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MÊME APRÈS SA MORT, LES COMMUNISTES COMBATTENT SON MESSAGE

La censure chinoise interdit l’impression des mémoires d’une femme hassidique

Invoquant un contenu "anticommuniste", les autorités n'ont pas autorisé l’impression de "The Queen of Cleveland", le récit de la survie de Shula Kazen en ex-Union soviétique

Les censeurs chinois n'ont pas autorisé une entreprise locale à imprimer des exemplaires de "The Queen of Cleveland" pour l'éditeur américain Hasidic Archives. (Crédit : Hasidic Archives/JTA)
Les censeurs chinois n'ont pas autorisé une entreprise locale à imprimer des exemplaires de "The Queen of Cleveland" pour l'éditeur américain Hasidic Archives. (Crédit : Hasidic Archives/JTA)

JTA – L’éditeur de livres hassidiques Dovid Zaklikowski était impatient de faire imprimer son dernier ouvrage – les mémoires d’une femme juive qui a immigré de l’ex-Union soviétique aux États-Unis – et de l’expédier à ses clients dans le monde.

Tout semblait se dérouler comme prévu. À la mi-août, une imprimerie chinoise avec laquelle il travaille régulièrement a informé Zaklikowski que les censeurs du gouvernement local avaient approuvé le contenu de « The Queen of Cleveland » (« La Reine de Cleveland ») et que l’impression serait probablement achevée en moins d’un mois.

Mais quelques jours plus tard, un représentant de 1010 Printing, dont le siège est à Hong Kong, a informé Zaklikowski que le livre avait été envoyé à l’agence nationale de censure chinoise pour un examen plus approfondi, en raison de la guerre en Ukraine.

« Compte tenu du conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine, le livre doit être soumis à une nouvelle approbation, ce qui devrait prendre 15 jours », a déclaré le représentant de 1010 Printing à Zaklikowski par courrier électronique.

Près d’un mois plus tard, l’Administration générale de la presse et de la publication de Chine a rendu sa décision finale concernant « The Queen of Cleveland », un mémoire écrit par Shula Kazen, décédée en 2019 à l’âge de 96 ans, sur les défis de la vie en tant que Juive sous le régime communiste soviétique.

« Malheureusement, l’impression de ce livre n’a pas été approuvée en Chine, car il contient des propos anticommunistes », a déclaré un représentant de 1010 Printing à Zaklikowski par courriel. « Votre seule option est de l’imprimer en dehors de Chine. »

Ce refus atteste de la collision entre l’édition occidentale, les limites chinoises à la liberté d’expression et la géopolitique. Tout contenu imprimé ou publié sur un support quelconque en Chine doit obtenir l’approbation du gouvernement contrôlé par le parti communiste chinois, même si, comme dans ce cas, le livre est en anglais et destiné à être distribué à l’étranger. La guerre de la Russie contre l’Ukraine, avec la Chine agissant comme l’un des seuls grands soutiens de la Russie dans le monde, semble avoir eu des effets en cascade sur un livre destiné aux lecteurs juifs américains.

Le rejet a pris Zaklikowski par surprise, mais il a déclaré que cette décision ne faisait que renforcer la véracité du récit de « The Queen of Cleveland ».

« Il semble que même après la mort de Kazen qui remonte à 2019, les communistes continuent de combattre son message et les censeurs refusent d’imprimer son message triomphant », a déclaré Zaklikowski.

Illustration : L’organisation Student Struggle for Soviet Jewry organisant une manifestation dans les années 1960 contre les persécutions religieuses engendrées par le rideau de fer. (Crédit : Université Yeshiva, collection Student Struggle for Soviet Jewry)

« The Queen of Cleveland » relate comment le père de Kazen a été arrêté pour avoir participé à des circoncisions et est mort pendant sa détention. Le livre raconte également comment Kazen a trouvé la liberté religieuse et le bien-être matériel lorsqu’elle a quitté l’ex-Union soviétique pour s’installer dans l’Ohio, ce qui lui a permis de venir en aide à d’autres personnes. Ses bonnes actions lui ont valu les honneurs dans la communauté et le surnom repris pour le titre du livre.

La persévérance face à la persécution soviétique est un thème que la maison d’édition de Zaklikowski, Hasidic Archives, a souvent abordé car il trouve un écho auprès de son public cible dans la communauté Habad en particulier, et dans le monde juif au sens large. Zaklikowski a publié « My Gulag Life : Stories of a Soviet Prisoner » (« Ma vie au goulag : Histoires d’un prisonnier soviétique ») en 2021 et, plus tôt cette année, « In the Trenches : Stories from the Front Lines of Jewish Life in Russia » (« Dans les tranchées : Histoires des lignes de front de la vie juive en Russie »).

Pour Zaklikowski, il était logique d’imprimer ses ouvrages en Chine, car l’industrie locale de l’imprimerie fournit du papier et des reliures de haute qualité à des prix intéressants. Il n’avait jamais eu de problèmes avec les censeurs du gouvernement auparavant.

Il n’a pas été clairement expliqué pourquoi ce livre a été jugé « anticommuniste » alors que d’autres, traitant de thèmes similaires, ne l’ont pas été, mais la référence de l’imprimeur aux récents développements géopolitiques atteste d’un contexte particulier. Après que le président russe, Vladimir Poutine, a ordonné l’invasion de l’Ukraine en février, la Russie s’est retrouvée isolée d’une grande partie du monde, de nombreux gouvernements ayant rompu leurs relations diplomatiques et commerciales.

Le gouvernement chinois a été l’une des rares exceptions, en rejetant la responsabilité du conflit sur l’Occident et en proposant de soutenir l’économie russe par le biais d’une augmentation des échanges commerciaux.

L’ambassadeur de la Chine aux Nations unies, Zhang Jun, s’entretenant avec des assistants avant de s’abstenir lors d’un vote du Conseil de sécurité des Nations unies sur un projet de résolution sanctionnant l’annexion prévue par la Russie du territoire ukrainien occupé par la guerre, au siège des Nations unies, le 30 septembre 2022. (Crédit : AP Photo/Bebeto Matthews)

« Le conflit actuel rend ces sujets – liés à la Russie – plus sensibles », a déclaré Rose Luqiu, professeure de journalisme à l’université baptiste de Hong Kong. « Cela a conduit les responsables locaux à éviter des erreurs politiques en renforçant les contrôles, préférant renoncer à leur pouvoir de vérification et en laissant leurs supérieurs statuer. »

Si de nombreux éditeurs occidentaux impriment en Chine, ils ne sont pas tous, comme Zaklikowski, prêts à résister ou à s’exprimer sur la censure.

Au début de l’année, par exemple, le Financial Times a rapporté que deux éditeurs britanniques avaient modifié le contenu de leurs livres pour apaiser les censeurs chinois. Des passages sur Taïwan, un pays dont la Chine considère le gouvernement comme illégitime, ont été supprimés, tout comme une référence à l’artiste chinois dissident, Ai Weiwei.

En 2017, deux éditeurs universitaires, Springer Nature et Cambridge University Press, se sont également soumis aux limites de la liberté d’expression imposées par Pékin, en censurant des milliers d’articles liés à des sujets sensibles tels que Taïwan et la place Tiananmen.

Zaklikowski prévoit désormais de faire appel à une entreprise à Singapour pour imprimer le livre. À propos des forces du communisme, qui ont empêché Kazen de vivre une vie juive en Union soviétique et qui bloquent aujourd’hui la publication de ses mémoires, il a déclaré qu’elles « ne gagneront jamais ».

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