La loi permettant le retour au cabinet de Deri adoptée en première lecture
La proposition a été adoptée par 63 voix contre 55 ; Lapid a évoqué "un jour heureux pour les criminels ; un député Likud a parlé "du renforcement de la branche judiciaire"
La Knesset a fait avancer lundi une loi qui autoriserait le chef du Shas, Aryeh Deri, à reprendre ses fonctions ministérielle après que la Haute-cour de justice eut estimé que sa nomination au cabinet avait été « déraisonnable à l’extrême » en raison de ses multiples condamnations criminelles.
La proposition a été adoptée en première lecture avec 63 votes « Pour » et 55 « Contre ».
Le texte est dorénavant retourné en commission où il sera débattu avant ses deux dernières lectures en séance plénière.
Le projet de loi, lancé il y a environ deux mois après le jugement rendu par la Haute-cour qui avait statué que les deux nominations de ministre de Deri étaient « déraisonnables à l’extrême », permettrait à Netanyahu de réintégrer le chef du parti ultra-orthodoxe dans son cabinet.
Deri était absent du vote à la Knesset, lundi soir.
Ce projet de loi constitue un amendement à la Loi fondamentale quasi-constitutionnelle : Le gouvernement et il interdit à tous les tribunaux, notamment à la Haute-cour, de procéder au réexamen judiciaire d’une nomination à la tête d’un ministère.
La législation prévoit un réexamen possible sur les désignations ministérielles à la Knesset, accordant aussi à cette dernière la capacité de renvoyer un ministre dans certaines circonstances.
La décision prise par la Haute-cour de renvoyer Deri au mois de janvier avait suscité l’indignation parmi les partis de la coalition et au Shas en particulier, qui avaient dénoncé un jugement venant clairement contredire la volonté exprimée par l’électorat.
« Nous pensons que cette loi renforcera le statut de la branche judiciaire qui pourra ainsi se focaliser à nouveau sur les questions où elle a l’avantage sur les autres branches du gouvernement, sans empiéter sur les questions qui relèvent de la branche législative », a estimé le chef de la coalition Ofir Katz, qui a parrainé la loi.
De son côté, le chef de l’opposition, Yair Lapid, a fustigé le texte proposé en évoquant « un jour heureux pour les criminels ».
« La législation permettant à un criminel condamné à deux reprises de devenir ministre a été adoptée en première lecture », a écrit le chef de Yesh Atid sur Twitter. « Voilà la seule chose qui intéresse vraiment ce gouvernement – ce n’est pas le coût de la vie, ce n’est pas la santé, ce n’est pas la sécurité – ce ne sont que les lois sur la corruption et sur les intérêts personnels ».
Le député de HaMahane HaMamlahti, Gideon Saar, a critiqué la proposition qui cherche à passer outre les jugements rendus par la Haute-cour.
« Qu’est-ce qui motive donc ces amendements ?… seulement les intérêts personnels. L’objectif poursuivi par cette loi est transparent, il est de tenter de privilégier une personnalité dont la Haute-cour a rejeté les nominations en pouvant à nouveau le désigner à un poste de ministre malgré la décision qui a été rendue », a commenté Saar.
Selon le projet de loi qui a été réexaminé en Commission, le plus grand parti de l’opposition sera en droit de demander un vote distinct en plénière pour approuver jusqu’à un quart des ministres nommés à leurs fonctions en cas de doute sur le respect des critères légaux qui entourent une nomination.
De plus, 40 députés pourront demander le limogeage d’un ministre – limogeage qui devra ensuite être approuvé à la Commission de la Knesset par une majorité de députés – et 40 parlementaires auront également le pouvoir de convoquer une séance plénière à la Knesset où le Premier ministre sera tenu de répondre aux arguments avancés contre une nomination spécifique et où il sera tenu d’expliquer la légalité de cette dernière. Le ministre mis en cause sera aussi autorisé à prendre part à cette session.
Un autre changement introduit par la loi vise à réduire le réexamen judiciaire de la nomination des vice-ministres.
Il y a quelques semaines, avant la lecture préliminaire, le ministre de la Justice Yariv Levin, co-architecte du projet de la coalition visant à étendre considérablement le pouvoir de l’exécutif en supprimant le rôle de contre-pouvoir du système judiciaire, avait indiqué que « tout ne devrait pas être soumis à un contrôle judiciaire », ajoutant que la capacité actuelle de la Cour à examiner les nominations « est un problème de prise de pouvoir sans prise de responsabilité », et que « le détenteur de l’autorité en porte la responsabilité ».
Consistant en un amendement à une Loi fondamentale, quasi-constitutionnelle en Israël, la proposition établit qu’ « Il n’y aura pas de contrôle judiciaire par un tribunal judiciaire sur toute question liée ou découlant de la nomination d’un ministre et de sa révocation, sous réserve du respect des conditions d’éligibilité énoncées à l’article 6 » de la même loi.
En décembre, la coalition avait déjà fait adopter une modification de cette même loi fondamentale : Le Gouvernement pour faciliter la nomination initiale de Deri, suite à sa condamnation à 2022 avec sursis pour délits fiscaux.
Cherchant à éviter une décision de la commission centrale électorale sur la question de savoir si la condamnation de Deri comportait une dimension de « turpitude morale », ce qui lui aurait interdit d’exercer toute fonction politique pendant sept ans, la coalition avait modifié le libellé de la loi pour appliquer le critère d’aptitude uniquement aux peines privatives de liberté.
Un député du parti du Likud de Netanyahu a présenté dimanche un projet de loi dont l’objectif serait que les politiques prennent le contrôle de la Commission centrale électorale – mais le texte a été retiré dans la foulée suite au tollé que la proposition a suscité.
Outre sa condamnation pour fraude fiscale en janvier 2022, Deri avait purgé une peine de prison pour une condamnation pour corruption en 1999 liée à sa conduite en tant que ministre, et il avait été condamné une nouvelle fois en 2003.
Dans son arrêt explosif de janvier 2022, la Haute Cour avait déclaré que la décision de Netanyahu de nommer un criminel financier condamné au poste de ministre en charge des importants budgets du ministère de la Santé et du ministère de l’Intérieur était « déraisonnable à l’extrême ».
La Cour avait également statué que selon le principe d’estoppel, Deri ne pouvait pas occuper un poste ministériel, car dans son accord de peine de janvier 2022, il avait donné au tribunal de première instance de Jérusalem l’impression qu’il quittait définitivement la politique.
Deri nie s’être jamais engagé à se retirer définitivement de la vie politique.
Michael Bachner et Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.