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La Knesset adopte une loi sur les juges, aussitôt contestée devant la Cour suprême

L'amendement modifiant la composition de la commission de nomination de juges a été adoptée par un vote de 67 voix pour et une contre, l'opposition ayant décidé de boycotter le vote

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et des ministres sont photographiés dans la salle de réunion de la Knesset lors d'un vote sur un projet de loi visant à remanier la commission de sélection judiciaire d'Israël, le 27 mars 2025 (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et des ministres sont photographiés dans la salle de réunion de la Knesset lors d'un vote sur un projet de loi visant à remanier la commission de sélection judiciaire d'Israël, le 27 mars 2025 (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Le Parlement israélien a adopté jeudi matin une loi controversée renforçant l’influence du pouvoir politique dans la nomination des juges qui a été immédiatement contestée par l’opposition devant la Cour suprême.

L’amendement modifiant la composition de la commission de nomination de juges a été adoptée par un vote de 67 voix pour et une contre, l’opposition ayant décidé de boycotter le vote. La Knesset compte 120 députés.

Les juges, incluant ceux de la Cour suprême, sont choisis actuellement par une commission de neuf membres composée de juges, de députés et d’avocats du barreau, sous la supervision du ministre de la Justice.

La législation supprimerait les deux représentants du barreau israélien actuellement membres de la commission de sélection judiciaire, composé de neuf membres, qui procède à toutes les nominations judiciaires, et les remplacerait par un avocat directement choisi par la coalition et un autre choisi par l’opposition.

La mesure n’entrera en vigueur qu’à la prochaine Knesset, c’est-à-dire après les prochaines élections législatives israéliennes, actuellement prévues pour octobre 2026.

Ce vote témoigne de la volonté du gouvernement de Benjamin Netanyahu d’aller de l’avant avec son projet très controversé de réforme de la justice ayant provoqué l’un des mouvements de contestation populaire les plus importants de l’histoire d’Israël en 2023, avant d’être suspendu par l’exécutif peu après le début de la guerre déclenchée par le pogrom mené par le groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas en Israël le 7 octobre de cette année-là.

Il survient alors que le gouvernement est engagé dans un bras de fer avec la Cour suprême après avoir annoncé le limogeage du chef du Shin Bet, l’Agence de la sécurité intérieure, Ronen Bar, et engagé une procédure de destitution contre la procureure générale du pays, Gali Baharav-Miara.

L’opposition et des milliers de manifestants descendant quotidiennement dans la rue à Tel-Aviv ou à Jérusalem sont vent debout contre ces décisions du gouvernement, et le projet de réforme de la justice, dans lesquels il voient une dérive autocratique du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et les germes de l’avènement d’une démocratie illibérale.

Une affiche lors d’une manifestation anti-gouvernementale devant la Knesset, le 26 mars 2025. (Crédit : Sam Sokol/The Times of Israel)le

Avant le vote, s’adressant aux législateurs, le président du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a averti que la nation avait pris une « direction dangereuse ».

Citant l’ancien Premier ministre Menahem Begin sur l’importance de l’État de droit, Gantz a déclaré que « les démocraties tombent ou meurent lentement lorsqu’elles souffrent d’une maladie maligne appelée la tyrannie de la majorité », qui progresse « lentement jusqu’à ce que le rideau de l’obscurité descende lentement sur la société ». « Ainsi, un gouvernement devient un régime, et le Premier ministre devient un dirigeant », a-t-il déclaré.

Le ministre de la Justice Yariv Levin a balayé les critiques de la législation, arguant qu’elle était nécessaire parce que la Haute Cour de justice avait « de fait, aboli la Knesset ».

« Elle s’est arrogé le pouvoir d’annuler les lois, elle s’est arrogé le pouvoir d’annuler les lois fondamentales, ce qui est inimaginable dans n’importe quelle démocratie au monde », a-t-il déclaré, faisant référence à une législation quasi constitutionnelle largement considérée comme la base d’une éventuelle constitution.

« Mais notre Cour suprême ne s’est pas contentée de piétiner la Knesset ; elle s’est également placée au-dessus du gouvernement », a poursuivi Levin.

« Il peut invalider toute action du gouvernement, obliger le gouvernement à prendre une mesure, invalider toute nomination du gouvernement, mais même cela ne suffit pas à notre tribunal, qui se place même à la place du peuple, dans les questions concernant le mandat et la destitution d’un Premier ministre – une chose folle qui n’existe nulle part ailleurs. »

La nouvelle loi corrige cela en « mettant fin au système de copinage utilisé dans les nominations, en mettant fin au conflit d’intérêts découlant de la présence de représentants du Barreau au sein de la commission, et en apportant en même temps une réponse complète aux préoccupations soulevées par les opposants à la réforme, en particulier la prise de contrôle par le gouvernement et la coalition des procédures de sélection des juges », a-t-il fait valoir.

Levin et le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar ont présenté le projet de loi à la Knesset comme une forme de compromis par rapport à la législation précédemment proposée qui aurait donné à la coalition un contrôle presque total sur toutes les nominations judiciaires.

Le ministre de la Justice Yariv Levin à la Knesset, le 26 mars 2025. (Crédit : Noam Moskowitz, Bureau du porte-parole de la Knesset)

Yaïr Lapid, chef du parti de centre droit Yesh Atid, a annoncé sur le réseau social X le dépôt d’un recours devant la Cour suprême contre la loi sur les juges au nom de plusieurs partis d’opposition, quelques minutes seulement après le vote du Parlement.

Affirmant que le seul but de la loi était de « garantir que les juges soient soumis à la volonté des politiciens », les chefs des factions de l’opposition à la Knesset ont publié jeudi matin une déclaration dans laquelle ils s’engagent à abroger la loi et à rétablir « la sélection des juges par une commission juste et professionnelle » une fois qu’ils seront au pouvoir.

« Cela se produit alors que 59 otages sont toujours retenus à Gaza. Au lieu de concentrer tous ses efforts pour les ramener chez eux et guérir les clivages qui déchirent la nation, ce gouvernement s’engage une fois de plus dans la même législation qui a divisé le public avant le 7 octobre », ont-ils déclaré.

Un débat de 40 signatures, pendant la séance plénière de la Knesset, le parlement israélien à Jérusalem, le 26 mars 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Dans une déclaration distincte, le parti Yesh Atid du chef de l’opposition Yair Lapid a annoncé que deux de ses députés, Karine Elharrar et Yoav Segalovich, avaient déjà déposé une requête auprès de la Haute Cour pour annuler l’amendement.

« Les juges devraient être nommés pour des raisons professionnelles, et non purement politiques », a déclaré Karine Elharrar, représentante de l’opposition au sein du Comité de sélection judiciaire. « La loi qui a été adoptée brise le principe de séparation des pouvoirs, ouvre la porte aux nominations politiques et nuit aux citoyens qui demandent justice devant les tribunaux. »

Trois autres recours ont été immédiatement déposés auprès de la Haute Cour de justice.

Tous les recours font valoir que la loi politise la nomination des juges et compromet donc l’indépendance judiciaire, qui est un élément clé du système de gouvernement démocratique d’Israël.

Les recours ont été déposés par l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité (MQG) en Israël, l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI) et le parti Yesh Atid.

« L’amendement outrepasse l’autorité de la Knesset en tant qu’autorité constituante puisqu’il s’agit d’un amendement constitutionnel inconstitutionnel, qui porte gravement atteinte aux composantes fondamentales de l’État d’Israël en tant qu’État démocratique, à l’État de droit, à l’indépendance et à l’impartialité du pouvoir judiciaire, ainsi qu’à la séparation des pouvoirs », a écrit MQG dans son recours.

« Ce changement permettra aux politiciens d’exercer un contrôle presque total sur l’identité des juges à tous les niveaux, créera une dangereuse dépendance des juges vis-à-vis des personnalités politiques et fera en sorte que les juges craignent constamment que leurs décisions indépendantes puissent nuire à leurs chances de promotion », a écrit l’ACRI en annonçant son recours.

« La Cour suprême est le dernier et unique rempart contre la tyrannie de la majorité. La politisation des nominations judiciaires conduira à une situation où chaque juge, des plus modestes aux plus hauts magistrats, dépendra de la faveur des politiciens pour obtenir une promotion et craindra de statuer contre les positions du gouvernement », a ajouté l’ACRI.

Manifestants contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement, devant la Knesset, à Jérusalem, le 26 mars 2025. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Le président du barreau israélien, Amit Bahar, a évoqué la suppression des sièges du barreau israélien au sein du panel judiciaire.

« Ils ne nous briseront pas, et ils ne briseront pas la démocratie », a-t-il déclaré lors d’un grand rassemblement mercredi soir.

« Il s’agit d’un véritable coup d’État, contre lequel nous avons mis en garde et contre lequel nous avons fait campagne », a déclaré Bahar.

Le président du parti Les démocrates, Yair Golan, s’est engagé à « déposer une requête contre la loi » et à « intensifier la lutte à la fois dans la rue et à la Knesset », tandis que le député Gilad Kariv a condamné le gouvernement pour avoir porté atteinte à la démocratie israélienne.

« Israël ne deviendra pas la Turquie, même si [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu et ses partenaires adoptent certaines des méthodes d’Erdogan », a tweeté Kariv.

Dans une déclaration commune avec Levin publiée après le vote, Saar s’est félicité de l’adoption de la loi, qui, selon lui, représente « un changement évolutif et équilibré, fondé sur notre tradition politique ».

Il a fait valoir que la résistance de l’opposition à cette mesure était sans fondement, car elle avait précédemment approuvé un plan de compromis proposé par le président Isaac Herzog en 2023, en vertu duquel le Barreau aurait perdu ses deux sièges à la commission, et la coalition et le pouvoir judiciaire leur droit de veto sur les nominations.

« Leur opposition actuelle à une loi qui prévoit le renforcement du pouvoir de l’opposition au sein de la commission est déroutante », a déclaré Saar, éludant le fait que, selon sa législation, la coalition se voit accorder un droit de veto, contrairement au pouvoir judiciaire.

L’adoption de la loi a également été saluée par le ministre de la Culture, Miki Zohar, qui a déclaré qu’elle conduirait à un « véritable pluralisme » à la Haute Cour, et par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui a déclaré que le gouvernement devait maintenant faire avancer le reste de son programme de réforme judiciaire.

Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a salué l’adoption de la loi, la qualifiant d’« étape significative et importante de notre plan » et promettant de « continuer à renforcer la démocratie israélienne ».

Des législateurs de l’opposition quittent la séance plénière de la Knesset pour boycotter le vote sur un projet de loi controversé modifiant la composition de la commission de sélection judiciaire, le 27 mars 2025. (Crédit : Noam Moskowitz, Bureau du porte-parole de la Knesset)

Au-delà de la refonte du système judiciaire, Netanyahu et son gouvernement ont également essuyé des critiques pour une série de mesures qui, selon les détracteurs, visent à saper les garde-fous juridiques de leur pouvoir.

Cela inclut les efforts visant à révoquer la procureure générale Gali Baharav-Miara, ce qui, selon elle, fait partie d’un effort du gouvernement pour se placer au-dessus de la loi et fonctionner sans contrôle ni équilibre des pouvoirs.

En outre, le gouvernement de Netanyahu a voté la semaine dernière le licenciement de Ronen Bar, le chef de l’agence de sécurité Shin Bet, qui enquête actuellement sur plusieurs des principaux collaborateurs du Premier ministre en raison de leurs liens financiers avec le Qatar.

Dans un discours belliqueux prononcé mercredi à la Knesset avant le débat sur le projet de loi relatif à la commission de sélection des juges, Netanyahu a repoussé ses détracteurs, insistant sur le fait qu’« Israël a été et restera une démocratie ».

Le vrai danger, a-t-il affirmé, est un « État profond » non élu qui travaille contre le gouvernement élu.

Jeremy Sharon a contribué à cet article.

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