L’Argentine annule une décoration décernée à Maurice Papon par la dictature
L'ancien ministre français avait été condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité en raison de sa responsabilité dans la déportation de 1 690 Juifs
Le gouvernement argentin a officiellement annulé mardi une décoration, octroyée en 1979 par la junte militaire à l’ancien ministre français Maurice Papon, condamné vingt ans plus tard en France pour crimes contre l’Humanité, pour la déportation de Juifs pendant la guerre.
Lors d’une cérémonie à la présidence, le président Alberto Fernandez a annoncé un décret révoquant l’Ordre de Mai, grade de Grand croix, qui avait été décerné à M. Papon, alors ministre du Budget, par le chef de la junte Jorge Videla, à l’occasion d’une visite officielle en Argentine.
Le décret, qui paraîtra mercredi au Bulletin officiel, sera suivi d’une interdiction pour l’entourage ou les descendants de M. Papon d’exhiber ou utiliser la décoration, et d’une demande de restitution.
M. Fernandez a expliqué que la mesure s’inscrit dans « notre engagement à garder vivante la demande de justice pour l’Holocauste envers les auteurs de ces atrocités, et pour être en paix avec notre conscience afin qu’aucun génocidaire ne puisse arborer sur sa poitrine une décoration argentine ».
L’Ordre de Mai (d’après la révolution argentine de Mai 1810) est une décoration récompensant des étrangers « qui par leurs efforts ont contribué au progrès, au bien-être, à la culture ainsi qu’à la bonne entente et à la solidarité internationales » et « méritent la gratitude de la Nation ».
En 1997-98, lors d’un procès de six mois, Maurice Papon a été jugé pour la déportation de 1 690 Juifs de Bordeaux, où il était Secrétaire général de préfecture pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été condamné à dix ans de réclusion criminelle.
Enfui en Suisse juste avant l’examen de son pourvoi en cassation en 1999, M. Papon a été arrêté peu après et extradé. Écroué, il a été remis en liberté en 2002 en raison de son état de santé. Il est mort en 2007 à 96 ans.
Le ministre argentin des Sciences Daniel Filmus, maître de la cérémonie mardi à Buenos Aires en présence notamment des ambassadeurs de France et d’Israël, a expliqué à la presse que la révocation de la décoration de M. Papon s’inscrit dans un acte de réciprocité avec la France.
En 2020, le président Emmanuel Macron a signé un décret retirant la médaille de l’Ordre national du mérite français attribuée en 1985 à Ricardo Cavallo, un ancien tortionnaire sous la dictature argentine, par la suite attaché militaire à l’ambassade d’Argentine à Paris.
Ricardo Cavallo, un participant aux sinistres « vols de la mort », a été condamné à la perpétuité en 2011, puis en 2017, pour des disparitions, détentions arbitraires, tortures sous la dictature (1976-1983) dont l’assassinat de deux religieuses françaises en 1977.