Gantz : le nouveau poste au ministre pour la Cisjordanie bouleversera l’armée
Lors d'un débat à la Knesset, les critiques ont affirmé qu'une réflexion plus approfondie est nécessaire avant d'introduire un poste indépendant au sein du ministère de la Défense
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Les législateurs ont débattu longuement jeudi sur la législation qui permettrait de nommer, au sein du ministère de la Défense, un ministre issu du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit pour superviser les constructions en Cisjordanie. Le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a déclaré à la commission spéciale que si elle était adoptée, cette mesure « briserait » les chaînes de commandement de l’armée et entraînerait une « baisse de sécurité ».
Outre les préoccupations soulevées par Gantz et les futurs législateurs de l’opposition – qui sont d’anciens responsables de la sécurité – le projet de loi a également fait l’objet de critiques de la part de conseillers juridiques qui ont déclaré qu’il ne délimite pas clairement les responsabilités qui incomberont au ministre indépendant au sein du ministère de la Défense, qui sera probablement le chef du parti du HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich.
Le projet de loi devait faire l’objet d’un nouveau vote en séance plénière de la Knesset jeudi soir, après avoir été adopté en lecture préliminaire plus tôt dans la semaine. Trois lectures, après le vote préliminaire, sont obligatoires, chacun nécessitant le soutien de 61 législateurs sur les 120 membres de la Knesset, puisqu’il s’agit d’une modification de la Loi fondamentale quasi-constitutionnelle d’Israël : le gouvernement.
Faisant partie d’un blitz législatif exigé par les partis d’extrême-droite et ultra-orthodoxes comme conditions préalables à la formation du gouvernement attendu de Benjamin Netanyahu, le projet de loi créera pour la première fois un mécanisme permanent de deux ministres au sein d’un seul ministère. Un précédent ministre « junior » au ministère de la Défense, Michael Biton, collègue de parti de Gantz, avait été nommé en 2020-2021 avec le titre de ministre des Affaires civiles et sociales au sein du ministère de la Défense.
La probable coalition entrante souhaite que les projets de loi soient adoptés avant que le gouvernement ne prête serment, Netanyahu ayant jusqu’au 21 décembre pour former son gouvernement.
S’adressant à la commission spéciale formée pour préparer le projet de loi, Gantz a déclaré que le changement du système de commandement actuel par la création d’un second ministre au sein du ministère de la Défense, chargé des questions liées à la défense, créerait des « ruptures ».
« Ce système de commandement sait comment faire face à un besoin opérationnel concret et un système de balance est nécessaire. Lorsque vous violez le système de stabilité, vous risquez de bouleverser l’équilibre ce qui portera atteinte à la stabilité dont il a besoin », a déclaré le ministre sortant de la Défense à la commission.
Selon l’annexe d’un accord de coalition signé par le Likud et HaTzionout HaDatit, le ministre présumé Smotrich – à qui l’on promet également un demi-mandat au ministère des Finances – supervisera un nouveau bureau indépendant au sein du ministère de la Défense pour superviser la construction dans les zones de Cisjordanie entièrement contrôlées par Israël, connues sous le nom de zone C.
Fervent partisan du mouvement des implantations, Smotrich a fait pression pour annexer certaines parties de la Cisjordanie, où vivent environ 500 000 résidents d’implantations juifs et près de 3 millions de Palestiniens.
Bien qu’il ait exprimé le désir de fermer les agences du gouvernement israélien en Cisjordanie – l’Administration civile et le COGAT (Coordinateur des activités dans les territoires) – qui sont responsables des affaires civiles en Cisjordanie, même s’ils relèvent actuellement du Commandement du Centre de Tsahal, Smotrich pourra nommer les généraux qui dirigent ces bureaux, avec l’approbation de Netanyahu.
Actuellement, le major général en charge du COGAT est nommé par le ministre de la Défense sur recommandation du chef d’état-major de Tsahal, et le général de brigade qui supervise l’Administration civile est nommé par le chef d’état-major de l’armée.
La construction des implantations israéliennes et la légalisation rétroactive d’avant-postes non-autorisés, ainsi que la démolition de constructions palestiniennes non-autorisées dans la zone C – où Israël exerce un contrôle civil et militaire – sont les principales questions qui relèveront du ministre du HaTzionout HaDatit. Il s’agit également de points sensibles de la violence qui sévit actuellement en Cisjordanie, et les commandants militaires ont besoin de lignes d’autorité claires afin de prendre des décisions rapides.
Gantz a déclaré que le fait de confier à Smotrich, ou à la personne qu’il désignera, le contrôle de ces questions sensibles entraînera une confusion au sein du ministère de la Défense et de l’establishment militaire.
« Pour faire face à un tel défi sécuritaire, il doit y avoir une chaîne de commandement unie, solide, gérée et commandée », a déclaré Gantz. Il a ajouté que la gestion de défis tels que le programme nucléaire iranien et le terrorisme palestinien peut être « commandée au niveau militaire » et « gérée au niveau ministériel », mais elle est « doit être dirigée et dictée par le gouvernement israélien, et non par le ministre de la Défense lui-même » ou tout autre ministre au sein du ministère de la Défense.
En plus de la promesse de la coalition de transférer les unités de la police des frontières de Cisjordanie hors du commandement de Tsahal et de les confier au futur ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, Gantz affirme que « finalement, il y aura trois ministres de la Défense ».
« Si, à Dieu ne plaise, des failles, qui affecteront l’activité opérationnelle, sont induites, nous regretterons ce moment », a ajouté le chef du parti HaMahane HaMamlahti.
Le numéro 3 de Gantz au sein du parti HaMahane HaMamlahti et ancien chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eisenkot, a exhorté la commission à ralentir le processus législatif.
« Je recommande d’investir du temps dans la réflexion, de ne pas prendre une telle décision à la légère, et cela inclut d’autres mouvements politiques comme la subordination de la police des frontières, l’assujettissement de l’Administration civile dans un système très chargé à des jours très chargés, avec une désintégration complexe en Judée et Samarie », a-t-il déclaré, en utilisant les termes bibliques pour la Cisjordanie communément utilisés en hébreu.
« Faire un tel changement en ce moment, en raison de besoins politiques est, à mon avis, une erreur », a ajouté Eisenkot, faisant référence à la pression exercée par Smotrich sur Netanyahu pour qu’il adopte ce projet de loi comme condition pour rejoindre sa coalition.
Gantz a été plus explicite dans sa critique de son ancien collègue.
« Cela me dérange parce que je sais que Netanyahu est d’accord avec tout ce que je viens de dire mais il agit par faiblesse politique », a déclaré Gantz.
Le projet de loi visant à permettre à Smotrich d’être nommé ministre de la Défense a été scellé mercredi soir avec un autre changement apporté à la même Loi fondamentale, qui permettrait au chef du parti Shas, Aryeh Deri, de devenir ministre malgré sa condamnation à une peine avec sursis pour fraude fiscale en début d’année, en précisant que seules les personnes condamnées à des peines de prison ferme ne pourraient pas occuper ce poste.
Les deux projets de loi devaient faire l’objet d’un vote conjoint jeudi et être immédiatement renvoyés en commission pour les derniers préparatifs du vote.
Les responsabilités du nouveau poste restent floues
Bien que la modification de la Loi fondamentale puisse entrainer la nomination d’un deuxième ministre au sein d’un même ministère, on ignore toujours quels pouvoirs le futur ministre détiendra au-delà des intentions esquissées par les accords de coalition.
Simcha Rothman, député du parti HaTzionout HaDatit, qui a parrainé le projet de loi, et qui devrait présider la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, lorsqu’elle sera formée – où les corrections de la Loi fondamentale seront discutées – a déclaré que parce que le changement est un « cadre » pour « établir un arrangement permanent, qui s’applique à tous les ministères », il ne délimite pas les responsabilités.
« Il s’agit d’un projet de loi-cadre. Il ne détermine pas quels domaines d’activité seront entre les mains de tel ou tel ministre ; il crée le mécanisme que le gouvernement et la Knesset voudront utiliser », a déclaré Rothman.
Mais la procureure générale adjointe chargée des affaires constitutionnelles, Avital Sompolinsky, a déclaré mercredi à la commission qu’une nomination aussi « complexe » d’un ministre supplémentaire devrait être accompagnée d’une directive gouvernementale.