreyfus : « Être Français, c’est défendre ‘l’honneur d’un petit capitaine juif’. » L’affaire Dreyfus, dit-il, ne fut pas seulement le début du combat contre l’antisémitisme français, mais un moment d’affirmation de la jeune Troisième République, attaquée alors par les forces réactionnaires au sein de l’armée.

À propos de l’antisionisme, l’ambassadeur rappelle la position de la France : il ne s’agit pas « d’interdire toute critique des actions d’Israël, mais de refuser les appels au boycott et à la stigmatisation d’Israël. Ils nourrissent un antisémitisme dont nul ne doit oublier à quoi il a conduit. »

« L’antisémitisme n’est pas seulement une attaque contre les Juifs. C’est une attaque contre nous tous. Contre nos valeurs. Contre ce qui fait une société, une République. »

Hier soir, l’Ambassadeur de France en Israël Frédéric Journès a ouvert la conférence organisée par… pic.twitter.com/K8eg0A6XFU

— La France en Israël (@franceenisrael) April 22, 2025

Le 21 avril, l’Institut français, l’ambassade de France en Israël et le Comité français pour Yad Vashem organisaient ensemble une grande rencontre sur le thème : « La République contre l’antisémitisme ».

« À deux jours de Yom HaShoah, la mobilisation de nos prestigieux intervenants naît d’une inquiétude profonde et partagée : la crainte de voir s’effriter le consensus établi depuis 1945 autour de la condamnation de l’antisémitisme », indique l’Institut français de Tel-Aviv.

« Cette inquiétude pour les Juifs en France est aussi une inquiétude pour la France : l’antisémitisme est toujours le symptôme d’une société en déclin, qui ne croit plus en elle-même », précise encore l’Institut, ajoutant que « le panel prestigieux s’interrogera sur le lien entre la République et la lutte contre l’antisémitisme à travers l’histoire, ainsi que sur les formes contemporaines que prend ce fléau aujourd’hui. »

Une rencontre à laquelle ont participé plusieurs grandes figures engagées dans la lutte contre l’antisémitisme : les avocats Patrick Klugman, Richard Malka et Pierre-François Veil, le philosophe Raphaël Enthoven, la rabbin Delphine Horvilleur, le dessinateur Joann Sfar, et le chef d’entreprise Denis Olivennes.