Fresnes: Arnaud Mimran et Eric Robic, au centre d’une affaire de corruption
Sept hommes "sont soupçonnés d'avoir touché de l'argent en échange d'un traitement de faveurs accordé à des détenus majoritairement membres de la communauté juive"
Sept hommes, dont un directeur et un surveillant de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), deux détenus et un aumônier de prison juif, ont été placés lundi en garde à vue, soupçonnés de participer à un réseau de corruption en détention.
Le directeur chargé de la supervision d’un des trois bâtiments de la prison de Fresnes, l’une des plus grandes de France, et un surveillant « sont soupçonnés d’avoir touché de l’argent en échange d’un traitement de faveurs accordé à des détenus majoritairement membres de la communauté juive », ont expliqué des sources proches de l’enquête.
Des faveurs, proposées par le directeur et le surveillant, qui pouvaient aller « du portable laissé en détention à des interventions en cas d’incidents ou auprès des magistrats, voire même à appuyer et accélérer les demandes d’aménagement de peine par le chef de division », a expliqué une source proche de l’enquête.
Le parquet de Créteil a confirmé le placement en garde à vue de sept personnes, sans préciser leurs identités. « Plusieurs centaines de milliers d’euros ont été saisis au cours des perquisitions menées lundi matin » aux domiciles des suspects et à l’intérieur de la prison, a ajouté une source proche de l’enquête.
« Près de 280 000 euros ont été saisis au cours des perquisitions menées lundi matin » aux domiciles des suspects et à l’intérieur de la prison, a ajouté une source proche de l’enquête.
Les deux détenus, considérés comme « les corrupteurs » par les enquêteurs, sont « bien connus des services de police » : Arnaud Mimran, un financier déjà condamné dans un volet de fraude à la TVA sur le marché des droits à polluer et Eric Robic, le chauffard français qui avait écrasé l’Israélienne Lee Zeitouni à Tel-Aviv en septembre 2011 avant de prendre la fuite.
Arnaud Mimran, renvoyé aux assises dans une affaire de séquestration et d’extorsion de fonds d’un banquier suisse kidnappé en janvier 2015, a été extrait lundi de la prison du Havre où il est détenu depuis deux mois, après avoir été emprisonné à Fresnes. Eric Robic a lui été extrait de Fresnes.
Une autre figure impliquée dans une vaste escroquerie à la TVA sur le marché du CO2, Fabrice Touil, a été interpellé à son domicile à Paris dans le XVIe arrondissement. Il est soupçonné d’avoir remis de l’argent à plusieurs reprises au cadre de la prison de Fresnes.
Enfin les enquêteurs cherchent à comprendre le rôle qu’aurait pu jouer l’aumônier juif régional d’Île de-France, un proche du directeur de Fresnes, dans ce réseau de corruption. « L’association cultuelle, financée en partie par des proches de détenus, a-t-elle joué un rôle de banque ? » s’interrogent-ils.
Signalement de l’Administration pénitentiaire
Une enquête préliminaire avait débuté en février 2017 à la suite d’un signalement de l’administration pénitentiaire à la justice, a détaillé le parquet de Créteil.
Une information judiciaire avait été ouverte en novembre pour « corruption d’une personne dépositaire de l’autorité publique, corruption par une personne dépositaire de l’autorité publique, blanchiment de corruption d’une personne dépositaire de l’autorité publique et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement », a-t-il précisé.
Les investigations sont menées par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) de la PJ parisienne et la BRB de la PJ de Versailles.
« Les agents sont plus surpris qu’autre chose. Que la corruption puisse toucher un directeur, c’est stupéfiant », a déclaré à l’AFP Frédéric Godet, délégué syndical Ufap-Unsa justice à Fresnes, appelant à « respecter la présomption d’innocence ».
En décembre 2016, deux surveillants avaient été mis en examen, soupçonnés d’avoir notamment fourni des téléphones portables, de la nourriture et de l’alcool à des détenus contre de l’argent.
La prison de Fresnes – 2 600 détenus et occupée à près de 200 % de sa capacité – souffre de conditions « épouvantables » avec « des rats à peu près partout », avait dénoncé la Contrôleure des prisons Adeline Hazan avant une visite du président Emmanuel Macron début mars.
En janvier, Fresnes notamment avait été secouée par un mouvement social des gardiens pénitentiaires, le plus grand de ces 25 dernières années. Provoqué par l’agression mi-janvier d’un surveillant à la prison Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), il avait entraîné le blocage de plus d’une centaine de prisons dans tout le pays pendant près de deux semaines.